Es-tu libre ?
Mon frère, ma sœur, es-tu libre ? Es-tu libre comme ces deux pigeons que j’ai vus à Bertoua, picorant librement, volant librement, voyageant librement ? Es-tu libre d’aller et de venir comme le dit la constitution de ton pays ? Es-tu libre d’aller partout où tu veux comme le dit la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ? Es-tu libre alors ? N’as-tu pas besoin d’un titre de voyage en train, bus, ou avion ? N’as-tu pas besoin d’un passeport et d’un visa pour partir de Yaoundé à Libreville ? Es-tu libre alors ?
Mon frère, ma sœur, es-tu libre ? Es-tu libre de manger ce que tu veux comme ce cabri que j’ai vu à Maroua, broutant l’herbe allègrement ? Es-tu libre de manger sans passer par le contenu de ton porte-monnaie ? Es-tu libre de manger sans te soucier de la flambée des prix sur le marché ? Es-tu libre de manger ta viande de brousse sans craindre le virus Ebola ? Es-tu libre de manger ce que ta religion t’interdit ? Es-tu libre alors ?
Es-tu libre de marcher dans la nuit noire sans avoir besoin de braquer tes pleins phares ou de brandir ta torche ? Es-tu libre de braver la pénombre la plus profonde comme les yeux du chat, du hibou et de la chauve-souris ? Es-tu libre de t’éclairer si la société d’électricité de ton pays ne te déleste chaque jour, ou pendant des semaines comme dans la ville de Belabo ? Es-tu libre alors ?
Mon frère, ma sœur, es-tu libre ? Es-tu libre de dire ce que tu penses sans passer par les cases « permission parentale », « autorisation de manifestation publique » ? Es-tu libre de caqueter comme les oiseaux de la basse-cour que j’ai aperçus au quartier Ntarikon de Bamenda ? Es-tu vraiment libre de dire à ton employeur qu’il exagère sans avoir la crainte de te faire virer ? Es-tu libre alors ? Tu dis que tu as la liberté d’expression et d’opinion, mais tu as oublié aussi que tu as l’obligation de réserve ? Es-tu libre alors ?
Es-tu libre de mener la vie que tu veux, sans craindre les maladies cardiovasculaires, le Sida, le diabète ? Peux-tu dormir à Kye-Ossi sans moustiquaire et éviter le paludisme ? Es-tu libre alors ? Es-tu libre de circuler à Yaoundé lorsque le cortège présidentiel s’ébranle ? Peux-tu oser même tousser dans ce cas ? Es-tu libre d’arriver à l’heure à tes rendez-vous lorsque ta compagnie aérienne accuse 72 heures de retard ? Es-tu libre vraiment ?
Es-tu libre comme ce coq et cette poule qui s’accouplent en plein air, tandis que toi tu te caches sous la couette pour éviter les regards indiscrets et les atteintes à la pudeur ? Es-tu libre alors ? Es-tu libre d’être toi sans penser aux autres ? Es-tu libre de penser à ta rue sans compter sur son balayeur ? De penser au bac à ordures sans l’intervention des éboueurs de nuit ? De crier au voleur sans espérer l’intervention du 113 ? Es-tu libre de bloguer aujourd’hui sans passer par la dictature de Google sur les blogs « Responsive » ou non ? Es-tu libre vraiment ?
Es-tu libre d’emprunter un transport en commun s’il y’a grève des taximen à Douala ? Es-tu libre d’acheter ton pain sans la volonté des boulangers ? Es-tu libre de boire ta bière sans le concours des brasseurs ? Es-tu libre ? L’es-tu vraiment ? Es-tu libre plus que l’eau que tu gaspilles et qui te retombe sous forme de pluie ? Es-tu libre plus que ce soleil qui te brule la peau mais qui te procure de l’électricité ? Es-tu libre plus que cette terre que tu habites et qui tremble pour manifester sa divine colère ? Es-tu plus libre que ce feu que tu allumes, mais qui peut t’embraser à tout moment ? Es-tu libre ? Mon frère, ma sœur…
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