Lendemains d’une soutenance ratée.
Ouf ! Mon pays le Cameroun et ses réalités compliquées. J’ai donc soutenu mon master ce 21 Mars 2014 dans la douleur. Ce fut un grand jour médiocre. Médiocre par la violence des propos du jury, médiocre par l’ambiance qu’ils ont pourrie, médiocre car ils ont encore prouvé que dans notre pays, ce qui compte, ce n’est pas la qualité d’un travail, mais sa reconnaissance par un jury dit d’experts. J’ai surtout eu mal pour mon Directeur de Mémoire, mis en minorité par un examinateur et un Président du Jury, décidés à en découdre avec lui. Quel était donc le problème ?
Mon Directeur a fait ses études à Paris 12, et est Chargé de Cours à l’Université de Douala, en même temps qu’il occupe des hautes fonctions au Ministère de la Décentralisation. Ces hautes fonctions ont visiblement courroucé le jury composé « d’académiciens ». « Vous auriez dû avoir un Superviseur qui n’aurait pas laissé passer ces erreurs » m’a lancé mon examinateur, qui a passé le temps à s’appuyer sur des détails justement non académiques, allant même jusqu’à questionner mes dédicaces, et allant aussi demander que signifie un diplôme universitaire de Second Cycle. Là je suis tombé des nues. Peut-on arriver à ce niveau et ne pas savoir que d’une université à une autre, les termes peuvent changer ? BAC + 4 ne veut pas forcément dire maîtrise, et cela, mon examinateur ne le savait pas. Plus grave, lorsque le président du jury estime que Emmanuel MVE ELEMVA, ancien capitaine des lions indomptables et auteur du Livre Blanc du Football Camerounais, n’aurait pas dû être cité dans ma bibliographie, alors il y’avait comme un complexe à penser que seuls les « académiciens » peuvent publier des ouvrages, y compris dans les domaines d’expertise qui ne sont pas les leurs comme le football.
J’ai vécu un enfer dans cette soutenance. Ma salle étant garnie de personnes populaires (artistes, ministres, maires, journalistes), le jury s’est délecté à vouloir m’humilier devant elles. Me rappelant avec répétition que ma bibliographie est apparue avant l’introduction, que mon travail était plein de légèreté, et que j’aurais dû avoir un Superviseur. De fait, dans leur entendement, un Superviseur devrait avoir le grade de Maître de Conférences, et seul lui est habilité à apprécier le travail final d’un étudiant.
C’était la première fois que je soutenais dans une institution universitaire au Cameroun. Deux écoles s’opposaient donc : d’une part, mon Directeur de Mémoire et moi, diplômés des universités françaises, et nos deux « académiciens », diplômés des universités camerounaises, et visiblement complexés. Je ne vous parlerai pas du contenu de mon mémoire (le fonds), car ils ne l’ont pas abordé. Ils ont simplement dit que c’était « un travail fourni et fouillé, bien documenté » et que le candidat ( moi) faisait preuve de maîtrise du sujet, à savoir, le développement du sport par la décentralisation, le cas du football camerounais. Non, ils n’ont pas abordé la question. Non, ils ne m’ont pas laissé répondre à l’unique question de fonds qui m’a été posée. Au contraire, dans un propos violent, le président m’a dit : « Si vous n’avez rien à dire, taisez-vous ! ».
Je me tusse. Je les laissai se délecter en insultes, propos d’une extrême violence qui n’avaient pour but de que de démontrer que c’étaient eux les patrons et que le sacro saint principe du jury, on ne badine pas avec au Cameroun. « Pourquoi tu n’es pas allé les voir avant ? » m’a demandé mon délégué de filière, convaincu que ces deux « académiciens » avaient besoin d’une petite « allégeance » de ma part avant que je ne passe devant eux. Mais encore une fois, j’ai compris que l’apprentissage est difficile. J’ai compris qu’aucune logique n’est vérifiable dans nos jurys de soutenance. J’ai enfin compris l’intégrité ne passe plus, même dans le langage des « académiciens ». « J’ai insisté pour qu’ils vous attribuent la note de 16 », me confiera mon encadreur à l’issue du verdict. Mais, les délibérations qui ont duré un temps record de 47 minutes, n’ont accouché que d’un 14,5 assorti d’une injonction de refaire la mise en page du mémoire avant de le déposer à la bibliothèque. Quel beau sketch ! Dans un pays où la note est reine, évidemment, mon public était déçu, mes camarades en premier. J’étais le cobaye de la filière et sans doute, je leur ai ouvert un boulevard d’erreurs à ne pas commettre. Mais au-delà de la note, comment expliquer qu’une salle de soutenance soit devenue le terrain de règlements de comptes entre deux professeurs permanents contre un professeur associé ? « Ne tenez pas compte de tout cela » ajoutera mon encadreur avant de poursuivre : « Je regrette l’absence du Docteur Elono qui était initialement prévu pour cette soutenance. Lui au moins maîtrise les questions de sports, et je suis certain qu’avec lui, on aurait eu un bel échange scientifique ».
Je vais vous surprendre, mais au finish, je suis content. J’ai bouclé avec le master, j’en ai fini avec cette école, même si bizarrement, le président du jury est venu me souffler après : « Vous pouvez poursuivre en thèse ici ». Non merci ! Je ne poursuivrai pas en thèse dans votre « académie », cher Prof. Vaut mieux que je retourne en France, là-bas au moins, le cursus ne tient pas compte des réalités empreintes de bassesse et de mesquinerie. Là bas au moins, c’est le fonds qui compte et non des erreurs de frappe ou des coquilles qui peuvent se corriger et se réimprimer après une soutenance. Tout compte fait, c’est fini. Une autre étape de ma vie se dessine, celle d’un lendemain de soutenance sans gloire. L’humilité passe aussi par là.
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