Mahama, l’élève courageux de Mémé.

Article : Mahama, l’élève courageux de Mémé.
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25 février 2016

Mahama, l’élève courageux de Mémé.

 « Lorsque nous faisons le bilan des lieux des attentats, ce sont les marchés périodiques, les lieux de culte et les lieux de grands rassemblements qui sont visés. Nous sommes obligés de prendre ces mesures draconiennes. Mais, ça ne voudrait pas dire que nous allons éternellement fermer les marchés », nous dit le Préfet du Département du Mayo Sava dans l’Extrême-Nord, Monsieur Babila Akaou, qui a signé un décret d’interdiction absolue de la tenue des marchés périodiques dans son unité de commandement.

Babila Akaou

De fait, les attentats kamikazes à répétition dans sa zone l’ont poussé à prendre cette décision douloureuse, car le jour de marché dans toutes les localités de l’Extrême-Nord, sont des jours où l’économie respire. Seulement, les attentats du 19 février 2016 au marché de Mémé, sont venus renforcer cette mesure de sécurité. Conséquence, le marché est fermé et les villages voisins ressemblent désormais à des cimetières. Les femmes et les enfants sont confinés dans les maisons, et certaines familles n’ont pas eu de quoi se nourrir depuis bientôt une semaine.

Mahama à vélo

C’est le cas de la famille de Mahama Toukouba, 18 ans, élève en classe de 4ème au Lycée de Mémé. Sur son vélo, il revient de du lycée qui est à 7km de son village. Beaucoup de ses camarades ne sont pas retournés au lycée depuis le jour des attentats. « Nous étions en classe, puis subitement, le professeur nous a demandé de rentrer car un attentat venait de se produire au marché », nous révèle Mahama. Pourtant, juste après les cours, Mahama aurait dû se rendre à ce marché pour écouler ses biscuits, comme il le faisait jusque-là tous les vendredis. « Je vendais des biscuits et j’avais un bénéfice net de 500frs CFA tous les vendredis. C’est cet argent qui me permettait d’être un peu autonome toute la semaine. Mais quand je suis arrivé au marché, j’ai des gens morts couchés par terre, des policiers qui étaient nerveux, et le marché en ruine ».

Mahama

Mahama venait de découvrir de ses propres yeux, l’horreur tant décrite des terroristes de Boko Haram. Pour ce natif Mandara, on lui avait toujours dit que les monts Mandara étaient un cercle protecteur de sa tribu. Aujourd’hui, toutes ces considérations sont tombées, au profit d’une vulnérabilité et d’un traumatisme qui ont gagné les populations de la localité. « J’ai eu peur ; j’ai été révolté et pourtant, je ne dois retourner à l’école ». C’est vrai qu’au lendemain des attentats, les écoles ont quelque peu été désertées et pour Mahama, il n’en est pas question. La vie doit reprendre son cours normal à son avis, surtout qu’il y va de son avenir.

Elèves de la ville de Mora
Élèves de la ville de Mora

« Mes parents se sont sacrifiés pour acheter ma bicyclette. Si je reste à la maison, ce sera pour faire quoi ? Boko Haram veut détruire nos marchés, notre économie et même notre éducation ? Non, jamais ! » Dit-il avec une pointe de défi personnel. Mahama ne veut pas céder au désespoir et au fatalisme. Son rêve est que l’arrêté préfectoral soit le plus rapidement levé pour qu’il fréquente à nouveau le marché de Mémé. Dans ce marché comme celui de Mora et ses environs, les agriculteurs et éleveurs écoulent différents produits (oignons, carottes, ruminants, etc.), des semences et bêtes qui sont remises à ces populations victimes de Boko Haram afin qu’elles mettent en place des activités génératrices de revenus, ceci grâce au gouvernement du Japon qui a appuyé les agences onusiennes, FAO, UNESCO et PNUD pour la résilience de ces populations. Un challenge possible, car les élèves de Mora et de Mémé comme Mahama, savent que la reconstruction est nécessaire et possible, et celle-ci passe par la résilience aussi.

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Commentaires

Jacques
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Article simple et témoignage touchant. Bravo Dania. Comme des Mahama il y en a malheureusement une bagatelle depuis le temps que cet enfer nous est imposé par cette horreur appelée boko haram.