Mokolo, Le Lycée multilingue de la Paix.

Article : Mokolo, Le Lycée multilingue de la Paix.
Crédit:
23 février 2016

Mokolo, Le Lycée multilingue de la Paix.

A force d’appeler le marché principal de Yaoundé à Messa, comme étant le marché « Mokolo », on a occulté que cette ville de l’Extrême-Nord, chef-lieu du Mayo-Tsanaga, est l’une des plus belles, des plus tracées et des plus touristiques du Cameroun. Entourée de rochers, de pierres et de montagnes, les rues de Mokolo renvoient chaque après-midi, l’agréable spectacle visuel du ballet des tenues scolaires.

On ne s’y trompe pas évidemment, c’est le vrai Mokolo ici, la ville, le département, l’héliport, mais surtout le cosmopolitisme ethnico-religieux qui lui confèrerait même le statut de capitale régionale. Pendant que ce débat se susurre entre voyageurs qui découvrent cette ville pour la toute première fois, c’est la vue de la résidence présidentielle qui va mettre tout le monde d’accord. Mokolo est une grande agglomération !

VCP_8795 (2)

Mokolo c’est donc un grand lycée, pas seulement Le Lycée classique de la ville, dont les élèves sont reconnaissables avec leur tenue couleur bleu ciel, mais aussi et surtout le Lycée Bilingue est devenu le lycée de la paix. Ce lycée accueille des élèves venus de tout le pays et même du Nigéria voisin. La chemise blanche et le pantalon bleu marine donnent du charisme à ces élèves assidus dans la cour dans cette période de contrôles continus.

M Zouksia, Proviseur du Lycée Bilingue de Mokolo.
M. Zouksia, Proviseur du Lycée Bilingue de Mokolo.

 C’est Monsieur Zouksia qui est le proviseur de ce lycée. Il a accueilli depuis septembre 2015, 300 élèves camerounais, qui sont des déplacés internes dont les villages ont été ravagés par la secte Boko Haram. «  Cela a été un vrai choc de les voir arriver ici par vagues. Beaucoup avaient même été déscolarisés depuis plus d’un an. Par exemple, j’ai ici 4 élèves en provenance du CES de Zéléved qui a dû être fermé à cause des terroristes », nous confie le proviseur. Trois autres élèves proviennent d’Amchidé, autre localité dévastée par la secte. Alors, arrivés ici à Mokolo, le premier défi était celui du logement. Si certains ont eu la chance d’être recueillis par des parents proches, pour d’autres, il a fallu trouver des familles d’accueil. Certaines ONG ont dû financer la scolarité de 70% des élèves, et l’Etat également a géré une partie, et trois nouvelles salles de classes ont été construites. « Aujourd’hui, le lycée compte 1814 élèves en tout. Un internat est même en construction, car beaucoup de nos élèves déplacés ont encore du mal à se loger convenablement », ajoute le proviseur. Alors, dans un tel contexte de panique et de méfiance, le déplacé n’est pas toujours rapidement accepté.

Pour cela, l’UNESCO ( Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture » a mis en place le concept d’ambassadeurs de la paix, ces jeunes élèves qui prêchent le vivre-ensemble, la tolérance,  et la cohésion sociale.

«  Ici au lycée bilingue de Mokolo, nous vivons avec des élèves déplacés qui viennent pour la plupart de Tourou. La cohésion sociale c’est donc le fait que des populations de plusieurs ethnies vivent désormais ensemble. Les conflits commencent souvent dans des établissements scolaires, puis ça monte au quartier et dans nos villages. C’est pourquoi, nous, ambassadeurs de la paix de Mokolo, avons décidé de barrer la route au conflit. Le conflit barre tout sur passage. Il détruit les maisons, les villes, les routes, les hommes. La paix est donc le fondement de tout développement».

Tara Gorkansou Nathanaël
Tara Gorkansou Nathanaël

Ce discours de Tara Gorkansou Nathanaël (président des jeunes ambassadeurs de la paix de Mokolo),  fortement applaudi par les autres ambassadeurs de paix venus des autres lycées et collèges de Mokolo, montre à suffisance que la jeunesse a compris que c’est par elle et pour elle que les germes de la paix doivent être semés. Un sourire de fierté se lit sur le visage du proviseur Zouksia. Les propos de son élève de Lower Sixth Art (Classe de Première Littéraire anglophone) résonnent comme l’accomplissement d’un long combat qu’il mène au sein du corps enseignant, afin qu’aucune communauté ne soit marginalisée ou stigmatisée.

Jeunes Ambassadeurs de la Paix de l'Unesco à Mokolo
Jeunes Ambassadeurs de la Paix de l’Unesco à Mokolo

Les jeunes ambassadeurs de paix de l’UNESCO répondent ainsi au projet de résilience des personnes déplacées, des communautés hôtes et autres groupes vulnérables face aux crises à l’Est et à l’Extrême-Nord, mis en œuvre par les agences UNESCO, FAO et PNUD de l’ONU, sous financement du gouvernement du Japon. Ici au Lycée Bilingue de Mokolo, on est multilingue. On parle français, anglais, fulfulde, arabe, mafa, kapsiki, matal, etc. Chacun vient de dire le mot « paix » en sa langue. Et là, une chose se dégage, le salut dans les langues africaines, quelles qu’elles soient, exprime des airs paisibles de bienvenue. Car, au lendemain du 70ème anniversaire de l’UNESCO et de l’ONU en général, il n’est peut-être pas superflu de rappeler que :

« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix« .

Étiquettes
Onu
Partagez

Commentaires

Salma Amadore
Répondre

beau recit encore une fois on ne connait justement que le marche mokolo c'est une autre realite de ce cameroun que nous ne connaissons pas. la paix seulement la paix

marie laure
Répondre

Waouh!!très bel article !
Nous découvrons cette ville grâce !
Je suis admirative du style!
Trop pro grand frère!