DANIA EBONGUE

Sénégal et Japon : Le match de la propreté.

Des images de supporters japonais et sénégalais nettoyant les gradins des stades russes à l’issue des rencontres de leurs équipes nationales ont fait le tour de la toile. Coup de bluff ou coup d’éclat ?

Janvier 2018, Le Thieulin, petite commune du Centre de la France. Tonton Sam, qui est d’origine camerounaise, vide ses ordures. Il y a un bac pour les verres et les bouteilles, et un autre pour les papiers et les magazines. Il m’explique qu’en France, le recyclage des ordures est une filière pourvoyeuse d’emplois. Elle fait partie de l’économie circulaire.

Tonton Sam. Crédit photo: DANIA

Or en Afrique, et particulièrement au Cameroun, les ordures ménagères nous rapprochent plus de l’économie de la maladie. Pendant des mois, les ordures sont entassées dans les quartiers de Yaoundé et de Douala. La société Hysacam (Hygiène et Salubrité du Cameroun) a du mal à ramasser les ordures comme jadis. L’environnement est pollué par les mouches, les rats, et toutes sortes de parasites qui s’attaquent aux domiciles et aux individus.

Ordures du quartier Jouvence à Yaoundé. Crédit photo: DANIA

Du coup, l’image des supporters sénégalais nettoyant les gradins du stade lors du match Pologne-Sénégal du mondial 2018 a vite fait le tour de la toile. Christine Djafa, Salma Amadore et Ecclesisate Djegui, trois camerounais qui ont foulé le sol de Dakar, m’ont unanimement dit que «  les sénégalais sont des êtres civiques. Il est dans leur nature de nettoyer quand ils salissent ». Et pourtant, beaucoup ont jugé que le geste sénégalais était intéressé. « Ils l’ont fait parce qu’ils ont gagné le match », annonce un internaute qui estime qu’on fait trop de publicité trop de publicité gratuite au pays de la Téranga. D’autres internautes affirment que les sénégalais ont simplement imité le geste des japonais, qui eux-mêmes ont nettoyé les gradins après leur victoire sur la Colombie.

Que non ! rétorquent en chœur Malik et Diallo. L’un tient une échoppe (comme dans la plupart des quartiers du Cameroun, les boutiques sont tenues par des sénégalais), l’autre est un couturier. Ils me rappellent à juste titre que lors de l’AfroBasket féminin 2015, à Yaoundé, les sénégalais avaient été exemplaires au Palais des Sports de Warda. Ils ont nettoyé les gradins, pendant que, beaucoup de camerounais, énervés par cette défaite en finale, effectuaient quelques actes de vandalisme. Ce qui se passe en Russie est donc loin d’être inédit.

Le 12ème Gaïnde qui donne le ton à Moscou, nous passe un message universel :

  • Le sénégalais se sent partout chez lui ;
  • Le sénégalais ne balaie pas que devant sa cour ;
  • Le sénégalais a l’esprit de fair-play ;
  • Le sénégalais a l’esprit de famille (partage, repas en groupe, etc.)

Ce dimanche 24 Juin 2018, ce n’est pas tant le score du match contre le Japon qui compte. Ce qui est important, ce sont les 25 heures de train que les supporters des Lions de la Téranga ont fait pour aller soutenir le Sénégal face au Japon. Ce qui est important, c’est qu’après leur quart de finale mémorable en 2002, les sénégalais nous envoient aussi un message de solidarité. Oui, il faut du respect quand on entre dans un stade. Le même respect que l’on doit avoir en foulant un temple bouddhiste ou shintoïste quand on est musulman ou chrétien. Cela s’appelle tout simplement le respect. Alors, que ce soient les japonais ou les sénégalais qui nettoient le plus, le plus important est donc…la propreté. Et la propreté n’a jamais demandé d’être la propriété d’une seule nation.


Ces cinq médecins qui m’ont fait aimer les séries TV médicales !

Ils sont cinq, médecins ou pharmaciens, tous camerounais : Patrick Ngou, Caroline Tsimi Bengono, Franck-Yves Biongolo, Steve-Félix Belinga et Laurence Ngamani. Ils sont respectivement, pédiatres, chirurgien, neurologue et pharmacien. Ils sont tous passionnés et veulent réconcilier les populations avec le personnel médical. Chacun d’eux est une partie de ma vie, et chacun d’eux me rappelle les séries télévisées médicales.

« Tous les cas traités dans « Docteur House » sont des cas réels » me disait Franck Yves Biongolo, en visite un jour chez moi. Lui, le jeune médecin qui deviendrait plus tard chirurgien, me vantait les vertus de la célèbre série. C’est lui qui m’a ouvert à ces séries TV, mais plus encore à la médecine en général. Je vous l’avoue, j’ai horreur des hôpitaux.  J’ai une sainte horreur de ces formations sanitaires car l’accueil laisse à désirer. Je n’oublierai jamais cet après-midi où une dame s’est retrouvée dans un taxi avec moi, depuis le quartier Essos à Yaoundé, jusqu’à l’hôpital central. J’ai demandé au taxi de la transporter d’urgence, car elle était enceinte et à deux doigts de la délivrance. Arrivés sur place, le monsieur en blouse blanche qui nous a reçus, a demandé « 30.000 francs ou rien. L’accouchement n’est pas gratuit ». Pourtant, il s’agissait d’un hôpital public, il s’agissait de sauver deux vies… La dame s’est retrouvée sans soins et abandonnée, à même le sol. Cet épisode m’a traumatisé. L’hôpital m’a souvent traumatisé au pays. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi les toilettes des hôpitaux sont si mal entretenues, pourquoi les salles d’hospitalisations sont à ce point insalubres, pourquoi les médecins de garde sont si peu accueillants…

En fait, seules les séries télévisées m’ont fait rêver d’un hôpital meilleur. Je me réjouis toujours des moments où les cas sont diagnostiqués avec soin, des moments de frayeur où des vies peuvent basculer, de la clairvoyance du personnel soignant, mais surtout, de la qualité de la prise en charge. Lors de mes différentes expériences sur le terrain, grâce à mon travail pour les enfants avec l’Unicef,  j’ai compris que de nombreuses communautés de notre pays avaient du mal à adopter certaines pratiques pourtant positives, comme par exemple les consultations prénatales, l’accouchement à l’hôpital et le suivi du nouveau-né. Il faut l’aide des agents de santé communautaires pour appeler les familles au changement de comportement. Voilà pourquoi le combat du Docteur Patrick Ngou m’a fasciné. En organisant les journées nationales de la santé sur le thème « Santé par tous », Patrick veut démontrer que l’hôpital est un lieu de vie.  Il a créé un groupe Facebook dénommé « Je suis l’enfant camerounais ». Il organise des campagnes de dons de sang, etc.

