Le combat de Sœur Mary à Dziguilao.
Voici l’unique bébé né au Centre Médical Catholique de Dziguilao ( Région de l’Extrême-Nord au Cameroun) ce jour. C’est la fille de Maïrouskou Hélène, elle est née exactement à 11H 30, ce jeudi, jour de marché, donc jour de grande affluence dans la ville. C’est Sœur Mary, une religieuse franciscaine qui a permis à Hélène de délivrer ainsi son 6ème enfant. En tendant le bébé à sa mère, Mary fait là un geste qu’elle aurait souhaité opérer chaque instant de la journée. En 2010, elle était institutrice à l’école primaire de la localité avant de demander la permission à sa congrégation pour aller se former en soins infirmiers et devenir sage-femme. « Je voyais que le personnel médical manquait ici, alors je me suis dit qu’il fallait foncer ». Pourtant, ce matin, Sœur Mary n’a pas tout à fait le sourire. Et pour cause : « J’ai aperçu plusieurs femmes enceintes tout à l’heure au marché. Aucune n’est passée ici pour une visite prénatale. Rendez-vous compte ! Seulement 10 accouchements mensuels ici ».
Pour Sœur Mary, les indicateurs sont en progression certes, mais les choses pourraient aller plus vite « si les populations avaient plus de bonne volonté. Elles prétendent que les frais de consultation sont chers. C’est 1000frs. Je vous assure que même si on les met à 200frs, les choses ne bougeront pas aussi vite ». Elle explique alors qu’à Dziguilao, les hommes pour la plupart laissent les femmes se débrouiller seules pour payer leurs frais médicaux, ce qui est loin d’être évident. Elle pense que c’est là que se trouve le nœud du problème : les hommes (époux et pères de familles). « Chaque dimanche à la messe, je demande au prêtre de sensibiliser les hommes afin qu’ils accompagnent leurs femmes et les encouragent à fréquenter les formations sanitaires », poursuit Sœur Mary. D’autre part, elle se réjouit de la présence de 8 Agents de Santé Communautaire au sein de son centre. Ce jour de marché, 6 de ces agents sont présents.
Ils doivent parcourir en moyenne 6km chacun à vélo pour arriver jusqu’au centre du marché. Le chef du centre médical catholique, Koga Jean Félix, se félicite de cette approche du projet H4+ qui permet « un contact plus direct avec les communautés », ce d’autant plus que ce sont des hommes qui font office d’agents de santé communautaires, et ce sont eux qui au fil du temps, vont convaincre leurs pairs à changer de comportement et pousser les femmes à venir à l’hôpital.
« Ma barrière c’est la langue. Je suis anglophone, et je ne suis que moyenne en français. J’essaye d’apprendre le Toupouri, la langue du coin. J’en ai besoin pour me rapprocher davantage de ces femmes » dit Sœur Mary. A côté de Sœur Mary, se trouve Liki Salomon, Agent de Santé Communautaire depuis un an déjà. Il habite Tibégué, à 5km de là.
« C’est vrai que le problème de la distance se pose encore pour quelques femmes » avoue-t-il avant de poursuivre : « c’est la raison pour laquelle moi je suis spécialiste de la prise en charge à domicile, et je réfère systématiquement les cas à la sœur ou au chef de centre. Les mentalités sont certes difficiles, mais les choses s’améliorent déjà. La semaine dernière, elles étaient nombreuses à m’écouter ici sur la place du marché, lorsque j’évoquais la question de l’utilisation des moustiquaires ». Dans quelques jours en effet, la distribution des moustiquaires aura lieu ici à Dziguilao. Sœur Mary se frotte déjà les mains à l’idée de parler aux femmes bénéficiaires qui se présenteront. Son discours préparé sera sans doute le suivant : « Dormir sous moustiquaire c’est bien. Mais venez aussi vacciner vos enfants. Venez aux consultations prénatales, venez accoucher à l’hôpital. Venez, venez ! ». Cela ressemble à un sermon religieux, que oui ! Sœur Mary est avant tout, servante de Dieu.
Commentaires