Ce football africain qui ne lui appartient plus.

Article : Ce football africain qui ne lui appartient plus.
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29 octobre 2013

Ce football africain qui ne lui appartient plus.

le roy

Il était une fois, Claude Leroy, un sorcier blanc qui vint au Cameroun dans les années 1980 pour entrainer l’équipe nationale de football. Ce sorcier blanc là se rendit à Pouma, une localité, un district même de la Sanaga Maritime pour regarder un match de football d’un championnat de vacances. Ce jour-là, il découvrit les frères Biyick (Omam et Kana), qui furent de 1985 à 1998, des joueurs incontournables de notre équipe nationale de football. Aujourd’hui, il est impensable, voire impossible de voir un sélectionneur s’encombrer de recruter un joueur dans un village. Ce serait un scandale. Un vrai, car dans le football contemporain, les équipes nationales subsahariennes sont des conglomérats de produits de joueurs évoluant hors du continent, c’est donc une équipe nationale de joueurs de France, Angleterre, Belgique, Suisse, Ecosse, Russie, Espagne, Portugal, Allemagne, etc.

Voilà donc que la CAF a cru devoir résoudre ce problème en créant Le Championnat d’Afrique des Nations des joueurs locaux (CHAN), qui n’a aucune valeur populaire et médiatique. Pire, les joueurs issus de ce CHAN sont supposés intégrer les équipes premières, que non ! Les regroupements des équipes nationales sont des regroupements des équipes en une semaine, ou trois jours avant une rencontre. Est-ce cela, travailler les automatismes ? Est-ce évoluer de manière collective ?

Voyons le cas camerounais.

LIONS

25 joueurs sont convoqués dont 25 professionnels, pas même le gardien n’est du championnat national. Comment expliquer cela ? Sauf à croire que nos championnats nationaux sont devenus tellement exécrables qu’il n’existe aucun milieu offensif dans tout le championnat camerounais, personne ne peut comprendre pourquoi on aligne Landry NGUEMO et Alexandre SONG, comme milieux offensifs par défaut. Personne ne peut comprendre pourquoi on aligne Dany NOUKEU, défenseur central, comme arrière droit par défaut. C’est que dans cette équipe nationale camerounaise, la notion de cadre est de plus en plus criarde. Un match gagné rapporte 6 millions de FCFA à chaque joueur. Comment expliquer qu’on ne puisse pas permettre aux joueurs locaux de bénéficier de cette prime qui représenterait leur paie en un an ? Comment expliquer qu’on ne puisse même pas injecter 4 à 5 joueurs afin qu’ils puissent gagner en expérience et en maturité ? Rigobert SONG était-il professionnel au mondial 1994 ? Marc Vivien FOE l’était-il à sa première sélection ? Roger MILLA l’était-il aussi ? Il nous semble que le football africain n’a pas commencé dans les stades européens, asiatiques ou américains. Où est donc passée cette âme footballistique africaine « du continent » ? On vous répondra que les stades africains sont vides, que les championnats n’attirent plus les foules.

Mais comment un championnat peut-il attirer des foules si tous les joueurs de l’équipe dite « nationale » jouent hors de la nation ? Comment peut-il attirer des foules si on n’a pas de star nationale à l’Union de Douala, à l’Asec Mimosa, à l’As Léopard ? Comment peut-on aller dans un stade alors qu’on sait pertinemment que ces joueurs locaux resteront des anonymes ?

La logique de la corruption des entraîneurs.

Les sélectionneurs nationaux africains subissent de nombreuses pressions de la part des fédérations et des ministères, du coup, les listes des sélectionnés ressemblent plus à des pactes sociaux et politiques ! Au Cameroun par exemple, la logique de l’équilibre des ethnies s’est invitée dans la feuille du coach. Seulement, le problème est plus grave, car le vrai souci des joueurs locaux c’est que ceux-ci ne peuvent pas :

–          offrir une voiture au coach ;

–          reverser 10% de leur prime de match à l’entraîneur des gardiens ;

–          envoyer un western union chaque mois au coach.

