Flora et Anour: « Enfants de la paix » de RCA dans un site de réfugiés.

Article : Flora et Anour: « Enfants de la paix » de RCA dans un site de réfugiés.
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2 mars 2015

Flora et Anour: « Enfants de la paix » de RCA dans un site de réfugiés.

Flora et Anour

Ils sont deux centrafricains. Flora est chrétienne et Anour est musulman. Les deux auraient pu symboliser le conflit centrafricain sous le prisme des rivalités entre les deux communautés religieuses. Ils ont tous les deux subi l’horreur et l’atrocité de la guerre en République Centrafricaine, et tous les deux ont échoué à Gado, un site de refugiés centrafricains, à l’Est du Cameroun.

Anour Mahamat : « J’ai été sauvé par un chrétien Témoin de Jéhovah ».

Il y’a 11 mois, ce jeune licencié en Sciences Economiques et de Gestion de l’Université de Bangui a vu sa maison pillée, détruite, et criblée de grenades. Il n’aura la vie sauve que grâce à un voisin Témoin de Jéhovah qui réussira à le cacher  et lui permettra d’atteindre le Kilomètre 5, quartier des musulmans de Bangui. C’est à partir de là que grâce à un avion tchadien disponible à l’aéroport de Bangui, il se retrouvera au Tchad. Deux mois plus tard, il passera par la frontière camerounaise, traverse la ville de Ngaoundéré, et se retrouve enfin à Garoua-Boulai. C’est à 22km de là que se trouve le site des refugiés centrafricains.

Annour

Anour : Faire vivre le COGES au nom de l’éducation des enfants.

11 mois plus tard, Anour est devenu le président du COGES (Comité de Gestion Scolaire) des ETAPEs (Espaces Temporaires d’Apprentissage), financés par l’Union Européenne et mis en œuvre par l’Unicef dans le site des réfugiés de Gado. Depuis le 7 Juillet 2014 en effet, il se charge de gérer les fiches des présences des enfants qui fréquentent les étapes, et leur fournit le matériel scolaire. Par ailleurs, « si les enseignants ont besoin de quelque chose en termes de matériel, ou les enfants qui viennent d’arriver et qui ont besoin de cahiers ou des ardoises, je transmets à nos donateurs et ils nous les fournissent » précise Anour. Il se donne à cette tâche avec une telle dévotion, car se rappelle t-il, les populations de ce site, essentiellement des Peulh, n’avaient pas la culture de l’éducation pour leurs enfants en arrivant ici. C’est sur ce site qu’ils ont découvert l’univers de l’apprentissage et de la scolarisation. « On a les agents sensibilisateurs sur le terrain pour emmener les parents à laisser les enfants venir à l’école » poursuit Anour. Une chose simple lui arrache le sourire dès qu’il y songe : « Aujourd’hui, quand tu trouves un enfant, il te dit  Bonjour en français ou même Good Morning en anglais » affirme t-il avec fierté. C’est vrai que ces enfants centrafricains sont venus dans ce camp avec pour seul langage, leur langue vernaculaire. Aujourd’hui, grâce au projet « Enfants de la Paix » de l’Unicef et de l’Union Européenne, ces enfants communiquent, lisent, écrivent et chantent dans les deux langues officielles du Cameroun, le français et l’anglais. «  L’éducation est fondamentale. Avec ma licence en gestion, ma première expérience est de gérer ces enfants, qui lorsqu’ils retourneront au pays, seront des leaders et des décideurs ».

Tableau bilingue

Flora : Redonner la joie de vivre aux enfants du site.

Dans un autre ETAPE, se trouve Flora Nombot. Son histoire est encore plus dramatique que celle d’Anour. Elle vivait dans sa belle-famille lorsqu’elle apprend un matin que ses deux parents sont assassinés pendant le conflit centrafricain. Contrainte de fuir Bangui, elle se retrouve dans un camion qui traverse la frontière camerounaise pour se retrouver ici à Gado. Heureusement son mari est à ses côtés, ainsi que leur unique fille de trois ans qui est inscrite dans l’ETAPE à la SIL. En quittant Bangui, elle était en Première Année de la filière Banque et Finance. Son background l’a tout de suite emmenée à se porter volontaire pour encadrer les jeunes du site dans l’ETAPE protection. L’étape protection est le volet apport psychologique et moral de ces enfants traumatisés par la guerre centrafricaine.

