DANIA EBONGUE

Je viens d’apprendre que le Cameroun va organiser les premiers Jeux olympiques d’été en Afrique

Les Jeux olympiques ? Dans un pays africain ? Le Cameroun ? Mais quand ? En quelle année ? Et surtout comment est-ce possible ? Pour un pays dont l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations en 2019 a été reportée à 2021, pour un pays qui n’a jamais organisé les jeux en version mineure (Jeux africains, Jeux du Commonwealth, Jeux olympiques de la jeunesse, etc.) comment peut-on envisager des jeux olympiques d’été au Cameroun ?

Cela fait beaucoup de questions en effet. Mais pour commencer, il faut savoir que ce n’est pas impossible. Dakar organisera bien les Jeux olympiques de la jeunesse en 2022. Dans un communiqué en septembre 2018, Thomas Bach, le président du Comité international olympique avait été clair : « C’est au tour de l’Afrique ». Et le Sénégal sera le premier pays à abriter des Jeux olympiques en terre africaine, même s’il ne s’agit que des jeux pour jeunes.

Et les grands JO, alors, les fameux jeux d’été ? Le premier pays à lorgner pour cela devrait être logiquement le Maroc, organisateur des Jeux Africains 2019. Le Maroc veut organiser une Coupe du monde de football, que seule l’Afrique du Sud a réussi à abriter en Afrique. Pourtant, le même Maroc a déjà organisé la Coupe du monde des clubs. On pourrait citer également l’Egypte, la Tunisie et le Nigéria, déjà organisateurs d’une Coupe du monde des moins de 20 ans, mais là encore, ce ne sont pas les Jeux olympiques.

Thomas Bach au Cameroun

Reprenons. Thomas Bach est donc en Afrique. Il visite quatre pays africains ce mois-ci : le Cap-Vert, le Nigéria, le Sénégal et le Cameroun. C’est donc ce dernier pays qui attise ma curiosité. Pourquoi vient-il au Cameroun ?

Selon le quotidien national « Cameroun Tribune », il viendra s’entretenir avec les autorités gouvernementales su Cameroun. Mais de quoi ? Pour certains, l’élection récente de notre compatriote Odette Assembe Engoulou au Comité international olympique peut résonner comme une victoire de la diplomatie sportive. Mais cela suffit-il à déplacer le Président Bach ? La raison est fatalement ailleurs. Si nous ne sommes pas dans les secrets des Dieux, nous pouvons donc oser l’envisager… Les Jeux olympiques au Cameroun en 2032 ou 2036 pourquoi pas ?

La question peut paraître ridicule. Mexique, Italie, Etats-Unis, France, Corée du Sud, Japon, Allemagne, Afrique du Sud, Brésil et Russie, qui organisèrent la Coupe du monde de 1986 à 2018, mais aussi Atlanta, Sydney, Pékin, Londres, Rio de Janeiro, Tokyo, Paris et Los Angeles, villes hôtes des Jeux olympiques de 1996 à 2028, sont tous pays-membres ou capitales de pays-membres du G20.  On constate donc que l’organisation des grands événements sportifs incombe aux pays les plus avancés économiquement dans le globe. Oui, le sport a des enjeux politiques, diplomatiques, stratégiques, et fatalement capitalistes. Un pays comme le Cameroun peut-il oser ce challenge ?

Oui, le Cameroun peut

Il peut parce qu’en ce moment, il organise l’African Open de Judo, qualificatif pour les Jeux Olympiques de Tokyo.

Il peut parce qu’il va abriter, en 2020, le Championnat d’Afrique des nations de football, la Coupe d’Afrique de handball et la Coupe du monde militaire féminine, et en 2021, c’est également au Cameroun que se déroulera la Coupe d’Afrique des nations, tant attendue.

Il y a fort à parier qu’avec les nombreuses infrastructures construites ou réhabilitées, le Cameroun sera sollicité par plusieurs fédérations internationales pour abriter des compétitions sportives. 

Le hic se trouve dans les ressources financières. Malgré la volonté politique, le Cameroun doit faire face à des enjeux sécuritaires, liés aux revendications sécessionnistes dans deux régions, et aux exactions de Boko Haram dans l’extrême-Nord aussi. Depuis trois ans, l’économie du pays souffre de ces foyers de troubles. Malgré cela, le pays conserve son ambition d’être émergent en 2035.

Soirées olympiques au Cameroun

En attendant le rêve de futurs Jeux olympiques au Cameroun, il faudrait parler de ce week-end olympique au Cameroun. Sur les réseaux sociaux, partisans de l’Olympique de Marseille et suporters de l’Olympique Lyonnais se sont affrontés par tweets interposés. Il y avait aussi derrière les Lyonnais la forte communauté des supporters du PSG, prêts à voir couler les Marseillais à tout prix. Ce dimanche soir, l’Olympico a donné son verdict : Marseille 2-Lyon 1. Plus de cinq ans que l’OM n’avait pas battu l’OL au stade Vélodrome. Il y avait également un record d’affluence historique battu pour le Vélodrome ce soir avec 65.369 spectateurs. Il s’agit également d’un record historique pour un match de Ligue 1 en France, le jour des 120 ans du club phocéen. Les Jeux olympiques des temps modernes ont trois ans de plus que l’Olympique de Marseille. Ce n’est donc pas un club olympique par hasard.  

https://twitter.com/TeamOM_Officiel/status/1193649247964536832

Le Cameroun, terre des supporters de l’OM, vivait cette belle soirée avec délectation devant la télévision. Lundi et mardi, les Lions Indomptables U23 et les Lionnes Indomptables se battent pour une qualification aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. Le Cameroun, rappelons-le, est médaillé d’or des Jeux olympiques 2000 à Sydney. Un exploit que le pays est prêt à revivre. Pour cela, il faudra peut-être qu’un jour, une ville camerounaise songe à se porter candidate à l’organisation des Jeux olympiques. Cela suppose que ces villes soient plus autonomes et que la gestion locale soit effective dans le cadre du processus de la décentralisation au Cameroun. Cela tombe bien, puisque ce dimanche 10 novembre 2019, le Président Paul Biya a convoqué le corps électoral. Le 9 février 2020, les Camerounais sont appelés à élire leurs conseillers municipaux.

