J’ai enfin pu trouver un hôtel à Meiganga.

Article : J’ai enfin pu trouver un hôtel à Meiganga.
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1 mars 2015

J’ai enfin pu trouver un hôtel à Meiganga.

Parcourir le Cameroun profond est loin d’être une sinécure. Mais, tu sais Dolorès, le journalisme humanitaire m’a conduit partout, et du coup, j’ai reniflé l’odeur assez lourde de ce qu’il est convenu d’appeler, parcours du combattant. Je me retrouve en ce moment à Meiganga. Cette ville n’évoque rien en toi ? Normal. C’est le Chef-lieu du département du Mbéré, Région de l’Adamaoua au Cameroun. En réalité, c’est la route qui mène à Ngaoundéré, Chef-lieu de cette Région. 157km séparent les deux villes. Si Ngaoundéré est plus connue parce qu’elle est une gare centrale ferroviaire, Meiganga quant à elle est une bourgade qu’on connait seulement lorsqu’il faut valider les points des questions de cours en géographie.

Plaque Meiganga
Plaque d’entrée dans la ville de Meiganga

 Je t’avoue Dolorès que venir ici n’était pas dans mes rêves les plus fous, d’autant plus que je suis parti de Yaoundé hier, j’ai fait 4 heures de route, j’ai passé la nuit à Bertoua, et ce matin, c’était reparti pour 4 heures de route, avec une escale à Garoua-Boulai , une ville devenue célèbre, parce que c’est la ville frontalière entre le Cameroun et la République Centrafricaine. C’est par elle que les milliers de réfugiés centrafricains entrent au Cameroun, et c’est par elle aussi que d’anciens miliciens ou militaires centrafricains ont échoué au Cameroun. Un tour au Soya du coin, avec une viande de mouton toujours aussi savoureuse, et me voilà parti pour Meiganga. Sur le chemin, on peut admirer un bitume non stop. Si pour toi c’est normal, il y’a deux ans encore, cette route était une vieille piste et un calvaire pour les populations, victimes en ce moment là de nombreux accidents et surtout des coupeurs de route. Les Régions de l’Est et de l’Adamaoua au Cameroun n’avaient que le train comme moyen de transport par excellence. Depuis l’avènement de ce bitume, Yaoundé-Ngaoundéré peut désormais s’effectuer en 8 heures de temps. On parle quand même de plus de 800km de distance.

Nouvelle route bitumée
Nouvelle route bitumée entre Yaoundé et Ngaoundé ( en passant par Bertoua, Garoua-Boulai et Meiganga).

Arrivé donc à Meiganga, il est plus de 16h. Je descends de ma voiture de location, ma casquette RFI sur la tête, et me voilà déjà zyeuté par des gens qui détectent tout de suite la présence d’un étranger dans la ville. « Où me loger ici » ? Voilà la première question qui me taraude l’esprit. Il faut alors faire le tour de la ville, et chercher le précieux sésame où passer la nuit. Le premier hôtel est dit-on le plus huppé de la ville. Il est donc complet. Forestiers, chercheurs d’or, membres des Nations Unies, et tous les VIP ont occupé les chambres. On m’oriente vers l’Eglise Évangélique Luthérienne du Cameroun (EELC). Ah, c’est vrai que dans l’Adamaoua, les luthériens sont nombreux, et y ont fait les plus grands investissements : paroisses, hôpitaux, radios, et…hôtels, du moins ce qui en tient lieu.