Campagne du Don de Sang, Patrick Ngou et le groupe X Maléya

D’autres amis m’ont réconciliés avec la médecine :

Caroline Tsismi Bengono est une amie d’adolescence. Je l’ai connue au quartier Nkolbissonn, nous étions au Collège François-Xavier Vogt. Un jour, alors que je transportais un membre de ma famille blessé, elle était de garde aux urgences de l’hôpital central de Yaoundé. Son accueil m’a fasciné. Elle a pris soin de mon blessé, s’en est occupée toute la nuit, et s’est assurée que tout allait bien. Elle me rappelle Ellen Pompeo de Grey’s Anatomy.

Steve-Félix Bélinga. Mon petit frère. Je le voyais passionné de science-fiction à la maison, mais je l’imaginais mal finir médecin. C’est pourtant ce qu’il est devenu. Il a un air de Docteur House, mais en plus gentil. Très cartésien sur les bords, sur les détails, sur les décisions à prendre. Je suis toujours impressionné par son côté méticuleux et organisationnel.

Laurence Ngamani. Ma confidente et bien plus. Docteur en pharmacie. Digne diplômée de l’Université des Montagnes. C’est la première que je consulte quand j’ai un bobo. C’est la première qui me donne des conseils avant de que je ne me rende en formation sanitaire. Elle est née pour aider et soigner ! Elle est d’une incroyable générosité.

Franck Yves Biongolo. C’est un auditeur fidèle de mon émission, il est devenu mon ami et mon frère, et aussi mon medécin ! Je me souviens qu’on soupçonnait chez moi un surmenage, mais « Bio-fr »( de son petit nom) m’avait demandé d’aller consulter un ophtalmologue. Bingo !  C’était bien les nerfs optiques qui causaient problème. Je n’arrivais plus à lire. Me voici donc au club des porteurs de lunettes.  

Un soir, il m’a rendu visite et m’a parlé de la série « Docteur House » , depuis, je suis devenu fan des séries télévisées médicales : Saving Hope au –delà de la médecine, Grey’s Anatomy, Docteur House, Urgences, Scrubs, Nip/Tuck, Chicago Hope, General Hospital, Private Practice et The Good Doctor.

The Good Doctor est encore pour moi, une série exceptionnelle. L’histoire d’un jeune médecin autiste, en qui personne ou presque ne fait confiance, mais dont les prouesses sont exceptionnelles. Alors, s’il vous plait, si vous avez un cadeau à me faire, offrez-moi un collector d’une de ces séries en Blu-ray !

Mon respect à tous les médecins du monde, vous qui donnez la vie, la préservez, la protégez.


Cardio de X Maléya : Le nouvel album.

X maléya, le trio magique camerounais revient avec un nouvel album « Cardio ».

Auguste, Hais et Roger. A deux jours de la sortie officielle de votre album, vous avez respecté la tradition de me le faire écouter avant. Loyauté et fidélité n’est-ce pas ? Allons donc à la découverte de cet opus !

Tout commence par « ma prière ». Avec toi, « l’échec devient succès ».  4 minutes 47 d’une soul à l’ancienne, pour nous rappeler que X Maléya a bien été influencé par les années 1990. C’est vrai que la 2ème piste, la chanson « Fianga », m’avait déjà été présentée par l’artiste Koppo il y a quelques mois, avant que je ne l’écoute à nouveau dans un snack à Bertoua. Mais comme « Dieu n’oublie personne », X Maleya nous encourage à garder la foi et à persévérer dans les moments difficiles. Mais surtout, ils nous disent d’arrêter de jalouser le succès des autres, comme s’il était un frein à notre propre succès.

Puis vient le « Makossa », 4ème opus de l’album. La voix d’Auguste, un peu « électronique » nous accompagne au rythme d’une guitare à l’ancienne. Le titre porte bien son nom. Et même le nigérian Bracket pose la voix comme un vrai sawa. C’est la première collaboration du disque. Car, suivront Innoss’B, Blanche Bailly et Minks respectivement dans les chansons « Dans l’os » plage7,  «  Je t’aime » plage 8 et «  mon goût », plage 13. Je suis un peu déçu par la fin brutale de Makossa, avant de me réveiller sur le 5, « allo », retour au Makoune, un rythme connu des Bassa-Mpo’o-Bati. « Dans l’os » m’entraine savoureusement vers des nuées endiablées avec mes camarades de promotion. Elle sera indubitablement festive.

Puis, les gars s’engagent : « Ta fille n’est pas ta femme ».  Ils accusent l’inceste. La douleur est atroce. « Laisse-moi ma virginité, je suis encore un enfant ». Le message est clair ! Amina ne pleure pas ! Ce sera la partie émotion de l’album, assurément.  En 10ème piste, X Maléya fustige les « apprentis-sorciers » sur le titre « la seule » avant de reparler religion, en langue Duala, sur le titre « Loba ». On est dans un vrai cantique des églises protestantes. Roger nous avait annoncé cette chanson dans un direct Facebook il y’a quelques mois. La mélodie reste, comme dans un moment de méditation implacable. La touche 12 pour un dilemme entre Caro et Lisa, signé Auguste. Équation sans doute difficile à résoudre…Le choix ne sera pas facile.

Terminons avec la piste cachée. La 14. Quel est son titre ? Est-ce un bonus track ? Mais non ! On sort par où on a commencé, c’est-à-dire, un hommage à la divinité, avant de se rendre compte que c’est un vrai freestyle dans lequel les trois mousquetaires interviennent, y compris Haissam, vocalement. Un album, qui porte la collaboration de Andy Jemea ou encore Dj Kessy pour ne citer que ceux-là. Mais alors, pourquoi Cardio ? Le cœur ? Oui, l’amour ? Le temps aussi ? Les battements cardiaques pour nous dire qu’ils sont toujours en vie ? Et qu’ils ne meurent jamais ? Oui…Peut-être tout cela à la fois.


Les femmes de ma vie

Elles ne sont pas mes épouses, ni mes sœurs, ni mes intimes, ni mes ex. Ce sont pourtant les femmes de ma vie. Elles, Les Nubians, Eva Hakapoka, Estel Mveng, Sanzy Viany, Taty Eyong

Les Nubians.