De futurs élus sur qui, je l’espère, nous pourrons compter pour porter une candidature camerounaise aux J.O.


Célibat des prêtres: L’Afrique n’est pas un pays!

Certains prêtres en Amazonie pourront avoir le droit de se marier, mais pourquoi pas en Afrique ? Et pourquoi pas des prêtres polygames aussi ? Si le Pape se prononce sur cette question du mariage des prêtres, qu’il autorise une bonne fois pour toutes la possibilité pour des prêtres africains d’avoir des femmes et des enfants légitimes.

« On estime que la moitié des prêtres des pays d’Afrique subsaharienne ont des relations amoureuses et sexuelles avec des femmes » nous dit l’historien des religions, Ondo Vallet, dans une interview accordée au Parisien. Pour lui, le Pape autorisera certainement le mariage des prêtres dans certaines régions du monde comme l’Amazonie, le Chiapas ( Sud du Mexique), mais pas en Afrique où les responsables religieux n’y sont pas favorables.

De deux choses l’une, très cher Ondo Vallet. Soit, comme vous dites, les prêtres d’Afrique ont des relations amoureuses et sexuelles, et l’hypocrisie doit être arrêtée, soit il faut bien nous expliquer comment les responsables seraient défavorables à une pratique qui est pourtant courante.

Pourtant, la chroniqueuse Isabelle de Gaulmyn était déjà catégorique en 2013 :  » Il existe d’ailleurs déjà dans l’Église catholique des prêtres mariés: les prêtres des Églises orientales qui dépendent de Rome, mais aussi des prêtres ordonnés dans une autre confession et venus au catholicisme, comme les anglicans « . Oui, je n’oublierai jamais ce prêtre exorciste qui m’avait reçu chez lui, pas loin de Yaoundé, me présentant son épouse et ses enfants. L’image m’avait heurté, mais après tout, le prêtre est un homme. Sur ce coup, Ondo Vallet a raison. Des fils et des filles de prélats pilulent en Afrique et ces personnes sont normales, brillantes et ont toute leur place dans la société, même si pour certains, il est difficile de dire à haute voix que  » mon père est un prêtre« .

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit

L’Afrique n’est pas un pays. Il suffit que je dise cela pour que vous me demandiez si cette proposition vraie ne tombe pas sous le sens. La vérité est que je me méfie des évidences. Entre le mariage des prêtres annoncé pour l’Amazonie, et les déclarations d’Ondo Vallet, ayons le courage de se poser les vraies questions: Le célibat est-il insurmontable pour les prélats africains ? Le célibat est-il nécessaire encore de nos jours ? Il faut surtout savoir pourquoi les protestants, les gallicans, les évangélistes, les anglicans etc acceptent déjà le mariage des pasteurs et le diaconat féminin, mais pour l’église romaine, la question est encore en débat. Autant l’église peut être plurielle, autant, l’Afrique l’est aussi. Jean Paul II, lors de sa deuxième visite en terre camerounaise en 2015, il avait insisté sur un terme: « Inculturation« .

Inculturation donc…

« La richesse de cette rencontre avec le Christ qu’est l’inculturation vient du don unique de la Rédemption, accueilli avec toutes les ressources de l’être rétabli dans sa dignité: le message du salut est prononcé dans toutes les langues des peuples; les gestes et l’art de toutes les cultures expriment leur réponse priante aux appels à la sainteté; dans les diverses étapes de la vie, du travail, de la solidarité sociale, il y a fécondation des traditions diverses par la Parole de Dieu et par la grâce » nous disait Jean Paul II le 15 septembre 2015 à Yaoundé. Allons-y pour cette inculturation qui n’intègre pas seulement de chanter des cantiques en langues vernaculaires. Il faut aussi intégrer la possibilité du mariage des prêtres, et donc de la polygamie. Car de même que certaines églises célèbrent des mariages en faveur de la communauté LGBT. L’église doit être plus ouverte, plus tolérante, à la fois vis à vis des minorités sexuelles, mais aussi pour le respect du genre. Oui, pour une église africaine plus inclusive, qui tienne compte des spécificités de cette Afrique plurielle. Car, l’Afrique n’est pas un pays.


Cameroun : vidons nos poubelles mentales et transformons nos ordures !

Autour de moi, trop de bavardages. Les forums camerounais sont saturés de ces concepts savants autour de Maurice Kamto, de Cabraal Libii, de Paul Biya ou de tel ministre qui défraye la chronique. Personne ou presque ne parle du vrai problème camerounais : l’employabilité. Et si nous allions fouiller dans les poubelles pour résoudre ce problème ?

La plupart des Camerounais pensent que la solution réside dans les postes de la fonction publique. Alors on débat sur l’équilibre régional, on discute sur le nombre de postes à répartir entre ressortissants des régions camerounaises. Oui, ceci est le Cameroun actuel… Le Cameroun d’avant.

Il faut penser au Cameroun de demain. Qui sera au trône en 2025 ? Cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est combien de routes seront construites ? Combien de villes seront créées ? Viabilisées ? Modernisées ? Combien de hypermarchés seront visibles ? Combien d’entreprises ouvriront-elles dans les régions camerounaises ? Mais avant tout, combien de jeunes entre 25 et 35 ans seront employés ?

En 2018 au Cameroun, le déficit de la balance commerciale s’est creusé d’avantage, jusqu’à 1 292,8 milliards de Francs CFA, une augmentation de 120,5 milliards (+10,3%) par rapport à l’année 2017 (Source, Institut National de la Statistique). Les importations au Cameroun ont augmenté de 11%. Pourquoi ? Nous consommons même ce que nous pouvons produire, notamment le cure-dent ou encore le riz, qui fait d’ailleurs l’objet d’un scandale ces derniers jours au Cameroun.

Comment comprendre que 160 tonnes de riz sont à l’abandon dans les magasins de Yagoua et de Maga ? Il faut penser au Cameroun de demain. Il faut y penser de manière sage. Certes, il y’a beaucoup de choses à revoir, à refaire, à repenser (éducation, institutions, organisation territoriale, administration, politique, etc.), mais  en regardant simplement ce que nous consommons, voilà une source intarissable d’emplois.

L’usine nouvelle. L’inspiration vient de mes oncles.