Flora et les enfants en créativité
Flora et les enfants en créativité

Pour ce faire, les salles appelées ETAPE servent de cadre pour encadrer les enfants de 8h à 12h du lundi au vendredi, à travers des animations, des activités d’éveil, et des activités pratiques (dessins, petites fabrications avec du bois ou de la poterie). Cette stimulation mentale est le résultat d’une collaboration de l’Unicef avec l’ONG dénommée ASSEJA qui a formé les encadreurs et les instituteurs psycho sociaux. Flora est parmi ces gens formés. Ces enfants, qui, il y’a quelques mois encore vivaient l’ambiance du nomadisme de leurs parents éleveurs, dont désormais concentrés ici à fabriquer, inventer, et s’égayer. «  Il y’a des enfants qui ont perdu leurs parents, et on leur change les idées à travers ces activités qui les épanouissent pleinement ».

Atelier de Poterie dans un ETAPE à GADO
Atelier de Poterie dans un ETAPE à GADO

Flora et Anour sont donc les symboles de ce projet « Enfants de la Paix ». Flora encadre des enfants Peulh, mais pour elle, ce sont des enfants comme la sienne. Anour n’oubliera jamais que c’est un chrétien qui l’a sauvé de la barbarie d’autres chrétiens. Chacun d’eux œuvre dans un volet (éducation et protection) et chacun d’eux est le reflet du combat contre l’analphabétisme, l’obscurantisme, la division et la violence. Sur ce site de Gado, les centrafricains ont laissé derrière eux les divisions ethniques et religieuses. Une jeune femme et un jeune homme main dans la main, symboles du respect du genre, symboles de deux individus que l’éducation a nourris, et qui transmettent les notions de paix à ces jeunes enfants en leur disant que demain sera certainement plus beau. Le nouveau matin de Centrafrique vient de naître dans le site de réfugiés de Gado.

Post Scriptum :

Si vous voulez écouter le témoignage d’ANOUR, cliquez ici :

Si vous voulez écouter le témoignage de Flora, cliquez ici :

Odilon DOUNDEMBI, un jeune centrafricain déclare ceci : « Je suis optimiste quant à l’avenir de la jeunesse africaine, milite pour la paix, la liberté et l’égalité en Afrique en général et en particulier en Centrafrique (mon pays)».

Le blogueur Centro dit ceci : « Et si nous voulons que tout cela finisse un jour…Il faut une réelle volonté de changer les choses, il faut revoir le système… ».

Baba Mahamat déclare ceci : «  Je suis issu d’une famille polygame. Mon père, le feu Mahamat Kana s’est marié avec deux femmes dont ma mère. Ma mère, la feue Marthe Miande à laquelle je dois beaucoup, était chrétienne de son vivant. Alors vous comprendriez que je suis issu des deux religions, ce qui accroit ma connaissance des deux communautés. Alors, après avoir côtoyé la religion chrétienne, j’ai décidé d’être musulman, ce qui n’a pas été contraignant pour moi. J’ai fait ce choix librement. Mais j’ai un grand respect pour les deux religions dont je suis issu ».

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Commentaires

Fabienne
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Merci pour ce bel article qui nous permet de prendrr conscience de la situation. Beaucoup de courage a ces jeunes qui essaient de changer les choses! C'est une belle leçon de vie.

Baba
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Témoignage très poignant. merci Dania pour ce remarquable travail de venir à l'écoute de ceux qui apprennent à vivre après la tragédie que traverse notre pays la RCA. Je suis optimiste tout comme les autres compatriotes sur l'issue à cette crise qui n'a fait que trop duré avec ses innombrables victimes.

Mille merci encore à toi pour ce travail professionnel!

Peace for CAR

Anne Christelle
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Très bien écrit, témoignage poignant. Merci de partager ces informations avec nous.