Descente de voiture
Célèbre malgré moi à Meiganga

On a vu la plaque de l’EELC, mais personne ne sait exactement où elle se trouve. Moi, ne sachant pas parler fulfulde (langue vernaculaire de tout le septentrion camerounais), c’est loin d’être une mince affaire de communiquer avec des habitants intrigués non seulement par la voiture, mais par l’individu qui leur demande une chambre d’hôtel dans une église. Laisse Dolorès, je me résigne à sortir de la ville et à emprunter l’axe qui mène à Ngaoundéré où une autre plaque hôtelière se voit au bord de la route. Là bas, il n’ya pas de parking pour la voiture. Le gérant est pourtant catégorique pour le prix de la chambre : « 15000frs la nuitée ou rien » nous répète t-il. Nous comprenons donc, le chauffeur et moi que la voiture n’a pas forcement joué un rôle favorable ici. J’ai beau négocier jusqu’à 8000frs la nuit, pour un hôtel sans parking, et d’une incroyable étroitesse, le gérant est nerveux et ne fléchit pas. Demi-tour, nous rentrons au centre-ville de Meiganga, et pas loin des services de la Préfecture, on aperçoit la plaque d’un motel. Ici, le réceptionniste est clair : « l’eau ne coule pas, pas de télévision et pas de clim ». Lorsque je lui demande comment on va pouvoir dormir sans clim, il me répond qu’il fait froid. Hum, il a oublié de mentionner que ses draps sont crasseux, que les chambres sont dignes de buanderies et que l’odeur est insupportable. Je lui demande quand même : « Vous faites combien la nuit » ? Il me répond : « 5000frs ». A ce prix là, dormir avec les moustiques et les cafards, non merci. Et pourtant, à côté de moi, un commissaire était en train de négocier une chambre. Pas sûr que c’était pour les mêmes raisons que moi. Passons ! Il est déjà plus de 18h. On ressort et on retombe sur l’entrée du fameux hôtel huppé de la ville. Mais, on ne sait plus où aller. On interpelle un mototaxi pour nous escorter vers un hôtel. Il tourne en rond avec nous et nous emmène vers un motel qui semble acceptable. Problème ici, l’accueil est exécrable et de toute façon, on est encore en train de creuser le forage. Donc, pas de chance d’avoir de l’eau pour cette nuit. La nuit tombe déjà sur Meiganga. Nous reprenons la route et décidons d’intercepter tout habitant de la ville pour trouver enfin un endroit où dormir. Vers la place du marché, nous nous garons devant un autre mototaxi. Bien entendu, je te passe le détail des regards braqués sur nous. Tout Meiganga admirait notre voiture, et en trente secondes, voilà des gens curieux qui s’agglutinent autour de notre mototaxi.  Je lui demande : «  Y’a un hôtel par ici ? », il me répond « oui » sans hésiter. Mais son indication était un vrai algorithme à déchiffrer. A côté de lui, un homme, voulant sans doute être serviable crie : « Allez à la mairie, il y’a un hôtel là bas ». Nous lui disons merci avec le sourire et nous nous réjouissons de pouvoir enfin nous abriter dans la nuit de Meiganga. Une fois devant la mairie, nous trouvons un mécanicien et on l’interpelle. Dans son sourire, j’ai tout de suite décelé le bonheur d’un garagiste qui se dit qu’enfin il a trouvé une grosse voiture en panne et cela allait sans doute lui faire sa recette du jour. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’au lieu de parler d’une panne de notre voiture, on lui demande plutôt un hôtel. « On nous a dit qu’il y’a un hôtel ici à la mairie » lui dis-je. Amusé et un peu moqueur, il me répond : «  Monsieur, vous êtes bien à l’hôtel ici, l’hôtel de ville ». Je t’avoue Dolorès que je ne me suis jamais senti aussi idiot. Le monsieur du marché nous avait orienté tout net à l’hôtel de ville. Pardi Dolorès ! L’hôtel de ville c’est la mairie. Pouf !!! Il est 19h 30, et nous n’avons toujours pas d’hôtel à Meiganga. On refait demi-tour nous croisons un autre monsieur qui nous parle d’un hôtel après la compagnie de Gendarmerie. Nous y sommes ! Et là, au moins la cour nous rassure. On va pouvoir se garer. Le gérant lui, est plus flexible, de 15000frs la nuit, on tombe d’accord pour 8000frs. Mais en faisant le tour des chambres, les carreaux sont dégueulasses, mais là il faut que je me pose, je suis fatigué. Il y’a une télé et la clim, c’est déjà ça ! Mais comme le piège n’est pas loin, la télévision n’a qu’une seule chaîne. Le réceptionniste m’explique que dans leur hôtel, il zappe depuis le hall, et toutes les chambres reçoivent la même chaîne. Pour le moment, c’est TV5MONDE qui retransmet un match du tournoi des 6 nations en rugby. Quelques secondes après, le voilà sur la RTS1, la chaîne sénégalaise qui retransmet un match de Basket entre le Sénégal et le Mali. Il vient dans ma chambre et me dit : « Je vais vous mettre Afrique Média tout à l’heure ». Intrigué, je le regarde s’éloigner et je me mets à cogiter sur cette annonce plutôt bizarre. Il ignore sans doute que depuis que Canalsat a enlevé cette chaîne de son offre, je ne la regarde plus chez moi à Yaoundé. Par contre Dolorès, j’ai constaté depuis hier à Bertoua que tout le monde ici dans la zone est câblé Afrique Média. Sur le mur de l’hôtel, une ancienne affiche de la fête de la musique. Le style de l’annonce m’éblouit, car il met en exergue l’émergence de talents musicaux locaux.

Affiche Meiganga

J’ai aussi découvert une chose exceptionnelle : Meiganga en fait veut dire « Mont du Ganga » en langue Gbaya.  En 1992 et 1994, il y’eut une sanglante guerre entre les Gbaya et les Peulh sur une question foncière et le leadership traditionnel. Du fameux Mont Nganga, des personnes inconnues sont descendues avec des lanternes durant la nuit, pour porter secours aux Gbaya qui ont finalement vaincu les Haoussas et les Peulh. Les Gbaya sont convaincus qu’il s’agit de leurs ancêtres décédés et vivant dans cette montagne sacrée. Aujourd’hui, le Lamidat (chefferie supérieure) de Meiganga est resté gouverné par les Gbaya. Son pouvoir s’étend dans tout le département du Mbéré, même si les Gbaya sont présents aussi à l’Est, étant donné que Bertoua est une ville d’origine Gbaya qui veut dire en langue locale « celui qui enroule la terre », c’est-à-dire Bartoua. Si j’ai découvert toutes ces choses, c’est grâce au réceptionniste de l’hôtel qui est devant moi en ce moment. C’est un fils Gbaya, très imprégné des choses d’ici. C’est aussi grâce à lui que j’ai pu trouver un espace dans le jardin de l’hôtel pour avoir un bon réseau pour me connecter sur Internet. Oui Dolorès, même à Meiganga, il peut y avoir un peu d’Internet. Je vais donc me coucher, dans ma chambre d’hôtel située au pied du Mont Nganga.

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Commentaires

Fabienne
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Merci pour ce beau recit. Cela m'a permis d'avoir quelques notions sur une region de mon pays etant donné que nous jeunes n'avons des connaissances géographiques que scolaires de notre pays. Cependant malgre les details fournis sur les gbaya, je n'arrive toujours pas a ma situer sur une carte l'itineraire entre bertoua, garoua-boulai, meiganga et ngaoundere et aussi la zone exacte ou on retrouve les gbaya. (Ils sont originaires d'ou? De quelle ethnie descendant-ils?). Merci !

André Fidèle Mekinda
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Dania!!! que tu bonheur dans cette balade à Meiganga. je cris que la suite je la ferais en images.Merci à toi Dania