Plastiques, verres, papiers, minerais, tout peut être recyclé.

crédit: dania.mondoblog.org

J’étais encore petit lorsque mon oncle « tonton Claude », m’avait emmené visiter son bureau au port de Douala. J’y avais découvert, pour la première fois, les poubelles qui transforment le papier en produit recyclable. L’an dernier en France, c’est mon autre oncle, « tonton Sam » qui m’a fait découvrir cette séparation des ordures dans sa commune. J’en parlais déjà ici à l’occasion de la Coupe du monde 2018. Dans certaines communes de France, il y a un bac pour les verres et les bouteilles, et un autre pour les papiers et les magazines. Le recyclage des ordures est une filière pourvoyeuse d’emploisElle fait partie de l’économie circulaire.

Que le Cameroun s’y mette, ici et maintenant !

Les nombreux diplômés camerounais ont ici l’occasion de se recycler. Recycler leurs diplômes théoriques et les mettre au service des déchets. A Douala, Kribi, Edéa, Garoua, et d’autres villes fluviales, la collecte des déchets marins est une activité à promouvoir. Une société camerounaise de collecte de déchets marins ? Pourquoi pas ? Alors que le ramassage des ordures est un vrai casse-tête pour nos municipalités, pourquoi ne pas demander à des initiatives privées d’investir dans la collecte, le tri, le traitement et le recyclage des ordures ménagères au Cameroun ? Il faut aussi recycler notre organisation urbaine. Aujourd’hui, tout est concentré sur Yaoundé et Douala. Dès que cet axe est obstrué, c’est tout le Cameroun qui est en panne. Que fait-on des villes comme Mbalmayo, Obala, Bafia, Meiganga, Lagdo, Kaelé, Mbanga, etc. qui peuvent permettre de bâtir de nouvelles métropoles avec des logements sociaux, des délocalisations d’entreprises et mêmes des édifices administratifs ? Oui, il faut sortir de la configuration coloniale du Cameroun. Le recyclage des ordures en est la clé.

Allons donc fouiller dans les poubelles.

Nos villes sont sales, nos villes sont des poubelles. Or, nous savons tous que les poubelles peuvent cacher des lingots d’or. Comme en 2018 en Corée du Sud, un balayeur peut trouver de l’or dans des poubelles. Certes les ordures sentent mauvais, mais elles sont bien le reflet de notre manque d’hygiène, de notre surconsommation, et de notre désorganisation. Les riverains du quartier Acacias, dans le 6ème arrondissement de Yaoundé n’ont de cesse de se plaindre des eaux souillées qui suintent le long de la route. On a pourtant construit une station de traitement des eaux souillées à côté. Mais la station ne bouge pas. Encore un segment d’employabilité mis en berne. Il suffit pourtant de regarder ce qui se passe au Japon. Pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, les médailles destinées aux athlètes du métal proviennent du recyclage des composants des appareils électroniques. De même, Les tenues des athlètes et officiels japonais seront confectionnées en matériau recyclé issu de vêtements usagés. 

Comme on le sait, « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ».  Cette maxime d’Antoine Lavoisier (elle-même inspirée de Anaxagore), nous apprend la leçon de vie selon laquelle : « rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Les seules poubelles que nous devons vider sont donc celles de nos mentalités. Ce sont nos mentalités qui polluent les réseaux sociaux de leur bavardage inutile. Construisons le Cameroun à partir de ses déchets. C’est une niche d’employabilité. Dans la collecte, le tri, le traitement et le recyclage de nos déchets, il y’a de quoi sortir une bonne partie de notre jeunesse du cycle de la pauvreté. Cette jeunesse a besoin de routes pour se mouvoir, de transports décents pour se déplacer, de services sociaux à portée de main, de diplômes leur permettant d’être des opératifs et non des contemplatifs de leur vie économique. Oui, la vraie poubelle au Cameroun c’est celle de notre ego surdimensionné, porté sur l’affirmation bien futile de ce que «  je suis ceci, je suis cela ». L’artiste Koppo aime à dire que nous sommes « un pays des étiquettes ». Là où les gens sont stigmatisés par leur appartenance ethnique, linguistique, sociale, sexuelle, politique ou religieuse. Or, la seule chose qui devrait permettre à un Camerounais, d’être fier, c’est précisément d’être… camerounais. Allons donc fouiller dans nos poubelles. Nous y trouverons de l’or. J’ai dit !


Merci Ismaïlia !

Le Cameroun livrait ses matches de groupe dans la ville d’Ismaïlia en Egypte. Une ville située entre Port-Saïd et Suez, trois villes traversées par le fameux Canal de Suez. Ismaïlia est située à 120 km de la capitale Le Caire, et cette coupe d’Afrique des Nations 2019 était une occasion de découvrir cette contrée étrange.

Contrée étrange, par le comportement de ses citoyens. Si accueillants et si méfiants en même temps. A Ismaïlia, on a l’impression que tout le monde est policier. A la fois ceux qui portent la tenue, à la fois ceux qui sont en civil. La barrière de la langue était un vrai cauchemar. L’Egypte ne parle pas anglais comme c’était communément entendu, ni l’arabe conventionnel, mais un dialecte arabophone. Le seul traducteur qu’on avait dans notre équipe se nommait Ahmad, un flic qui a du chic, mais très vite porté par un zèle incompréhensible. Le jour du match d’ouverture au Caire, Ahmad est supposé nous accompagner. Il nous impose une escale obligatoire chez son cousin restaurateur, avant d’évoquer le départ pour le stade. Nous traversons toutes les barrières de police, et nous tournons en rond. Ahmad parle aux policiers, mais au bout de 20 minutes, nous nous rendons compte que nous n’entrerons pas au stade international du Caire. La vérité est que Ahmad ne voudra pas qu’on y aille. Durant notre séjour, il avait oublié que nous étions des journalistes et était plutôt intéressé par le côté guide touristique improvisé. Du coup, certains de mes collègues et moi-même avons compris qu’il ne fallait pas compter sur lui pour passer un agréable séjour en terre égyptienne.

