Quelques camerounismes
Ekiéé ! (Exclamation de surprise). Cela se dit même dans les conseils ministériels du pays qu’on appelle le Cameroun. Là-bas, le français a ses codes, un mélange de pidgin english, de langues vernaculaires et même de camfranglais, ce nouveau langage qui vous perd si vous n’êtes pas initié. Mais les camerounismes vont bien au-delà de simples néologismes. Tenez :
Une dame converse avec une autre passagère dans un taxi à Yaoundé. Elle se plaint de maux d’estomac. Mais pour saisir la conversation, il faut vraiment être initié quoi.
– Ma sœur je te dis, j’ai l’estomac. S’exclame la malade.
– Wèèèèèèèèèèèèè (Exclamation de dépit) rétorque l’autre. Tu as fait comment pour avoir l’estomac ?
– Je ne sais pas. J’avais d’abord le sciatique, maintenant c’est l’estomac. Je vais faire sauf que comment ?
– Tu ne vois pas que tu dois aller à l’hôpital ?
– J’étais là-bas non ?
– Et on t’a dit quoi ?
– On m’a dit que c’est parce que j’étais grosse.
– Mais moi-même j’ai été grosse, pourquoi je n’ai pas eu l’estomac et le sciatique ?
– Aka (Exclamation de rejet). Je ne sais pas oh. Tu as ton corps, j’ai mon corps.
– Mais tu as quand même pris des médicaments ?
– Sans prendre ? Hum, sinon c’est seulement mon cadavre que tu allais voir maintenant.
– Va alors voir la femme de mon quartier qui fait les produits là.
– Quelle femme ?
– La femme-là qui fait l’indigène. Ses produits soignent jusqu’à.
– Il y’a pas faute, je vais sauf que partir.
Vous avez compris quelque chose ?
Essayons donc de transcrire :
– Ma sœur je te dis, j’ai mal à l’estomac, s’exclame la malade.
– Dis donc ! rétorque l’autre. Comment est-ce possible ?
– Je l’ignore. J’avais tout d’abord des douleurs au niveau du nerf sciatique maintenant c’est l’estomac. Je n’y peux rien.
– Tu ne vois pas que tu dois aller à l’hôpital ?
– J’y étais effectivement.
– Et on t’a dit quoi ?
– On m’a dit que c’est le résultat de ma grossesse.
– Mais moi-même j’ai été enceinte, je n’ai pourtant pas eu ces maux.
– Laisse tomber ! Je n’en sais rien. A chacun son organisme.
– Mais tu as quand même pris des médicaments ?
– Bien sûr que si ! Sinon je serais morte aujourd’hui.
– Je te suggère la dame de mon quartier qui fait la médecine traditionnelle.
– Quelle femme ?
– La femme-là qui soigne à l’indigène. Ses produits sont très efficaces.
– Sans faute ! J’y vais de ce pas.
Vive la langue française ! Vive le Cameroun !
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