1999, elles débarquent au Cameroun. Quelques semaines plus tôt, l’excellent Patrick Ermano avait diffusé la chanson «  Makeda ». J’ignore pourquoi jusqu’à ce jour, cette chanson me parle. C’était alors le grand début de l’aventure avec les « princesses nubiennes ». Ce dimanche-là, elles avaient chanté «  Demain » sur le plateau de Tam Tam Weekend, puis elles avaient débarqué à la radio, à l’émission « Les Cops d’Abord », qui s’appelait « Échanges ». C’était drôle de faire une interview de deux filles métisses, dont j’ignorais tout, mais qui ont su tout me dire, l’espace d’un moment radiophonique. J’ai donc suivi leur carrière, de Paris aux Etats-Unis, il y’avait toujours « One step forward » dans notre relation. Puis, elles sont devenues mes amies, Célia et Hélène, dans chaque venue au pays, savaient me faire un coucou, me confier un secret, ou m’informer que leur maman était décédée et que je devrais être là. Jamais le cordon n’a été coupé, surtout pas en 2012, lorsqu’elles m’ont désigné attaché de presse pour la tournée média de leur album « Nu Revolution ». Un honneur qui m’a valu un 18/20 dans mon rapport de stage de mon année de master, mais surtout, la capacité à se surpasser dans un environnement pas toujours favorable. Je n’en dirai pas plus. Oui, peut-être que la fille de Célia et ma fille portent le même nom : Makeda. Les Nubians, sont les femmes de ma vie.

Eva Hakapoka.

Un nom qui sonne congolais. C’est pourtant une camerounaise de l’Ouest. Plusieurs fois, en allant chez ma tante Chantal au Camp Sic Mendong à Yaoundé, je la croise sur mon chemin. Polie, souriante. La jeune fille aimait le rap. Elle m’avait confié sa maquette en 2006 et faisait déjà bouger les scènes avant de se consacrer à ses études de communication à Yaoundé, puis en France. Eva n’a jamais manqué de m’envoyer un de ses singles, une de ses chansons, ni un de ses projets. C’est le jour qu’elle m’a envoyé sa mère, en pleine maison de la radio, pour me remettre son premier album « Roots », que j’ai su que je comptais pour elle. Sa mère avait sagement attendu que je termine mon émission. « Eva a tenu à ce que je te remette ça en main propre », m’a-t-elle dit ! Waou ! J’étais trempé d’émotion (ce qui est rare chez moi). Que dire de la fois où elle est venue me seconder dans l’émission « Le Rêve » comme animatrice ? Elle était en compagnie de Gracie Grace, un autre talent brut, qui l’a d’ailleurs brillamment accompagnée sur scène au Centre Culturel Camerounais, un éblouissant soir. Aujourd’hui, je ne suis pas surpris de voir Eva comme collègue à la CRTV. Eva est la femme de ma vie.

Estel Mveng.

C’est un peu la surprise de cette liste. Et pourtant, elle me boude comme si elle était ma fille. Estel est venue un jour à la radio, recommandée par un de mes collègues, et depuis ce jour, elle ne me lâche pas des yeux. Elle me boude d’ailleurs quand je n’assiste pas à un de ses spectacles. Estel est une bête de scène. Je découvre qu’elle fait partie de l’orchestre de la CRTV, et je découvre aussi qu’elle vient d’être faite Chef Traditionnel, un privilège rare pour les femmes, dans notre pays. Estel m’a appelé au secours ce matin. Elle avait une urgence à régler, et c’est à moi qu’elle a pensé. Je n’ai pas pu l’aider, mais elle a tenu à me signifier que son problème a été résolu. Je suis si fier de la voir porter les couleurs du Cameroun au Masa (Marché des Arts et du Spectacle Africain) d’Abidjan. Elle me rappelle le Sud, mes amis du Sud, ma relation forte avec cette région. Je n’en dirai pas plus. Estel est la femme de ma vie.

Taty Eyong.

Elle me boudait, m’évitait. Me détestait même ? Mais qui est comme Taty Eyong ? Celle qui traine depuis des années avec Lino Charly. Qui arpente les couloirs de la radio. Qui se fait inviter à mon émission télé, mais, qui me boude. Je la vois dans toutes les scènes, mais on s’évite. Elle me croise au Hilton, mais on n’ose pas se parler. Seul un regard est échangé. Mais pourquoi ? Je ne saurais le dire. Mais quand j’ai su que c’était « son comme ça », alors j’ai compris qu’elle s’adressait à moi. « Ne me juge pas comme ça », «  ne me traite pas comme ça ». Bref, je suis gouré depuis toutes ces années. Cette choriste qui a décidé de faire une école de musique, est la révélation 2017 au Cameroun. Danseuse professionnelle, son single est apparu comme la consécration de la persévérance et de la patience. Une douceur, mais une bête de scène incroyable. Taty Eyong a réussi à me faire danser un soir de grosse déprime. Taty Eyong est la femme de ma vie.

Sanzy Viany.

Du soleil ! Lionel Nnamè me dit « je vais te présenter une perle ». La jeune fille que je découvre sur l’album les « rap’conteurs » de Blick Bassy, est une fille humble, intelligente (comme toutes les Etons, devrais-je dire). Elle m’accorde sa première interview dans les loges de Yafé, à Yaoundé. Sanzy se connecte à moi. Je deviens son grand frère. Elle perd l’être aimé. Elle doit porter un enfant seule, et garder la force de poursuivre sa carrière et ses rêves. Sanzy est une vraie « Mpang Minga », une beauté physique, comme une beauté de l’âme. Fidèle en amitié, boudeuse quand je la plaque, mais si aimante, si disponible. Révélée par la chanson « Me Teug », on a du mal à croire qu’on a fait « 10 ans Ensemble », thème de son dixième anniversaire de carrière.  Il y’a une semaine, elle m’envoie, « Ngul Yam ». Seigneur, tu es ma force ! Un hymne à la foi, un hymne à la joie. Sanzy Viany est la femme de ma vie.

J’aurais pu ajouter à cette liste : Veeby, Bams, Naahtal, Marcy, Laro, Danielle Eog,  Kareyce Fotso, Alima, Fifi Nègresse, autant de femmes/filles artistes, qui ont cru en moi, au-delà d’un simple contact professionnel. Vous l’aurez compris, c’est la musique de ces braves dames qui m’a ouvert la route des muses. Elles-mêmes pourront un jour vous parler de ces rencontres inoubliables. Eva et Sanzy ont chanté pour mon mariage pour ne dire que cela. Soyez bénies mesdames ! Je vous aime, vous, les femmes de ma vie.