Avec Ahmed et sa famille

Par bonheur, je suis tombé sur Ahmed Rashwan, un chauffeur de taxi. Il baragouinait un français mélangé avec un peu d’anglais et d’arabe, mais a réussi à me convaincre de rencontrer son frère Mohamed et son neveu Marmoud. Le frère lui s’exprime très bien en français. Du coup, il m’a expliqué l’histoire du Canal de Suez et la fierté qu’ils ont tous à y résider. De plus, Mohamed est enseignant de français à la retraite. Il faut dire que tous ceux qui apprennent les langues étrangères ici sont privilégiés pour être traducteurs ou guides touristiques. Les 300 jeunes volontaires recrutés pour le stade d’Ismaïlia à l’occasion de cette coupe d’Afrique des Nations, étaient pour la plupart des étudiants en langue.  C’est une filière très demandée dans ce pays, et parler quelques mots de français ou d’anglais ouvre les portes de l’emploi à ces jeunes.

Avec Boda et son frère

Boda Bebo n’a pas cette chance. Ce jeune et son petit frère, s’occupent du restaurant de leur papa dans la nuit. Il faut dire que l’habitude à Ismaïlia, c’était d’ouvrir à 11h du matin et de fermer le lendemain à 3h du matin. Boda est devenu mon ami. Ne sachant pas parler anglais, il mettait souvent son application en marche pour espérer une traduction de l’arabe vers le français. Par moments, cette traduction très approximative le poussait à me demander des choses improbables comme « est-ce que tu veux du cannabis ? », alors qu’il me demandait simplement si je voulais du poulet épicé. Les épices égyptiennes, parlons-en ! Cela a été le malheur de tous mes confrères camerounais dans cette ville. Les béninois, plus heureux, ont voyagé avec leur nourriture depuis le pays, ce qui a poussé ma consœur Christelle à aller se ravitailler auprès d’eux, car agacée par la nourriture locale.

Pourtant, à vue d’œil, tous les menus égyptiens donnent envie, surtout la quantité. J’ai eu droit un soir à un poulet entier, trois côtelettes de mouton, une portion de riz, une salade, et une boisson Soda à seulement 70 livres (2450 FCFA). A Ismaïlia le coût de la vie n’est pas élevé, y compris les chambres d’hôtel.  Nous avons payé l’équivalent de 7000frs CFA la nuit, petit déjeuner compris. Certes, c’était des chambres avec double lit ou triple lit, mais le traitement était bon. Chez le barbier par contre, il fallait débourser 100 livres (3500frs) pour se faire beau. Le seul regret à Ismaïlia restera donc la saveur de la nourriture. Le Ndolè, le taro, le poisson braisé, et tous les repas du Cameroun sont définitivement inégalables.

Côté organisation de la CAN, il y’ avait une forte agitation lorsqu’il s’agissait de couvrir les matches du Cameroun, les conférences de presse et les entrainements. En tant que champion en titre, les matches du Cameroun étaient très demandés, du coup, la presse camerounaise avait souvent du mal à accéder à ces évènements du fait d’un certain nombre de restrictions. Les égyptiens eux-mêmes étaient les premiers à demander ces rencontres, y compris les volontaires et autres agents de sécurité qui désertaient souvent leurs postes lorsque les Lions Indomptables apparaissaient.

Ismaïlia est une petite ville comparée au Caire, à Alexandrie ou Port Saïd et Sharm-el-Sheikh. Mais c’est une ville où les gens ont du cœur. Une ville dans laquelle, les hommes vous proposent de partager leur repas sans vous connaitre. Une ville dans laquelle, on vit à chaque fois « Welcome to Egypt » pour vous signifier que vous devez vous sentir chez vous. Une ville dans laquelle le propriétaire d’un hôtel prend sur lui de vous commander à un repas à 23h, parce que son restaurant à lui est fermé. Une ville dans laquelle la simple évocation de votre nationalité camerounaise vous donne droit à quelques éloges. Une ville dans laquelle aucun acte raciste, xénophobe ou de rejet n’a été vécu durant notre séjour. Merci Ismaïlia !


Fête des mères : peut-on recommander les bouillons cubes de Nestlé à nos mamans ?

En 2016, Nestlé annonce avoir vendu 65 milliards de portions fortifiées en Afrique de l’Ouest et du Centre, soit 100 millions de cubes dans 78 millions de ménages. Ce chiffre flatteur de la multinationale suisse pose question, alors que plusieurs rapports d’ONG alertent sur ces cubes, trop riches en sel et autres produits nocifs pour la santé. Nous avons été à Bonendale, à Douala (Cameroun), pour visiter l’usine de Nestlé.

Bonendalé est une localité du 4ème arrondissement de Douala. C’est un village-carrefour entre le département du Fako (Sud-Ouest), et celui du Moungo. Autrefois bastion touristique (activités de pêche, courses de pirogue, etc.), la localité a perdu un peu de sa superbe, jusqu’à l’installation récente de l’usine de Nestlé dans la zone. Ici, les produits laitiers et les cubes sont fabriqués. Le café quant à lui est simplement conditionné. Cela peut sembler étrange, surtout qu’à moins de 50 km de là dans le département du Moungo, se trouve le siège de la production du café camerounais. Nos interlocuteurs à Nestlé sont formels : « Le Cameroun n’est pas un grand consommateur de café. Seulement 3 tasses par personnes, là où certains pays d’Afrique de l’Ouest sont à 6 tasses par personne ». L’argument est donc économique. Créer une unité de transformation du café local est un investissement qui n’est pas en adéquation avec la consommation locale, et donc une perte. Ici, c’est donc le bouillon cube qui a le vent en poupe.

Le responsable culinaire de Nestlé Cameroun annonce que ce segment représente « 72% du chiffre d’affaires au Cameroun ». Le cube Maggi est la star des marchés. Le slogan disait d’ailleurs « Avec Maggi, chaque femme est une étoile », et du coup, les chiffres sont évidents : 65 milliards de bouillons culinaires fortifiés, vendus en 2016 en Afrique Centrale et de l’Ouest. Pourtant, ces bouillons culinaires ne sont pas toujours vus d’un bon œil par certaines ONG et professionnels de la santé.  L’OMS alerte sur certaines questions, comme la portée en sels de ces cubes. Pour se défendre, la firme Nestlé a produit avec le Ministère de la Santé Publique au Cameroun, le « Guide du bon usage du sel : Protégeons notre santé, mangeons moins salé ». Le document rappelle les normes OMS en matière de consommation de sel. « Lorsqu’il est consommé à l’excès, le sel est à l’origine des maladies rénales et cardiaques chroniques », nous dit le guide. Il faut alors se demander si les bouillons de cube respectent ces normes. Tout est donc une question de dosage. Dans la fabrication du bouillon comme dans sa consommation. Nestlé est formel et recommande de ne plus ajouter de sel, lorsqu’on utilise un cube. Malheureusement, il se trouve que dans nos cuisines, les cubes et le sel continuent d’assaisonner ensemble nos repas.

