Parce que le dessin peigne les mauvais desseins

Article : Parce que le dessin peigne les mauvais desseins
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8 janvier 2015

Parce que le dessin peigne les mauvais desseins

« Ce message de liberté, nous continuerons de le défendre en leur nom » dit le président François Hollande dans son allocution de ce 7 janvier de triste mémoire. C’est un jour de Noël, le Noël des églises chrétiennes d’Orient, une fête religieuse obscurcie par un acte pseudo-religieux. La rédaction de Charlie Hebdo décimée de ses génies.

Se joindre à l’émotion collective de la France est un devoir en tant que journaliste. La liberté de la presse est de plus en plus malmenée dans le monde, alors oui, « ce sont aujourd’hui nos héros », pour reprendre l’expression du président français. Je ne suis pas Charlie peut-être, car je n’ai jamais lu cet hebdo, et je n’ai jamais su dessiner à vrai dire. Mais au moins un jour, j’ai lu les œuvres de quelques illustrateurs, caricaturistes et autres dessinateurs de presse. Que serait le marathon des expressions illustrées de Marnie, l’illustratrice que Mondoblog est si fier d’avoir. Que serait la liberté de presse à Abidjan, sans l’humeur nègre de Babeth, elle aussi caricaturiste ?

Alors, qu’on ne nous fasse pas croire que ces gens ont juste payé le prix du terrorisme ou du fondamentalisme. Ils ont payé le prix de ce que nous faisons chaque jour dans nos journaux, télés, radios, blogs, et rédactions web. Je ne suis pas Charlie, car dans mon pays, on s’en fout de Charlie, les autorités du moins. Dans mon pays, ce sont elles, les Charlie . Elles montent au créneau chaque fois que le pays est mal positionné dans un classement international, ou lorsque la presse étrangère ose s’attaquer aux problèmes de fond du pays. Que dire des journalistes qui sont censurés par leurs rédactions, elles-mêmes craignant la répression toujours plus accrue d’un Conseil national de la communication battant les records de suspension de journalistes. Plus grave, l’autocensure de certains journalistes, à la solde du pouvoir et de certains ministres, refusant l’information et privilégiant l’intox. Parfois, j’ai honte de cette presse. Non ! Chez nous, on n’est pas des Charlie. La presse se musèle, car elle a plus peur de la liberté que de ses bourreaux.  Triste pays, ici, ceux qui tirent sur Charlie, c’est le système qui broie toute velléité de dire les choses, de désacraliser les hommes, les institutions, le système. Or, la force de Charlie Hebdo, c’était la désacralisation, l’anticonformisme, l’impertinence. Mettez en avant ces piliers dans mon pays, et vous voilà « guillotiné » par des gens zélés qui vous diront que vous n’êtes pas « un patriote ». La violence d’Etat ou la violence d’une religion, c’est du pareil au même. Les totalitarismes et les fondamentalismes puisent tous à la même source : la terreur.

Alors, oui, nous sommes en#‎solidarité ‪#‎NousSommesCharlie. Nous sommes tous Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, ces quatre dessinateurs qui avaient pour seul but d’informer en amusant. « On veut faire rire, mais on nous menace de mort », déclarait Cabu dans une touche d’humour dont lui seul avait le secret. Mais la mort est bel et bien arrivée, et comme un signe prémonitoire, le dernier dessin de  Charb (Stéphane Charbonnier) parle de lui-même :

Dessin de Charb

Le pire arriva donc cette matinée du 7 janvier 2015. Les images montrent des individus qui prétendent venger le prophète Mahomet. Mais délire ! Mahomet ne leur a rien demandé. Il n’a surtout pas demandé de tuer, car quand Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamiste) et tue au Mali, il y a des musulmans parmi les victimes. Quand Boko Haram pille et massacre à l’extrême nord du Cameroun, plusieurs musulmans et musulmanes perdent la vie. Quand Daech assassine en Irak, les victimes sont avant tout musulmanes.Alors, oui,quand on tue prétendument au nom d’une religion, le dessin de Charlie peut calmer le dessein malveillant de l’intolérance, de la guerre et de la violence. J’ai beaucoup d’amis musulmans, les stigmatiser aujourd’hui est un tort, mais comme dans toutes les religions, le fondamentalisme et l’intégrisme sont inacceptables. Toutes les organisations cultuelles ont des choses à se reprocher, et toutes accouchent malheureusement de ces « fous de Dieu » qui ont oublié que ce Dieu-là habite chez le « prochain ». La seule religion au monde, c’est celle qui met l’homme au centre des préoccupations, et cette religion a désormais un nom : Charlie.

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