Parcours de vie difficiles de femmes victimes de mariages précoces ou forcés

De jeunes mères, victimes de mariages précoces ou forcés et dont le parcours de vie est difficile, se réunissent régulièrement au « Club Ado » de Mandjou, dans la Région de l’Est du Cameroun. Là bas, elles peuvent parler de ce qu’elles vivent et elles trouvent de l’aide, car leur parcours a connu un bouleversement certain après des épisodes de vie douloureux. Aujourd’hui, au « Club Ado » de Mandjou, elles tentent de retrouver une dignité. Cette association a vu le jour le 2 Octobre 2017 et regroupe de jeunes mères et des enfants  (211 enfants : 70% sont des réfugiés centrafricains et 30% sont des camerounais). Tous se réunissent de 8h à 12h et de 14h à 16h du mercredi au vendredi, ils sont accueillis et encadrés par des travailleurs sociaux. Les réunions se font autour de plusieurs activités : sports, dessins, jeux de société, apprentissage, etc. Le Club Ado de Mandjou est une initiative du Catholic Relief Services (CRS), il est  financé par l’UNICEF.
Retrouvons , Zouleya, Fanne Zara, Fadimatou et Hawaou, elles ont acceptées de témoigner ici de leur enfance volée.

Zouleyatou

Zouleyatou Ibrahim :   Lorsque je suis tombée enceinte, le calvaire a commencé.

Aujourd’hui j’ai 19 ans. Il n’y a pas d’avenir pour une fille mariée précocement comme moi. Que peut-elle faire ? Ni aller à l’école, ni travailler. J’étais en première année de l’Enseignement Technique. Un monsieur m’a abordé et m’a demandé en mariage. C’était un débrouillard, un démarcheur dans le secteur de l’informel. Je précise que je suis réfugiée centrafricaine et lui il est camerounais. J’ai accepté sa proposition et je suis allée vivre avec lui. Au bout de deux mois, il m’a interdit de remettre les pieds à l’école. Ma mère était opposée à ce mariage mais je ne l’avais pas écoutée. Je croyais sincèrement que cet homme m’aimait. Lorsque je suis tombée enceinte, le calvaire a commencé. Il m’abandonnait des jours entiers, seule à la maison, parfois affamée. Après mon accouchement, lorsque l’enfant a eu quatre mois, j’ai été répudiée et il a mis fin au mariage traditionnel. Depuis lors, je n’ai plus de ses nouvelles. Même un morceau de savon pour l’enfant, il n’a jamais acheté. J’ai même appris qu’il serait en prison pour vol en ce moment. Tout compte fait, je suis toute seule à élever mon fils qui a deux ans maintenant. Je suis retournée chez ma mère. J’ai besoin d’aide. Je sais faire la couture. Si je pouvais avoir du matériel et un fonds, je pourrais démarrer un atelier.  »

Fanne Zara

Fanne Zara :   Mon père m’a obligée à me marier avec un inconnu.

J’ai 15 ans. Je suis une réfugiée centrafricaine. J’avais 12 ans et je fréquentais l’école coranique quand, un beau matin, mon père m’a obligée à me marier avec un inconnu. Ce monsieur était un ivrogne et un irresponsable. Dieu merci je n’ai pas eu d’enfant avec lui, car il devenait violent avec moi. Ayant constaté ma détresse, mon père est venu pour annuler ce mariage. Sauf que le monsieur n’a pas digéré cela et il m’a promis que je vivrai l’enfer toute ma vie. Chez nous, lorsqu’on vous jette un sort après une séparation, il faut en tenir compte. Je suis malade depuis, et je fais le tour des hôpitaux, on n’arrive toujours pas à diagnostiquer mes soucis de santé.  Je suis très heureuse d’intégrer ce club ado. J’ai l’impression de pouvoir enfin vivre mon âge, je peux parler avec des filles de mon âge, et j’ai pu écouté beaucoup de messages de sensibilisation grâce à l’association.

Fadimatou

Fadimatou Oumarou :   Me voilà donc orpheline, réfugiée, fille-mère, divorcée et SDF.

Je suis orpheline depuis l’âge de 11 ans. Aujourd’hui j’en ai 19. J’ai grandi entre les mains de mamans adoptives. Je vendais des beignets au coin de la rue lorsque je suis tombée sur un monsieur qui m’a demandé en mariage. Je lui ai répondu que j’étais orpheline et réfugiée, et que j’avais déjà beaucoup souffert dans ma vie, et qu’il n’était pas question que j’aille de nouveau souffrir chez lui. On s’est mariés et je suis tombée enceinte. Lorsque ma fille a eu deux mois et deux semaines, il a estimé que je n’étais plus une femme pour lui. Il m’a répudiée, me disant qu’il était fatigué de moi, sans aucune autre raison. J’ai dû retourner chez ma mère adoptive. Bizarrement, depuis que je suis rentrée, elle aussi affiche un comportement répulsif à mon égard. Parfois je mange, parfois je ne mange pas. Il y a quelques jours, elle m’a mise à la porte. Je séjourne actuellement chez une voisine du quartier. Me voilà donc orpheline, réfugiée, fille-mère, divorcée et SDF. J’ai entendu parler de ce club des ados et j’essaie de trouver du réconfort ici.

Hawaou

Hawaou Dahirou :   Quand j’ai eu sept mois de grossesse, les problèmes ont commencé.

Je suis orpheline de père, réfugiée et je vis avec ma mère. Un homme est venu demander ma main. Je suis tombée enceinte, et quand j’ai eu sept mois de grossesse, les problèmes ont commencé. J’ai accouché à l’hôpital des réfugiés de Mandjou. Depuis ce jour, mon mari s’est éclipsé. Il a refusé d’assumer la parenté. C’est ma pauvre mère, vendeuse de beignets, qui s’occupe de mon enfant. J’espère que grâce au club, je vais obtenir un financement pour lancer une activité commerciale.


A l’Est du Cameroun, l’ennemie s’appelle encore malnutrition.

Au cœur de la lutte contre la malnutrition, de nombreux enfants des réfugiés centrafricains et des autochtones de la région de l’Est bénéficient d’appuis divers pour lutter contre le fléau. Immersion dans quelques sites de réfugiés.