Il faut alors regarder de près, la composition de ces bouillons. Le blogueur ivoirien Aly Coulibaly déclare : « Dans Maggi, il y a du mais, du manioc, de l’ail, de l’oignon, du piment, du clou de girofle, du sucre, du curcuma, de la livèche, de l’erka, de l’huile de palme, du glutamate, du fer etc. ». Dans sa lettre d’amour à sa Mémé, le blogueur explique que « L’ivoirien n’a pas la mesure du sel ». « Le sel iodé est l’élément de base dans les bouillons. La moitié de Maggi est du sel. Quand la proportion de sel dans la nourriture n’est pas mesurée, l’homme s’intoxique sans le savoir. »

Ce qui est valable en Côte d’Ivoire est valable au Cameroun. La recette est la même : oignons, sel, sucre, piment, poivre, glutamate, clous de girofle, et huile de palme raffinée. Mais comme ce sont des produits déjà transformés. Nous sommes un peu dubitatifs. La blogueuse Djeny Ngando décide de goutter chaque produit pour en avoir le cœur net. Lorsqu’elle tombe sur le piment mexicain, elle est en larmes. Il pique, il chauffe. Il lui faut une boisson absolument. Heureusement, sur la table, une tasse de lait Nido lui est rapidement servie. Elle prend donc conscience que le produit qu’elle vient de consommer est authentique. Il faut néanmoins avouer que tous les produits Nestlé font l’objet d’une critique permanente, car l’alimentation et la nutrition touchent à la santé. Dans ce registre, il nous est rappelé qu’il ne faut pas consommer « ni trop salé, ni trop sucré, ni trop gras ». Les produits Nestlé contiennent du sucre, du sel et du gras. Voilà pourquoi ils sont soumis à plusieurs tests de contrôle qualité et quantité. Voilà pourquoi en plus de vendre ses produits, Nestlé accompagne ses campagnes publicitaires de modules de formation des ménagères, de films éducatifs, et d’autres actions de promotion des bonnes pratiques. Cela dit, nous avons grandi en ce qui nous concerne en consommant ces produits (Cérélac, Nido, Nescafé, Maggi).

Ils inondent nos cuisines depuis toujours, et ce sont nos frères et sœurs qui travaillent dans ces usines. Peuvent-ils vraiment nous vendre des produits empoisonnés ? Produits qu’ils consomment eux-mêmes ? Peut-on recommander ces produits à nos mamans ? La réponse est oui ! D’abord parce que la Suisse (et notamment Lausanne et Zurich) c’est mon deuxième pays. Avec Nestlé, je laisse un peu flotter le drapeau de la Suisse dans mon cœur. Ensuite, je les consomme depuis des lustres.  De toute façon, je reviens de l’usine Nestlé avec un sac contenant tous ces produits. Le café, je vais le garder pour moi. Je vais quand même prouver à ces gens de Nestlé, qu’au Cameroun, il existe quelques consommateurs fidèles de Café. C’est la fête des mères, alors ma voisine qui a un bébé de 8 mois aura droit aux sachets de Cérélac. Le lait Nido sera donné à mon fils qui a 6 ans. Les bouillons de cube iront à ma mère pour qu’elle continue de me régaler avec ses plats extraordinaires.


Élève assassiné au Lycée Bilingue de Deido : tous coupables !

Le Cameroun se réveille choqué ce samedi après le meurtre du jeune élève du lycée bilingue de Deido, à Douala. La scène s’est déroulée le vendredi 29 mars dans l’enceinte de l’établissement scolaire, alors que les élèves prenaient leurs bulletins du deuxième trimestre avant le départ pour les congés de Pâques. Depuis ce drame, les questions fusent : « Qui blâmer ? Comment aurait-on pu éviter cela ? Comment en est-on arrivé là ? »

Les jeunes adolescents du Cameroun s’illustrent depuis quelques temps par des faits divers alarmants, surtout dans les établissements scolaires. Des élèves sont surpris en plein ébat sexuel, d’autres en train de consommer des stupéfiants, certains de plus en plus violents vis-à-vis de leurs camarades. On pourrait donc s’arrêter là en concluant qu’il ne s’agit pas de faits inédits ni isolés, que la violence scolaire est visible partout dans le monde, et qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un phénomène social.

Mais moi je dis non !

Trop c’est trop !

Nous sommes tous responsables et coupables de ce qui s’est passé au lycée Bilingue de Deido. Nous avons tous contribué à ce meurtre. Oui, le monde des adultes camerounais est devenu violent. La violence est présente partout au Cameroun. Dans les débats télévisés du dimanche, dans la bataille politique, dans les sphères religieuses, et par-dessus tout, dans les différents foras des réseaux sociaux. Nous avons appris le langage de la haine à nos enfants. Nous leur avons appris le langage de la séparation, nous leur avons appris le langage de la division et de la différence. L’école est supposée cultiver l’équité et le vivre-ensemble. Mais hélas, elle est devenue un laboratoire de l’échec social. Nos enfants vont à l’école pour être des citoyens, mais au contraire, ils se marginalisent. Ils savent que les parents veulent des notes. Alors ils nous offrent des notes. Ils récitent leurs cours, obtiennent des 19/20 et les parents sont contents. Pendant ce temps, sur le câble, le satellite et les réseaux sociaux, nos enfants sont devenus des fous ambulants. Leur langage est devenu celui de la jungle, et les parents observent. Les clips sont devenus de vrais cirques d’obscénité, mais les parents se taisent. Les parents veulent les diplômes, alors les enfants nous offrent ces diplômes, en trichant, qu’importe ! Les parents veulent les diplômes. Quand bien même ces diplômes ne permettent pas à ces enfants de formuler une phrase correcte, ou de respecter la concordance des temps, les parents veulent les diplômes. La course aux diplômes a fait oublier quelque chose de fondamental : le développement du jeune adolescent.