Ils ne peuvent pas monnayer leur place. Ils n’ont pas les moyens de leur plaidoyer, et surtout, ils n’ont pas d’avocats, même pas la Direction Technique Nationale supposée mettre en place des politiques de relais entre les catégories inférieures et la sélection fanion.

Si seulement il y’a une politique obligatoire de quotas de joueurs locaux en sélection fanion ! Si seulement l’entraîneur adjoint de l’équipe A était l’entraîneur de l’équipe A’, et que l’adjoint des A’ était entraîneur des Espoirs, l’adjoint des Espoirs entraînerait les juniors, son adjoint entraînerait les cadets et l’adjoint des cadets serait l’entraîneur des minimes. C’est cela travailler en synergie. C’est cela avoir des équipes nationales qui se relaient. C’est cela aussi avoir un football qui va de la base au sommet et non du sommet à la base. C’est cela qu’on observe en Europe où toutes les catégories se regroupent pratiquement aux mêmes moments : Moins de 17, moins de 19, moins de 21 sont activités au même moment que les A, en même temps, on intègre dans les A, les plus promoteurs des moins de 19 ou des moins de 20. Paul POGBA, le milieu de terrain de la France était le capitaine de l’équipe de France championne du monde junior en 2013, en même temps qu’il était régulièrement appelé chez les A.

Que les sélections nationales africaines en prennent de la graine. Qu’elles sachent qu’une équipe nationale est le reflet du football national et non des autres championnats. Que les professionnels viennent pour intégrer une ossature « nationale » et non une ossature de diaspora. Car, avec cette dernière, les stades africains, quand ils existent seront de plus en plus désertés. Les droits TV des télévisions africaines paieront de plus en plus les Droits de La Ligue Européenne des Champions, ou des champions nationaux européens. Pendant ce temps, quels droits TV financeront le football africain qui est si boudé ? Maintenant que la FIFA a demandé aux fédérations nationales de professionnaliser leur football, comment peut-on le professionnaliser quand tous les sponsors retirent leur participation comme c’est le cas avec la firme MTN au Cameroun ?

Quel est ce football qui se veut professionnel sans championnat junior et cadet ? Sans infrastructures adéquates ? Sans sponsor local ? Sans joueur local dans la sélection nationale ? S’agit-il vraiment encore du football africain ?

Il nous faut donc un visionnaire, quelqu’un qui peut oser comme Claude Leroy d’aller piocher dans nos lointains villages. Quelqu’un qui peut comprendre que le talent se trouve aussi à Biyemassi, Cocody, Yopougon ou Cotonou. Oui, le football africain a ses racines dans nos racines urbaines, rurales, mystiques et même insolites. Qu’il en soit ainsi !

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Commentaires

Junior BINYAM
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Dania, Leroy n'a pas découvert les frères Biyick c'est une légende anormalement entretenue. les frères Biyick ont pu se hisser en demi-finales de la Coupe du Cameroun avec le Pouma FC au cours de la saison 1983 -1984. C'était avant l'arrivée de Leroy au Cameroun. Ils étaient donc déjà bien connus quand Leroy arrive au Cameroun et internationaux A.
D'ailleurs lors de la déroute du Cameroun à Lusaka en éliminatoires de la Coupe du monde 1986 (4-1) face à la Zambie, Kana Biyik dispute ce match. Son frère Omam jouera au retour à Yaoundé et l'entraîneur est le yougoslave Rade Ognanovic avec qui le Cameroun a gagné la Can de 1984. Ce n'est qu'après cet échec là que Claude Leroy sera recruté.

DANIA
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Merci beaucoup Junior pour cette mise au point assez édifiante. Tu vois donc que c'était nécessaire que tu me lises ? Je m'incline encore devant ta haute connaissance du football. Tu devrais écrire un livre.