Au Centre Nutritionnel Thérapeutique Interne (CNTI) de Garoua-Boulaï à l’Est du Cameroun, on retrouve ce jeudi matin, 6 cas d’enfants victimes de malnutrition en phase aigüe. Le Major du CNTI, Jérémie DISIA, se souvient qu’il y’a deux ans, les victimes étaient plus nombreuses que cela : « Par mois, on comptait 40 à 60 cas d’enfants malnutris. La plupart étaient des réfugiés centrafricains ».

Les réfugiés, une forte population fuyant la guerre du pays voisin pour se retrouver dans plusieurs localités de la région de l’Est. Et sur les 14 districts de santé que compte la région, 8 se sont retrouvés impactés par l’urgence (Bertoua, Garoua-Boulai, Bétaré Oya, Batouri, Kette, Ndelele, Yokadouma et Moloundou) des enfants malnutris par défaut.

Agents de Santé Communautaire

Il fallait donc réagir, notamment dans les sites des réfugiés. A l’école Salam de Nganko par exemple, quatre agents de santé communautaires sillonnent la cour de l’école. Dahirou Adamou, Mouhamadou Hassan, Youssoupha Adamou et Rhana Abdoulahi, font partie des 68 agents de santé communautaires, appuyés par la KFW et l’Unicef pour le suivi et la prise en charge des cas d’enfants malnutris. Hassan raconte que son propre enfant en a été victime et du coup, il s’est porté volontaire pour recevoir la formation qui lui permet désormais de dépister les cas, sensibiliser les communautés et référer les cas critiques au CNTI de Garoua-Boulaï. La communauté s’organise ainsi pour barrer la route à la malnutrition et sur les 24 504 réfugiés centrafricains enregistrés au site de Gado-Badzeré en septembre 2017, seulement 17 nouveaux cas de malnutrition ont été enregistrés.

« Entre l’arrivée massive des réfugiés en 2015 et actuellement, beaucoup de choses ont changé », nous avoue Jérémie DISIA du CNTI de Garoua-Boulaï. C’est vrai que depuis février 2016, l’urgence a été levée, et ceci grâce aux apports des intervenants comme l’Unicef et son partenaire KFW. Ce dernier a notamment appuyé le programme de fortification à domicile, ainsi que la distribution des kits WASH pour la prise en charge de la malnutrition.

Vue aérienne du Site des réfugiés de Gado

« La malnutrition a plusieurs composantes : ANJE (Alimentation et Nutrition du Jeune Enfant), PCIMAS (Prise en Charge Interne de la Malnutrition Aigüe Sévère), Micronutriments (supplémentation en vitamine A), WASH ( Water and Sanitation Hygiene), la Gouvernance ( Supervision, renforcement des capacités, et le suivi-évaluation) » déclare le Docteur Mintop Anicet Désiré, Chef de Brigade de contrôle des activités et des soins de santé à la Délégation Régionale de la Santé Publique de l’Est. Il rappelle ainsi, les propos de Sehou Pascal, agent de santé communautaire à Adoumri dans la région du Nord, qui déclarait en 2016 que le Wash « est indissociable de la lutte contre la malnutrition ».

Intrants distribués dans les formations sanitaires

La malnutrition c’est une question d’ « hygiène d’abord » et c’est ce que les communautés commencent à comprendre au CNTI de Garoua-Boulaï, au poste de santé du site des réfugiés de Gado-Badzéré, ainsi que dans les autres formations sanitaires de l’Est. Autour de cette question de lutte contre la malnutrition, c’est l’image agréable, de ces élèves, et notamment des filles qui fréquentent des salles de classes, là où leur scolarisation n’est plus un interdit, ni un tabou.

  • 5279 enfants ont bénéficié de la prise en charge de la malnutrition aigüe sévère dans la région parmi lesquels 1358 réfugiés.

Des enfants qui reçoivent des intrants, des packs et des kits, portant les promesses d’une meilleure santé et la garantie de leur survie et de leur avenir, à condition que la lutte se poursuive, car l’ennemie rôde, sournoise et téméraire.


Ma Guinée Plurielle, qui est guinéen ? (chapitre 4)

  • Tu vas où ?
  • En Guinée
  • Mais quelle Guinée ?
  • La Guinée-Conakry
  • Il n’existe pas un pays qui s’appelle la Guinée-Conakry…

Mais oui, j’ai du mal à définir la Guinée plurielle. Il faut se rendre à la frontière de Kye-Ossi, au Sud-Cameroun, pour constater que là-bas, le nom que l’on donne au pays voisin c’est « la Guinée ». « Je me rends en Guinée », hurle une dame qui traverse la frontière. C’est peut-être parce que je suis un éternel pointilleux, obsédé par les détails, que c’est important. Ici, au Sud-Cameroun, il n’existe donc qu’une seule Guinée, la Guinée équatoriale. Pendant longtemps, « la Guinée » dont on parlait à la télé à propos des campagnes de lutte contre Ebola (impulsées par trois États voisins :Cameroun-Gabon-Guinée Équatoriale) était comprise comme la Guinée qui avait des cas d’Ebola et cette Guinée dont parlaient les journalistes était la Guinée Équatoriale (ou Guinée Espagnole) .

Beaucoup ignorent les autres Guinées, en commençant par LA Guinée, la vraie ! Celle qui semble avoir donné son nom aux autres. Mais d’où vient le nom « Guinée » ? Et qui a raison ? Les historiens disent que ce sont les habitants de la Boucle du Niger (Guinée, Mali, Niger, Bénin, Nigeria) qui auraient nommé cette terre. On parle également des habitants de la côte qui auraient donné une étrange réponse aux portugais… ce nom peut aussi simplement signifier le « pays des hommes noirs » comme on le prétend aussi.

Oui, parce qu’on a déjà tout lu et entendu sur la Guinée. On nous parle du fameux Golfe de Guinée, et il existe même une commission qui réunit ses pays riverains. Mais, de manière plus large, le Golfe de Guinée réunit de nombreux pays côtiers (Liberia, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon, Sao Tomé-et-Principe, République du Congo, République démocratique du Congo et Angola).

On comprend dès lors que le nom de Guinée était l’une des appellations données par les explorateurs qui ont longé les côtes africaines. Du coup, la Guinée est plurielle. Elle est espagnole comme la Guinée Équatoriale. Elle est portugaise, comme la Guinée Bissau. Elle est française comme la Guinée…(Conakry). Ne me parlez pas de la Papouasie-Nouvelle Guinée je vous prie. Juste parce que ce n’est pas en Afrique, et que vous voyez bien que c’est Nouvelle-Guinée non ?

Revenons en Afrique. La Guinée plurielle c’est avant tout ses peuples.