Nous avons oublié que jusqu’à l’âge de 18 ans, ces jeunes sont des enfants. La semaine dernière, une vidéo de filles mineures camerounaises se livrant à des pratiques sexuelles a circulé sur les réseaux sociaux. L’UNICEF a demandé l’arrêt immédiat du partage de ces vidéos qui semblait amuser certains adultes.

 

De même, il y’ a quelques années, une jeune fille de 14 ans environ, visiblement atteinte de troubles mentaux, s’est littéralement déshabillée dans un bus, et les adultes n’ont rien trouvé de mieux à faire que de filmer la scène et de la partager sur la toile. Voilà la société perverse dans laquelle nous plongeons nos enfants. Nous bafouons leur dignité, leur honorabilité, leur intimité. Quel pays voulons-nous bâtir si nous détruisons les mœurs  de nos mineurs ?

Il est plus que temps de sauver nos adolescentes et nos adolescents. Cela commence par la protection. La protection physique, mais davantage psychologique de ces êtres fragiles. Nous avons entraîné ces enfants dans un océan de précocité. Et pourquoi ? Parce que les distractions se font rares. Parce que récemment encore, une société brassicole a organisé une campagne de consommation de produits alcooliques à vil prix, et… les adolescents se sont précipités et personne ne s’en est indigné. Parce que les matchs de football à la télévision sont précédés par des publicités de boissons alcoolisées. Parce que les affiches et les banderoles se mettent à proximité des établissements scolaires. Parce que les élèves investissent les bars et les bistrots (parfois en tenue scolaire) et ils sont servis. Parce que les mineures commandent des whiskys et des liqueurs en boite de nuit, et personne ne leur demande la présentation de leur carte d’identité. Nous avons démissionné de nos valeurs. Nous avons fuis nos responsabilités. Nous n’inscrivons plus nos enfants dans les centres culturels et dans les bibliothèques. Au lieu de lire «  Le club des cinq » « Science et vie Junior » « Phosphore » ou « Okapi », des romans et magazines qui stimulaient notre croissance, ils lisent le langage ordurier et le verlan versés sur les publications des réseaux sociaux. Nous avons encouragé cela. Car l’école ne suffit pas (ou plus).

Certains m’ont fait le reproche depuis le temps de rester scotché à l’émission « LES COPS D’ABORD » qui rassemble des jeunes scolaires du Cameroun à travers un quiz de culture générale. Ils me disent : « Mais DANIA, qu’est-ce que tu fais tout le temps avec ces gamins ? Pense un peu à ta carrière. Une émission pour jeunes te rapporte quoi ? ». Oui, les émissions pour jeunes sont observées comme du folklore. Mais hélas, devons-nous abandonner cette jeunesse ? L’école ne leur apprend plus qu’ils doivent s’aimer, qu’ils doivent vivre ensemble, qu’ils doivent bâtir ce pays ensemble. L’école ne leur apprend plus qu’ils doivent cultiver une émulation saine. L’école ne leur apprend plus que les peuples du Cameroun sont plus ou moins liés par l’ancestralité, malgré les divisions apparentes. Non, l’école ne leur apprend pas tout. Alors nous faisons une activité bien nommée APPS, « Activité Post et Péri Scolaire », qui complète le travail des enseignants. Nous les emmenons se cultiver, connaitre le monde qui les entoure, nous leur apprenons à maîtriser leurs droits, à s’exprimer, à donner des opinions, à respecter des ordres, à s’engager pour être les leaders de demain. Voilà pourquoi, nous disons haut et faut : «  LES COPS D’ABORD », cops ici comme copains, ou comme cops, synonymes d’élèves et d’étudiants au Cameroun. Nous ferons une minute de silence le 4 mai 2019 au Palais des Sports, à l’occasion de la finale nationale du challenge interscolaire de l’émission « LES COPS D’ABORD ». Une minute de silence pour cet élève du Lycée Bilingue de Deido, mais aussi, pour tous les enfants victimes de violence au Cameroun. Les 16 meilleurs établissements scolaires du pays, les 16 finalistes qui seront à cet événement, seront là pour nous rappeler que ce sont les jeunes qui sont les leaders de demain. Alors, LES COPS D’ABORD !

J’ai dit !


Au Cameroun, 34% des enfants ne sont pas enregistrés à leur naissance

Selon l’Article 7 de la Convention des Nations Unies pour les droits de l’enfant : « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité ». Malheureusement, 230 millions d’ « enfants fantômes » existent dans le monde, comme l’explique le journal français Le Figaro. Au Cameroun, 34% des enfants ne sont pas enregistrés à leur naissance.

A la faveur d’un atelier de formation des journalistes camerounais à Mbalmayo, à 30 minutes de la capitale Yaoundé, les 1er et 2 mars 2019, le rappel de ce chiffre alarmant est fait : seulement 66% des enfants camerounais sont déclarés à la naissance. L’urgence d’agir est implacable. L’UNICEF, fort de son partenariat avec le Réseau des journalistes pour la défense des droits de l’enfant et autres couches vulnérables (REJODEC) a décidé de rappeler que la question de l’enregistrement des naissances est une priorité absolue.

Journalistes du REJODEC – crédit : Dania Ebongue

Pour ce faire, une trentaine de professionnels des médias ont été édifiés sur les conséquences de ces chiffres sur le développement de l’enfant, sa survie, son émancipation. Un enfant sans acte de naissance n’a pas de diplôme, pas de possibilité d’insertion dans la société. C’est un « enfant-fantôme ».

« Nous avons inscrit cela dans l’agenda de cet atelier parce que des zones de notre pays affichent des chiffres effrayants. Même dans une cité balnéaire et touristique comme Kribi, beaucoup d’enfants n’ont pas d’actes de naissance« , affirme le journaliste Jules Elobo, président du REJODEC, qui ajoute qu’« il faut impérativement des descentes sur le terrain pour documenter ces tares et retards de la société. En tant que journalistes, notre implication dans le changement de comportements n’est plus à démontrer. »

Les animateurs de l’atelier ont insisté sur les deux régions les plus alarmantes du pays : le Sud-Ouest (55,6%) et l’Extrême-Nord (42,1%). Au sortir de cet atelier de Mbalmayo, les journalistes ont compris qu’il faut tirer la sonnette d’alarme, surtout auprès des autorités administratives, religieuses et traditionnelles, afin que les familles adoptent ce réflexe de déclarer les naissances.

