Amnesty International dénonce les bavures des forces de sécurité camerounaises

Article : Amnesty International dénonce les bavures des forces de sécurité camerounaises
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17 septembre 2015

Amnesty International dénonce les bavures des forces de sécurité camerounaises

Le timing et l’opportunité de ce nouveau rapport de l’ONG Amnesty International peuvent laisser interrogateur. Trois jours après de nouveaux attentats suicides à l’Extrême-Nord du Cameroun, le même jour que le limogeage de deux officiers de l’armée camerounaise par le Chef de l’Etat Paul Biya, et le même jour que se tient à Yaoundé, un séminaire de formation sur l’avènement des points focaux « Droits de l’Homme » dans les brigades de gendarmerie au Cameroun.

Publication du Rapport de Amnesty International. Crédits Photos-Amnesty International.
Publication du Rapport de Amnesty International. Crédits Photos-Amnesty International.

Ce 16 septembre 2015, l’histoire retiendra que pendant que l’opinion publique camerounaise scande par chansons et par motions interposées qu’elle est et soutient l’armée camerounaise, voilà que cette armée est épinglée par Amnesty International dans son rapport rendu public à l’hôtel La Falaise de Yaoundé. Le document de 80 pages intitulé « Cameroun. Les droits humains en ligne de mire. La lutte contre Boko Haram et ses conséquences » met d’abord en lumière, les exactions commises par la secte islamiste avant d’attirer l’attention sur les abus et les bavures des forces de sécurité camerounaises.

Yaoundé, Hôtel La Falaise, 16 Septembre 2015. Crédits Photos-Amnesty International
Yaoundé, Hôtel La Falaise, 16 Septembre 2015. Crédits Photos-Amnesty International

Si «  Boko Haram a massacré près de 400 civils dans le nord du Cameroun, les forces de sécurité, par une réaction brutale et des conditions de détention inhumaines, ont provoqué des dizaines d’autres morts », d’après Amnesty International. Un constat suffisant pour choquer les journalistes camerounais présents dans la salle et qui ont accablé de questions les deux orateurs du jour, à savoir, Alioune Tine, Directeur régional Afrique de l’Ouest et du Centre et Ilaria Allegrozzi, Chercheur Afrique Centrale qui a interrogé plusieurs acteurs et témoins dans la perspective de la rédaction de ce rapport. A la question de savoir si Amnesty International met sur la même balance, des défenseurs de la nation (les forces de sécurité) avec des «  barbares » et des « bandits », Ilaria Allegrozzi répond « non » , mais ajoute que « ce rapport documente des violations des droits de l’homme et des crimes relevant du droit international commis par Boko Haram, mais nous avons aussi documenté la violation de ces mêmes droits perpétrés par les forces de sécurité camerounaises ». Tout en reconnaissant que ces forces ont joué un rôle fondamental dans la protection des civils au Nord du Cameroun, Ilaria Allegrozzi affirme que « lors de certaines opérations de sécurité, ces forces ont commis des bavures et des violations contre des populations qu’elles étaient supposées protéger ». Pour Amnesty International, l’une des recommandations imminentes au gouvernement camerounais est d’ouvrir une enquête impartiale et indépendante sur ces allégations. Le rapport met en avant des cas de disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des destructions de biens pour étayer ces allégations. Des images satellites sont mêmes montrées dans le rapport pour signifier l’ampleur des bavures des forces de sécurité camerounaises. « Tout cela c’est de la manipulation », crie alors un fonctionnaire du ministère de la justice présent dans la salle et visiblement courroucé par les conclusions de l’OING. Ledit fonctionnaire dit posséder des rapports contradictoires élaborés par les structures camerounaises. Mais quand certains journalistes lui demanderont pourquoi le Cameroun est toujours dans la réaction et jamais dans l’anticipation. Pourquoi attendre la conférence de presse d’Amnesty International pour déplorer sa méthode ? Des questions sans réponse qui font dire à Amnesty International que la rédaction de ce rapport a été soumise à la confrontation des autorités camerounaises, mais plusieurs de ces requêtes n’ont pas obtenu de réponses.

Entretien avec Ilaria Allegrozzi. Crédits Photo-Amnesty International.
Entretien avec Ilaria Allegrozzi. Crédits Photo-Amnesty International.

Pour finir, notre question à Ilaria fut la suivante : « Dans un contexte aussi sensible, où les forces de sécurité camerounaises sont perçues par l’opinion publique camerounaise comme des héros qui protègent la Nation, est-ce qu’un tel rapport ne va pas être un peu fâcheux ? ». Elle répondra en ces termes :

« Notre rapport ne vise pas à démoraliser les forces de sécurité camerounaises. Notre rapport ne met pas sur le même pied d’égalité, les forces camerounaises et Boko Haram. Notre rapport ne fait pas l’analogie entre Boko Haram et les forces de sécurité. Notre rapport documente des crimes qui ont été perpétrés dans le cadre d’un conflit non armé international. Ce rapport vise à dénoncer certaines bavures et à encourager les autorités à faire la lumière sur certains faits ». Amnesty International ajoute qu’un dialogue franc a été ouvert avec les autorités camerounaises, dont la réaction à ce rapport est encore attendue.

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