Les Malinkés ou Mandingues d’abord. Vous les trouverez au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Libéria et en Gambie entre autres. Tout cela ressemble étrangement à l’Empire du Mali de Soundiata Keita qui s’étendait sur les États actuels suivants : Mali, Sénégal, Gambie, Burkina Faso, Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie, Côte d’Ivoire. La capitale de cet empire du Mali se trouvait à Niani, un petit village de… Guinée !

Il y a aussi les Peuls (Foulbés, Fullani, Fellata, Bororo, Pullar) qui sont près de 40 millions en Afrique. Ils sont 16 millions au Nigeria, 4 millions en Guinée et à peu près 3 millions au Cameroun, et aussi au Mali. Mais les Peuls se retrouvent également au Sénégal, au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie, en Guinée Bissau, en Gambie, en Sierra Léone, au Tchad, au Ghana et en Côte d’Ivoire. En Guinée, les Peuls constituent 40% de la population. Et pourtant, le chauffeur de taxi qui nous transportait la veille de notre départ de Conakry, un Peul, s’indignait que jamais un Peul n’a été président de la Guinée.

Les Présidents de la Guinée :

Ahmed Sékou Touré  était Mandingue.

Lansana Conté était Soussou.

Moussa Dadis Camara appartient aux Guerzés, une ethnie qui fait partie, avec les Kissis et les Tomas, de ce que l’on appelle la Guinée forestière.

Sékouba Konaté est Malinké, avec une mère libanaise.

Alpha Condé. On attribue à l’actuel président des origines Malinkés, même si certaines opinions affirment que ses parents ont immigré du Burkina Faso et du Mali notamment. La présidence guinéenne se veut formelle quant à elle : « Né le 4 mars 1938 à Boké, une ville située à 300 kilomètres de Conakry, en Basse Guinée, le professeur Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de l’histoire de la république de Guinée ».

Cinq présidents, et aucun n’a jamais été Peuhl. La question fait débat en Guinée. Le chauffeur de taxi qui nous transportait dans la nuit de Conakry semblait dire qu’après le président actuel, ce serait enfin le tour d’un Peuhl. C’est l’ethnie majoritaire, c’est l’ethnie qui tient les affaires, c’est l’ethnie qui compte parmi les plus instruits, c’est l’ethnie qui est aussi réputée pour son nomadisme et par conséquent, pour l’ethnie qui « arrache » les terres des autres. Cette stigmatisation des Peuhl a ammené plusieurs personnes à se demander s’il y avait un problème Peuhl en Guinée.

Mon contact avec les Peuhl de Guinée était agréable, je parle de mes interlocuteurs, car je ne peux pas en dire autant de mes interlocutrices. Les jeunes femmes Peuhl que j’ai rencontrées étaient d’une froideur inouïe, refusant presque tout contact avec les autres. Je n’ai pas pu arracher le sourire d’une seule Peuhl. C’était à la limite frustrant. Pourtant, au Cameroun, les Peuhl et moi avons toujours eu une amitié parfaite. J’ai même connu deux femmes peuhl qui exigeaient que je m’islamise pour pouvoir les épouser. Bon, ça c’est une autre histoire… Je suis maintenant de retour au Cameroun, et ici, les Peuhl me sourient. C’est le plus important.


Ma Guinée Plurielle, le plaisir t’attend (chapitre 3)

J’ai rencontré, un guinéen nommé Mansour. Son histoire m’a bouleversé.

C’est un jeune homme meurtri par la vie. Sa docilité cache sa rage de vaincre. Sa vie se résume en un seul mot : « épreuves ». Mansour m’a été recommandé par mon frère et ami Heyndricks. Il était supposé me servir de guide ici à Conakry, mais c’est sa vie qui sera désormais mon guide, ma boussole. Tout commence par cette soirée où je lui donne rendez-vous dans la salle d’attente de l’hôtel.

Il m’appelle « Boss ». Peut-être parce qu’il me voit loger dans un cinq étoiles. J’aperçois tout de suite une gêne dans son regard, comme une distance complexée qu’il crée lui-même.

48 heures plus tard, il est 8h. Mansour est à mon hôtel. Il doit faire les marchés de Conakry pour me procurer des pagnes. En l’espace d’une minute, il prononce le nom d’Heyndricks sept fois. Alors je l’interroge :

  • Il t’a marqué hein, ce bon vieux Heyndricks !
  • Oui Boss. C’est lui qui m’a tout appris.

Il ouvre son téléphone et me montre une photo. Celle d’une campagne de sensibilisation contre le VIH-SIDA. Le slogan dit : « Le plaisir t’attend ». C’est clair, seul Heyndricks a le chic de ce genre de formule provocatrice. Et pourtant, derrière ce message, il demandait un changement de comportement en utilisant le préservatif « le latex sans complexe », autre formule venant de lui, à l’époque où nous travaillions ensemble au Cameroun. Heyndricks gérait la communication d’une ONG internationale ici à Conakry. Il a recruté Mansour pour développer avec lui des stratégies et des pratiques en marketing social.

Mansour

Mansour parcourait le pays, pour sensibiliser les populations, parfois au péril de sa vie. Prendre la pirogue et parcourir Room, Kassa et autres îles de la Basse Guinée, c’était loin d’être une sinécure. C’était le prix à payer, surtout lorsqu’il a fallu faire face à la douloureuse épidémie d’Ebola. A Guéckédou comme ailleurs en Guinée, il fallait s’armer de courage pour demander aux populations de se prémunir. «  Les gens disaient que c’était une maladie inventée. Au lieu de se signaler, ils se réfugiaient dans les familles et mouraient en silence après avoir contaminé tout leur entourage » se souvient encore Mansour, avant d’ajouter : « Heyndricks m’avait dit de ne pas regarder l’attitude désinvolte des expatriés qui venaient en Guinée et refusaient de se mêler aux populations. Il m’avait dit, toi tu es un enfant du pays, et tu as le devoir de protéger tes frères et sœurs ». Alors, la peur au ventre, Mansour a parcouru les villages de son pays pour communiquer sur les gestes essentiels pour mettre fin à l’épidémie.

Il est devenu, malgré lui, le relai communautaire pour parler aux Soussou, aux Malinké, aux Peulhs, aux Bagas, aux Tômas, aux Guerzés, aux Kissis, aux Naloe, aux Bassarés, et aux Diakankés entre-autres pour que les pandémies cessent de ravager sa belle Guinée.