Pourtant, en 2006, les chiffres étaient en hausse (70% d’enfants enregistrés dans le pays), avant de régresser en 2011 (61%). Il est donc question de rattraper et de dépasser le niveau de 2006 et donner la chance à des milliers d’enfants camerounais d’être simplement des citoyens. 


Pour la vaccination, il ne faut surtout pas perdre le Nord

S’étendant sur près de 70 000 km2, la Région du Nord au Cameroun est voisine du Nigéria, du Tchad et de la Centrafrique.  Elle est composée de quatre départements (Bénoué, Faro, Mayo-Louti, Mayo-Rey). Cette région regroupe 15 districts de santé pour couvrir les activités sanitaires, notamment, la vaccination. A Djipporde, dans l’arrondissement de Lagdo, le lac offre une grande opportunité pour ne pas manquer les enfants.

Une phrase forte de l’UNICEF est à retenir : « La vaccination sauve deux à trois millions de vies chaque année. En protégeant les enfants contre les maladies graves, les vaccins jouent un rôle essentiel dans l’éradication des décès évitables d’enfants ».  Voilà pour le principe, mais dans certaines régions du Cameroun, les cas de refus, le poids des traditions et les rumeurs sont un frein à la vaccination. Or, selon Monsieur Boukar, point focal comité régional de coordination et de suivi des activités du forum des gouverneurs dans la région du nord, «  nous sommes toujours dans le cadre de la prévention, parce que nos voisins sont encore exposés au polio virus sauvage. La vaccination au plan clinique relève de la santé, mais plusieurs secteurs sont concernés ».

Les secteurs et les moyens d’action en l’occurrence. Autorités administratives, traditionnelles et religieuses sont les premiers qui exercent le plaidoyer auprès des populations. Dans cette région où les populations nomades sont nombreuses du fait de l’activité de l’élevage, les enfants manqués pendant les vaccinations sont nombreux. Il y’a aussi une conséquence directe sur les parents informés. Le seuil acceptable de parents informés est au moins de 95%, mais ce seuil n’est presque pas atteint, nous confie le point focal. Il faut donc doubler d’ardeur dans la sensibilisation de proximité, notamment par les relais communautaires et les agents de santé communautaires. Cette activité est appuyée par l’UNICEF afin qu’aucun enfant ne soit manqué lors des opérations de vaccination.

A Djipporde, localité située dans l’arrondissement de Lagdo, à 50 km de la ville de Garoua, la pêche est l’activité principale, en raison de la présence du lac. Alhadji Yaya Denis, le Chef du Centre de Santé de Djipporde annonce qu’en 2018, il y’avait une activité de vaccination une fois par mois au Lac. Cette année 2019, il est question d’en faire quatre par mois. Le lac réunit en effet la majorité des populations de Djipporde. On est sûr d’y rencontrer les parents, et notamment les mamans qui sont au marché qui est à proximité. L’agent de santé communautaire  Bayang Djaklessam a justement le lac pour zone d’action. Il suit les nettoyeuses de poissons ainsi que les commerçantes du marché pour ne pas louper les enfants qu’elles portent sur le dos. Il va aussi jusqu’à Lagdo-Centre, et prend la pirogue pour aller vacciner les enfants des iles voisines (Madagascar, Firabaga et Bakassi entre autres). Un parcours important, et nécessaire selon lui, pour ne pas perdre…le nord !


Je suis un camerounais qui se met à l’heure américaine sur les TV françaises

Voyage au cœur d’un weekend télévisuel, entre le rugby, le football et le Super Bowl sur la télévision française. Chronique d’un curieux zapping…

Vendredi.

Je guette le programme TV. La chaîne de télévision France 2 annonce la diffusion du Tournoi des 6 Nations 2019. Je n’aime pas le rugby. Je le trouve détestable, ennuyeux, et pas assez excitant. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. J’aime le rugby des nations. Et plus encore, j’aime le rugby, quand des joueurs descendants camerounais y participent.

Pour Romain Ntamack, je décide de me connecter sur France 2. Il est 21h et le match ne commence pas. A la place, on a droit à une série sur les meurtres d’Agatha Christie. Canal+ Afrique – qui distribue les images de la chaîne publique française – a pris l’habitude de mettre des programmes de substitution quand la question des droits TV sportifs se pose. Je vais sur TV5Monde. Ici, c’est le championnat de France Ligue 1 qui se joue. C’est à 23h que TV5Monde diffuse le match de rugby, France-Pays de Galles, en… différé. Dommage, j’ai déjà le score, et la rencontre n’est plus d’aucun intérêt pour moi.

Samedi.

Je n’ai qu’une seule heure en tête. 21h. Reims affronte Marseille en match de Ligue 1. La rencontre sera diffusée en clair sur C8, tout comme sur Canal+Sport. J’ai le privilège de suivre la rencontre sur les deux chaînes. L’exercice est exaltant, car il me permet de suivre deux duos de commentateurs différents (François Marchal-Sidney Govou sur C8 et  David Berger-Franck Sauzée sur Canal + Sport).  Et je découvre un gardien de buts phénoménal. Le sénégalais Edouard Mendy est l’homme du match. Je ne serai même pas surpris que le Sénégal le choisisse comme gardien titulaire à la Coupe d’Afrique des Nations, Égypte 2019. Il encaisse certes un but du camerounais Njie Clinton, mais empêche trois occasions nettes de buts aux phocéens. Marseille (mon club de cœur) perd encore, dans une soirée, où j’ai même sacrifié un rendez-vous galant pour prioriser la télécommande. Sommeil  amer, soirée triste.

Dimanche.

Lyon affronte Paris en Football. Pour tout supporter marseillais comme moi, c’est pas la plus belle soirée, car voilà les deux clubs qui nous devancent en performances depuis une décennie. Néanmoins, une partie de moi aime ces deux clubs. Lyon et Paris sont en effet deux villes dans lesquelles j’ai séjourné en France, mais ma préférence est absolument lyonnaise. Comme feu Marc Vivien FOE, je suis le lion de Lyon.  Je me branche donc sur Canal + à 21h. En réalité, c’est pour mieux attendre 23h 55 pour me mettre à l’heure US sur TF1, mais la rencontre me fascine, d’autant plus que c’est la première défaite de Paris cette saison 2018-2019 en Ligue 1. Lyon l’emporte 2-1 et c’est jouissif !

