L’école sous le hangar
Ce que vous voyez n’est pas une hutte, une case de repos au village, mais bel et bien une salle de classe en 2014 au Cameroun. A qui doit-on cet exotisme ?
À dame pauvreté qui a visiblement décidé de s’installer ici à Ngoumlaye. Nous sommes à 1 h 30 de route de Maroua, chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, dans l’arrondissement de Moulvoudaye, département du Mayo Kani. Le spectacle est d’autant plus pathétique qu’insolite, qu’il faut lui ajouter la saveur harassante d’un soleil oppressant. Même les pailles si finement entrelacées ne réussissent pas à bloquer sa température qui marque tout net 33 °C à l’ombre. S’il pleut ici, c’est la débandade.
C’est qu’ici, au-delà du spectre des artisans de la secte islamiste Boko Haram, de l’épidémie de choléra qui se réveille en ces lieux, il faut encore fouler du pied la dure réalité d’un système éducatif basique qui affiche toutes ses limites infrastructurelles. On a donc vite fait le tour, côté cour et côté jardin et on s’efforce de retenir ses larmes à la vue de ces enfants, 300 élèves, entassés dans deux hangars. Des espaces où seuls les tables bancs, les ardoises et ce qui sert de tableau, donnent le signe qu’il y a une école par ici.
L’école sous l’arbre pourrait renaître de ses cendres ici, mais il s’agit bel et bien d’une école publique avec un directeur intérimaire soit, mais directeur quand même. Ce dernier est obligé de composer avec quatre enseignants, dont le qualificatif épouse bien l’ère du temps au Cameroun : « On parle beaucoup des « maîtres des parents », entendez ces enseignants vacataires salariés par les efforts des parents. Ceux-ci perçoivent ici entre 8 000frs et 10 000frs C fa mensue . C’est déjà cela, le salaire à la mesure d’une école qu’il faut sauver à tout prix, même au prix d’un exploit tonitruant, celui de jumeler la SIL et le CP, le CE1 et le CE2, et enfin le CM1 et CM2.
Cela s’appelle, faire en trois classes, un cycle primaire complet. Pal mal, car les plus jeunes ici entrent dans cette galaxie scolaire à l’âge de 6 ans. Il y a donc de quoi rattraper le retard cumulé et sortir quand on peut, de ce système scolaire, avec un diplôme à peu équivalent au niveau élémentaire. Dans cette crise, chacun ici lorgne du côté de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’Enfance), afin que le projet de construction de salles de classe dans cette région du pays, passe aussi par cette école « Une honte, quand on sait que plusieurs élites gouvernementales sont de cette région » remarque une journaliste, spectatrice de ce choc institutionnel et émotionnel.
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