Il garde un souvenir heureux de ce « Heyndricks, humain et dictateur en même temps », qui savait les traiter avec tant de respect, comme il savait leur mettre des pressions folles quand il s’agissait de mener des campagnes.

Oui, Mansour n’oubliera jamais cet as du marketing, qui a même réussi à commander une marque de chaussures en son nom, tellement la communication lui collait à la peau. Mansour apprend vite que son travail a de la valeur. Diplômé d’une licence, le voilà cadre dans cette ONG. Son salaire le mènera très vite à la folie des grandeurs. Il organisera un mariage en grandes pompes à Conakry en s’offrant les meilleurs artistes du pays. « Oui, Heyndricks m’avait poussé à me marier, à me responsabiliser. Mais je n’avais pas compris qu’il fallait que je fasse des économies ».

Deux évènements tristes surviennent dans la vie de Mansour. Un jour, le patron de leur ONG leur annonce que les financements sont épuisés. Le département marketing doit fermer. Heyndricks doit quitter le pays. Pour Mansour, c’est un premier deuil. Quelques jours plus tard, il perd son emploi dans cette ONG. Commence alors pour lui, une grande descente aux enfers.

Lui qui habitait un quartier huppé doit déménager pour la banlieue. Il doit vendre sa voiture que Heyndricks l’avait aidé à acheter. Il doit réduire sa ration alimentaire. Il doit composer avec le soleil harassant de Conakry, déposer des demandes d’emploi qui n’aboutissent jamais. Avec sa femme et sa fille, braver le quotidien devient un combat de tous les instants. «  J’ai vu rouge. Mon mentor s’en va, je perds mon emploi. J’ai failli perdre la foi aussi ». Heureusement, il est recruté par la fonction publique de son pays.

« Je gagne quatre fois moins que lorsque j’étais dans cette ONG, mais j’ai déjà ça » ajoute Mansour avant de relever que Heyndricks lui a donné envie de poursuivre ses études et d’aller loin dans le marketing et la communication. « Je vais tout faire pour obtenir mon master. Je vais économiser pour me payer ces études. Je veux être comme Heyndricks, diriger la communication d’une ONG ou d’une Organisation Internationale ». 

Mansour n’oublie jamais, malgré sa situation précaire aujourd’hui, il a réussi à venir à bout d’Ebola. Le Sida n’est plus un tabou en Guinée. En l’écoutant me parler, je me suis dit : «  Je me plaignais de n’avoir pas de chaussures, jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un qui n’a pas de pieds » Mansour m’a ouvert les yeux sur la vraie humanité. Mansour m’a permis de comprendre que quelques soient les difficultés, «le plaisir t’attend ».


Ma Guinée Plurielle, le marché du Niger (Chapitre 2)

Deuxième jet de ce périple à Conakry en Guinée. Ce marché qui porte le nom d’un autre pays.

Le chauffeur de taxi qui me dépose à la Corniche se veut formel : « Le taxi, c’est 7000 francs guinéens » Tout ceci tranche net avec l’attitude jusque là cordiale que j’ai perçu chez les commerçants de Conakry.

C’est combien le tarif officiel du taxi ? Seuls les initiés peuvent répondre à cette question. Le tarif obéit à une logique irrationnelle. C’est à la tête du client forcément. Hier soir, en nous rendant au Sheraton Hôtel à 40 minutes de notre base, nous avons déboursé 100.000 francs GNF (environ 6500 frs CFA, ou 10 Euros). Ce matin, pour une distance plus courte, logiquement, le tarif à diminué. A l’aller, le chauffeur m’a demandé 5000 frs GNF et au retour, son collègue a ajouté 2000frs de plus. La tête de l’étranger sans doute. C’est d’autant plus grave que j’ai continué une bonne partie du trajet à pied. Comme au Cameroun, lorsque le président se déplace, une partie de la route est bloquée.

Alpha Condé est au centre de conférence de l’hôtel Moon pour clôturer les 46emes Assises de la Presse Francophone. Le protocole est forcément strict, agité et nerveux. Alors je décide d’attendre au  » Restaurant Rouge Blanc  » de Kaloum. Manger dans une gargote peut paraître humiliant à Yaoundé, mais ici à Conakry, c’est un délice. Du pain à la viande pour 25 000 frs. Les drapeaux turcs et guinéens associés sur la carte.

Le propriétaire des lieux a séjourné en Turquie et veut appliquer ici les fastfood de la méditerranée. Je suis bien loin des sirènes d’Istanbul, mais je me laisse transporter, tout en piquant une colère légitime. Je me rends compte que le chauffeur de taxi ne m’a pas remboursé 3000frs quand je lui ai remis 10000frs, mais plutôt 2000frs déchirés et rafistoles de manière sauvage.

Quelques instants plus tôt, j’étais au « marché du Niger ».

Assistant de Yaoba

L’incontournable couturier Yaoba a son atelier en face d’un arbre perché au milieu du marché. C’est un Colonel de l’armée guinéenne qui m’a presque obligé à débourser 1 million de francs GNF pour commander deux boubous. Yaoba a réalisé l’exploit de me les faire en moins de 24h. Pourtant, ce guinéen de l’ethnie Soussou a le carnet de commande bien plein. A mon arrivée à 11h ce matin, son assistant était déjà en train de repasser. Les essais sont fructueux, les deux Boubous sont somptueux.

Yaoba le couturier

De l’autre côté de la route, Diallo vend des sacs et des valises. Je suis attiré par un sac de touristes, et Diallo est dur en affaires : «180 000 francs ou rien ». La discussion finit par un compromis autour de 150 000 frs GNF. J’enfile mes Boubous à l’intérieur du sac et je décide de visiter le marché. Je cherche un distributeur automatique de billets. Le marché regroupe pourtant plusieurs banques. Toutes ou presque ont la particularité de n’avoir pas de distributeurs ou d’en avoir qui ne peuvent pas distribuer au delà de 800 000 frs .

Le colonel me disait déjà hier : « Détrompe toi, malgré notre faible monnaie, tout le monde ne sait pas à quoi ressemble le million en Guinée ». Les Guinéens sont tellement fiers et dignes, qu’il est difficile de percevoir cette « pauvreté matérielle » dans leur joie de vivre. En poursuivant mon périple au marché du Niger, je tombe sur ces vendeuses de vivres en pleine rue. Des beignets, du pain, et plus curieux encore, du riz à la sauce noire qu’une dame ingurgite en plein 11h du matin.

