Léonora Miano, la plume que j’ignorais
J’ai honte de le dire, car je ne te connaissais pas avant ce 6 novembre 2013 où au pays, au lieu de fêter ton 7ème roman, on a passé la moitié du journal parlé à évoquer les 31 ans de pouvoir de qui tu sais. Je ne te connaissais pas avant ce 1er septembre 2013, jour où j’ai entendu ton nom pour la première fois. Et c’était par qui ? Ignace Atou Eloundou, un étudiant de lettres modernes françaises de nos universités d’Etat qui disait avoir lu un de tes romans. Je l’avais intrigué , car effectivement, je pensais qu’il bluffait. Il m’avait parlé de « L’intérieur de la nuit ». Un roman qui avait pourtant reçu 6 prix littéraires. Ignorance, quand tu nous tiens !
Aie, quelle claque ! Ton prix est une vraie claque pour moi. Mais ne m’en veux pas Léonora. Je te connais aussi mal que l’histoire de la Traite négrière que tu décris dans ton roman « La saison de l’ombre ».
Il a fallu que je me rende à Ouidah en 2009, pour découvrir en compagnie de la famille Jah, la porte du non-retour des esclaves. Ce jour-là, j’ai pleuré, car je me suis demandé si un jour, les générations futures prendront conscience de ce que la traite a coûté à ce continent. L’an dernier, c’est en compagnie du prince Kum’a Ndumbe III, d’Hélène Faussart du groupe Les Nubians, que j’ai rencontré Lisa Aubry, cette chercheuse afro-américaine qui a découvert ses racines camerounaises, et qui a permis de retrouver aussi le site de Bimbia, comme étant un épicentre de l’esclavage en Afrique.
Oui, Léonora, je ne peux que m’incliner devant le courage de ta thématique, car pour faire un roman historique comme le tien, la part de créativité est grande. Oui, Léonora, ce 6 novembre 2013, tu reçois le prestigieux prix littéraire Fémina. Comme un symbole, il est intervient l’année de tes 40 ans. La communauté Mulongo que tu évoques dans ton livre ressemble étrangement à ces patronymes du peuple sawa, des Batanga, et d’autres peuples de la côte du golfe de Guinée. C’est que, dans ce roman, je crois savoir que tu parles de cette Afrique magique, magnifique, mystique et lunatique. Le journal Libération du 10 octobre 2013, précise d’ailleurs que « Parler d’Avant l’Histoire. Depuis l’assourdissant silence qui précède son écriture par le monde occidental ».
Ma chère Léonora, ton écriture osée, intrépide, téméraire, sait nous apporter cette part de fierté que seuls les sportifs, artistes et romanciers, savez nous procurer à nous, foules de profiteurs fanatiques, chauvins et récupérateurs d’un succès auquel nous n’avons nullement contribué.
Ce même 10 octobre, le journal l’Humanité ajoute que « En Afrique, la voix des disparus résonne encore ». Oui, les morts ne sont pas morts, et les ancêtres ont adoubé ta plume qui devient sacrée.
Tu as sans doute le mérite aussi de savoir toi-même décrire ta plume en ces termes : « Le projet était initialement de répondre à une question précise: comment peut-on raconter ce qui n’est jamais raconté en Afrique subsaharienne aujourd’hui. Comment parler d’un événement, en l’occurrence la traite négrière, qui n’est pas transmis. Le meilleur moyen c’était de m’intéresser au vécu des personnes ».
Tu y as répondu je crois, car une femme qui s’attaque de front à l’histoire galvaudée de son peuple, c’est la femme du peuple. Je retiens donc ton nom : Léonora Miano. Je retiens que le 4 novembre 2013, tu as remporté Le Grand Prix du roman métis attribué dans la ville de Saint-Denis de la Réunion et que le 6 novembre 2013, Le prix Femina 2013 a été attribué à une…Camerounaise…
A suivre sur https://www.leonoramiano.com
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