Désolé Eto’o, mais je ne supporterai pas Everton.
69ème minute, le 30 Août 2014. Eto’o fait sa rentrée à Everton, face à son ancien club, le remuant Chelsea de José Mourhino. Et pourtant, mon cœur battait pour Chelsea et non pour Everton. Pourquoi ?
Parce que cher Eto’o, grâce à toi, j’ai supporté beaucoup de clubs Européens : Majorque, Barcelone, Inter, Anzhi, et Chelsea. Avec toi, j’ai voyagé en 14 ans en Espagne, en Italie, en Russie et en Angleterre. Avec toi, les camerounais supportaient à chaque fois l’équipe dans laquelle tu évoluais. J’ai encore ce mémorable souvenir de tes années barcelonaises, ces soirées enflammées durant lesquelles le cœur du pays s’arrêtait de battre pour t’insuffler ses énergies, celles de Bali, Nkomondo, New Bell, Ngambé, Edéa, Douala, Yaoundé, Nkongsamba, etc.
Tout le pays était si fier de te voir dompter ce football européen, obtenir la ligue des champions avec trois clubs différents, devenir quatre fois ballon d’or africain. Oui, Samuel, pendant plus d’une décennie, tu as été le Dieu du football africain. Tu as surtout été le meilleur butteur de la sélection nationale, le « sauveur » depuis 2000. Tu nous as fait vibrer, sauter, crier devant nos petits écrans. Tu as surtout permis aux sociétés brassicoles de faire recette les mercredis, samedis et dimanches, lorsque l’un de tes clubs évoluait. Même quand tu t’es rendu en Russie, alors que personne ici ne portait le moindre intérêt à ce championnat, voilà que tous les câblodistributeurs ont mis dans leur bouquet, MCS (Ma Chaîne Sport) qui retransmettait tes rencontres. Oui, tu as intéressé les camerounais aux divers championnats européens.
Grâce à toi, les sociétés de paris sportifs n’ont eu aucun mal à s’implanter au Cameroun, parce que la nouvelle religion mondiale était le football « made in Samuel Eto’o ». Alors quand tu es allé à Chelsea, nous nous sommes dit que tu allais rééditer les exploits de tes années passées. C’était sans compter avec ta « vieillesse » qui a fait polémique à partir de la bouche même de ton coach José Mourhino. Visiblement, il regrettait déjà de t’avoir fait venir à Londres. Comme nous, il avait en mémoire l’année du sacre avec l’Inter de Milan, où, tu avais même dû te convertir en latéral lors de certaines rencontres. Tu étais fort, très fort, Samuel Eto’o. Tu as même failli frôler le ballon d’or mondial en 2006, mais, mais…
Mais il y’a des mais. Il y’a que tu es devenu incontournable à l’équipe nationale de football du Cameroun, tellement qu’on t’a offert le capitanat dans des conditions contestées en 2009. La suite, on la connait : des interminables querelles de vestiaires, un égo surdimensionné de tes coéquipiers, complexés devant ta carrière, ton palmarès et ta fortune. Autant d’acquis que tu ne te privais pas de leur rappeler ou de clamer dans tes interviews. Avant toi, il n’existait pas ces fans clubs de joueurs. Il n’existait pas cette tendance de journalistes pro ou anti un tel joueur. Il y’a eu aussi les polémiques : tes propos acerbes contre Roger Milla en 2010, ta suspension par la fédération camerounaise de football pour indiscipline, mais aussi et surtout la grève des primes en 2014. Personne n’oubliera que tu as boudé le drapeau camerounais à quelques jours de la coupe du monde. Personne n’oubliera que tu étais non seulement le capitaine des joueurs, mais aussi le capitaine de plusieurs journalistes et officiels qui se sont érigés volontairement en chargés de la communication de Samuel Eto’o. Personne d’eux n’osait te faire le moindre reproche sur tes excès, tes écarts de langage ou sur ton comportement hautain. Alors tu as oublié que la République a des institutions, parmi lesquelles un Premier Ministre que tu as boudé dans un stade qui était supposé te donner les bénédictions pour la coupe du monde. Tu as été maladroit sur ce coup Sammy, très maladroit.
Evidemment, quand Stéphane Mbia est devenu depuis quelques jours le nouveau capitaine de l’équipe à ta place, les gens ont vite crié au règlement de comptes. Non, Samuel, tu sais très bien que l’air de cette équipe était devenu irrespirable. Tu sais très bien qu’autour de toi, plusieurs joueurs s’étaient autoproclamés cadres et même au plus profond de leur méforme, se refusaient de quitter le groupe. Cela ne pouvait plus durer. J’entends d’ici les uns et les autres se demander que serons-nous sans toi. Je leur réponds qu’il y’a eu un avant, et il y’aura un après Eto’o. Tu es talentueux, personne ne le réfutera. Tu es un joueur de classe mondiale, c’est incontestable, alors je salue le fait que tu aies annoncé ta retraite internationale. Pour une fois, ne reviens pas sur ta décision, malgré ton but inscrit à la 75ème minute face à Chelsea. Certains diront que tu as encore beaucoup à apporter aux lions indomptables, que dans cette équipe, il n’y a pas encore un sérial buteur comme toi. Mais malheureusement, ils oublient que tu fais partie de cette génération maudite de footballeurs dont je parlais pendant cette triste coupe du monde 2014.
Alors, malgré ce but fabuleux lors de ton premier match à Everton, malgré cette forme apparente que tu nous montreras encore sans doute, je voudrais te dire que je ne supporterai pas Everton. Je supporterai Chelsea en souvenir de toi, Barcelone, en souvenir de toi, Inter, en souvenir de toi, Anzhi, en souvenir de toi, et surtout, les lions indomptables, pour encourager les jeunes, les nouveaux venus, les buteurs promoteurs. Car, souviens-toi qu’un jour aussi, tu as été jeune, et ta place te fut donnée. Salut l’artiste !
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