Finale du Super Bowl 2019.

J’ai là une occasion en or de me venger de la déception de vendredi. A défaut du rugby, me voilà en train de regarder la finale du Football Américain (Super Bowl). J’avoue, c’est plus par curiosité qu’autre chose. En réalité, j’ai toujours cru que le rugby et le Super Bowl étaient le même sport. Que non ! La différence entre les deux disciplines est réelle. Les protections, les tailles des ballons, les pays pratiquants, le nombre de joueurs, etc.

L’heure américaine.

Quand il est 23h 30 à Yaoundé (et Paris en hiver), quelle heure est-il à Atlanta ? Il est 17h 30, donc je me mets au café. Six heures de décalage ce n’est pas évident. Il faut veiller toute la nuit pour être certain de ne pas manquer un show américain (Golden Globes, rencontres NBA, Oscars, Grammy Awards, Finale du Super Bowl). La finale du football américain se joue à Atlanta, et elle oppose les patriotes de la Nouvelle Angleterre (où il est 16h 30), aux Rams de Los Angeles (où il est 14h 30).

A minuit, TF1 lance le show :

Entre la présentation des équipes, notamment la star Tom Brady, le « serial winner » de New England, les records sont mis en évidence : 100 millions de téléspectateurs américains, 75.000 spectateurs dans le stade qui déboursent en moyenne 7.000 dollars la place, sans parler de 30 secondes de publicité qui valent 5.240.000 dollars.

Dans cette Amérique des apparences, il faut ajouter les deux frissons musicaux d’entrée de scène. Chloe et Halle, les deux protégées de Beyonce, et la diva Gladys Knight, qui entonne l’hymne des Etats-Unis avec quand même 8 récompenses aux Grammy Awards dans son escarcelle. 

A minuit 30 (18h 30 à Atlanta) la rencontre commence. Le premier quart-temps est serré. 0-0.

Pendant ce temps, je me balade sur Twitter. Les belges sont en colère. Là-bas, la chaîne TF1 est bloquée pendant le Super Bowl. Cela me rappelle le désarroi des africains pendant la Coupe du Monde Russie 2018, ou encore le Tournoi des 6 nations il y’a deux jours sur France 2. Heureusement, cette fois-ci, TF1 est accessible en Afrique, or en Belgique, «BBC et TF1 ont finalement décidé de bloquer ou de faire bloquer le signal sur toutes les plates-formes», selon le site Internet l’avenir, au profit de la chaîne payante Eleven. Le sport est une denrée précieuse. Si en plus, c’est un show américain, je peux comprendre le désarroi de mes amis belges. Sur le terrain, le deuxième quart-temps s’achève. Les patriotes mènent les rams de Los Angeles, 3-0.

C’est la mi-temps. Il est 2h 08 à Yaoundé (20h 08 à Atlanta). Le concert de la mi-temps est assuré pendant 13 minutes par Maroon 5, accompagné de Travis Scott et Big Boi. Spectacle insipide. On est loin des performances de Michael Jackson en 1993, Janet Jackson en 2004, Madonna en 2012, ou encore Justin Timberlake en 2018. J’ai eu la confirmation cette nuit que la musique américaine n’est plus celle des années 1980 à 2000, là où chaque mélodie était un frisson. Il est loin le temps où chaque nouvelle sortie aux Etats-Unis était un tube. A l’image de cette finale du Super Bowl, ce concert était terne et triste. Le Maroon 5 que j’ai vu est loin de ce qu’il m’avait proposé en 2016 avec le single « Don’t wanna know ».

3h 10 (21h 10 à Atlanta). Le score est de 3-3. L’un des plus serrés de l’histoire des finales de ce sport. Mais il faut au moins se réjouir du vocabulaire des dimensions du terrain. On parle des yards et non des mètres. 1 yard = 0,9144 mètre.  J’ai entendu parler aussi de sack (lorsqu’un quaterback  se fait plaquer avec le ballon derrière sa ligne de mêlée avec une perte de terrain comme conséquence. Il y’ a aussi le touchdown (touché) de Sony Michel qui vaut 6 points. A 1 minute de la fin,  3 points supplémentaires scellent la 6ème victoire des Patriotes de Nouvelle Angleterre, et font ainsi de Tom Brady, le recordman absolu avec 6 Super Bowl remportés également à 41 ans. Il est 4h 05 à Yaoundé (22h 05 à Atlanta). J’ai tenu, je n’ai pas somnolé, je n’ai pas dormi.

Le weekend est terminé. Nous sommes lundi.


Quelques camerounismes. Partie 2.

Elles reviennent, ces expressions camerounaises. Ce français exotique que je vous mets au défi de comprendre. On appelle cela des camerounismes. Ce dialogue improbable entre une mère et son fils au sujet d’une porte coincée est un film à suspense…

  • Vraiment je ne me reproche de rien !
  • N’est-ce pas hein ?
  • Oui, je ne me reproche de rien ma mère.
  • Qui m’a alors fait comme ça ?
  • Ce n’est pas moi ooh Rémé . Je suis quitté de la maison à 16h.
  • Et tu es sortie dehors sans les clés ?
  • Sans les clés comment ? Nanou était dedans non ?
  • Quitte de là ! Et c’est Nanou qui coincé la portière de la maison ?
  • Moi je ne sais pas hein. Tu sais que ta fille marche déjà trop. Tous les jours, elle monte en haut là-bas chez les Théo. Je mise côté qu’elle est là-bas.
  • Fiche-moi l’air ! Tu veux dire qu’à 14 ans, elle a déjà quelqu’un sur elle ?
  • Mater, moi je te dis hein, depuis qu’elle a géanci, elle fait les manières.
  • Qui a alors coincé ma maison ? Donc je vais que dormir dehors ? J’attends votre père ici, il va vous traiter.
  • Moi quoi sur ça ? Pardon demande à ta fille comment elle fait avec la porte là.
  • Tu n’as même pas honte hein ? tu trahis ta sœur ?
  • Je ne la trahis pas, j’ai seulement moi dit la vérité.
  • Moi aussi j’ai sauf que dit ma part. Quand ton père va rentrer de ses alcools ça va chauffer.
  • Ah ça ! Ça va seulement cuire.