Cela m’a rappelé les attitudes de nos commerçants de Yaoundé qui s’ envoient un bon couscous matinal en guise de petit et se bourrent tellement la panse au point de vous dire bonsoir de bonne foi en plein 9h du matin. Pourquoi ce marché de Conakry porte le nom d’un pays voisin ? Amusé par ma question, le colonel me raconte qu’une ligne ferroviaire du temps des colons traversait tout le pays à partir de ce marché. C’est après avoir cherché à comprendre cette insuffisante et plate explication que je saisis qu’il parlait du Niger le Fleuve, qui prend sa source ici en Guinée. C’est vrai que le marché donne des migraines. Je ne suis pas au Niger, mais bien en Guinée. Ma Guinée plurielle !


Ma Guinée plurielle: Chapitre 1-Conakry by night!

Un soir à Conakry, à la faveur des assises de la Presse Francophone. Chaleur et anecdotes au menu.20h 08 ce jeudi. Maison des jeunes de Ratoma. Le temps suspend son envol. La chaleur bat son plein. On étouffe dans ce bus loué pour nous transporter vers cette autre destination inconnue de Conakry. Pour oublier cet ennui insupportable et cet embouteillage interminable,  derrière moi, les occupants du bus racontent leurs expériences nationales.  Des débats ouverts sur les nationalités des uns et des autres. Evidemment,  les régionaux de l’étape,  les guinéens, sont fiers de nous brandir l’histoire assez particulière de cette Guinée qui a offert selon ses citoyens,  les couleurs jaune -rouge-vert à la plupart des pays africains. Sekou Touré est sur toutes les lèvres. L’homme qui défia le Général De Gaulle est perçu comme un héros,  dans une Guinée qui souffre néanmoins d’une monnaie sous-évaluée ,  pays dans lequel on est rapidement millionnaire en achetant simplement 10 pagnes. Oui, 10 pagnes coutent 1 500 000 frs guinéens, c’est à dire,  à peine 100 000 FCFA (150 Euros). C’est l’un des paradoxes de ce nationalisme exacerbé du pays qui nous accueille.

Assises de la Presse Francophone à Conakry 2017

Mais finalement nous arrivons dans la somptueuse résidence de Kerfalla Camara, à  Lambanyi. On nous le présente volontiers comme le premier employeur du secteur privée en Guinée,  de même que le président de la Ligue de football. Il est également président de Hafia Fc,  club mythique de football,  triple champion d’Afrique des clubs.  Notre hôte est également président du Groupe Guicopres et c’est à ce titre qu’il réussit à mobiliser dans sa résidence,  plus de 300 journalistes présents à Conakry pour les 46emes Assises de la Presse Francophone.

Diner-Concert à Conakry

L’hôte nous offre un diner-concert avec les sonorités locales. Du Kora pour commencer.  Empreinte nécessaire pour se plonger dans l’ex empire de Soundjata Keita. A côté de nous, la délégation des journalistes monégasques.  Je n’hésite pas à  leur demander pourquoi cet Etat souverain préfère avoir un club de football évoluant en France plutôt qu’une bonne équipe nationale.  «  C’est un petit pays » me rappellent-ils. Mais pourtant, 90% des habitants de Monaco refusent la double nationalité,  même pas française,  encore moins italienne.  Il existe des pays si fiers d’être eux-mêmes,  un peu comme ces guinéennes et guinéens que je perçois si téméraires, et si chauvins.

La musique est de plus en plus berçante et entrainante.  Il y a pourtant dans ce protocole exacerbé,  une joie de vivre transmissible. Les hôtesses ont le sourire. Il faut dire que c’est une sirène de la police nationale qui a dégagé la route pour nous conduire jusqu’ici.  Le propriétaire des lieux semble être proche du pouvoir.  Le portrait du président de la république traîne ici en Maître. Pendant ce temps,  un drone balaie les allées et reproduit les images  immortalisées sur un super écran géant,  comme adjectif unique de la soirée.  Il a fallu la chanson  » Malaika » de Miriam Makeba pour  apporter une touche nostalgique à la soirée.  Ce n’est pourtant pas un hasard si la feue diva Sud-africaine est invoquée ce soir. Miriam Makeba a bien connu la terre de Guinée. Et c’est là que je me suis   souvenu de toutes les paroles de mon frère et ami, Heyndricks, qui a longtemps séjourné  ici en Guinée : « Tu es dans un des rares pays africains  où un étranger peut être ministre. Un quartier de cette capitale s’appelle Cameroun et ce n’est pas une fantaisie ». Tiens, Cameroun ! Mes collègues Christelle Avom et Martine Noëlle Ndengue préparent un reportage au sujet de ce quartier nommé Cameroun en Guinée. Je frisonne déjà  de plaisir, car elles ont pu faire parler un des rares rescapés de l’époque où après la deuxième guerre mondiale, des lotissements avaient été construits pour des camerounais indépendantistes.

Délégation Camerounaise à Conakry

Le quartier porte depuis lors, le nom du pays des Lions Indomptables. Heyndricks avait ajouté que ce quartier abrite « le plus important cimetière de la ville, où sont enterrés plusieurs Upucistes. Moumié (militant de l’UPC-Union des Populations du Cameroun, et quelques-uns de ses compères ont vécu ici ». Bref, Heyndricks veut me démontrer que la Guinée est la vraie terre du panafricanisme : « Thabo Mbeki et Nelson Mandela y ont reçu leur formation militaire, au camp de Kindia. Myriam Makeba et Stockeley Carmichael y ont vécu en exil. Leur maison existe encore ». Clairement, se promener à Conakry est un véritable pèlerinage. Mais le temps est si court, d’autant plus que nous sommes venus ici pour les assises de la Presse Francophone. Le président de la section camerounaise, Aimé Robert Bihina, est accompagné d’Evelyne Owono Essomba, Julienne Mvogo, Christophe Bobokiono, Yvonne Eloundou, Rosalie Mbele Atangana et Sidonie Pongmoni entre-autres. La forte présence de ces professionnels de la plume, du micro,  et de l’écran du Cameroun à ces assises, n’a d’égal que leur assiduité dans la plupart des ateliers et des tables rondes. Une fierté pour le président national qui, le temps d’un séminaire, porte de manière emblématique, l’onction sacrée de plénipotentiaire d’une presse locale, saluée et adulée à l’international, alors qu’il y a quelques temps encore, certains confrères au pays n’ont pas apporté à la profession, une odeur de sainteté. Mais ça, c’est une autre affaire. Ce soir, fait rare, les journalistes sont aussi à la fête, dans la nuit chaude de Conakry.