Zones de turbulence à Barcelone.

Article : Zones de turbulence à Barcelone.
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25 novembre 2016

Zones de turbulence à Barcelone.

Aimé Nteppe est parti du Cameroun il y a plus de 12 ans. Aujourd’hui, cet ami de longue date est devenu catalan. Il parle son Duala maternel, mais aussi le français, l’anglais, l’allemand, le castillan, et bien entendu, le catalan. Ayant appris que je séjournais en Europe en ce moment, il m’envoie un billet d’avion dans mon adresse électronique, se charge même de l’enregistrement en ligne, et me dit : « Rends toi à l’aéroport d’Orly demain et prends le vol de Transavia pour Barcelone ».

Aimé NTEPPE
Aimé NTEPPE

Transavia est une compagnie low cost d’Air France KLM. C’est vrai que ça faisait bizarre dans l’avion de devoir payer pour la collation, la preuve que c’est un vol particulier dans lequel la plupart des passagers avaient uniquement des bagages en main comme moi. Mais le vol pour Barcelone va s’avérer compliqué pour mon cœur si fragile. D’émotions en émotions, entre ma voisine catalane qui répétait les devoirs de sa fille à côté de moi, l’équipage français qui nous racontait que le vol serait retardé à cause des orages à Barcelone, il fallait encore subir les secousses des zones de turbulence. Jamais un voyage n’avait était aussi stressant. Le pilote a dû éviter les nuages rebelles pendant tout le trajet qu’il nous avoue avoir même modifié. Je pense à Aimé qui m’attend à l’aéroport. Heureusement que je lui avais déjà envoyé une photo au moment de l’embarquement. Je l’imagine néanmoins impatient, car il souhaitait que nous regardions ensemble le match de Barcelone. Oui, l’équipe de foot locale est considérée par les catalans comme leur équipe « nationale ».

Nous sommes enfin arrivés sur la piste mouillée de l’aéroport de Barcelone. Le cœur soulagé, j’ai hâte de sortir et d’oublier ces moments douloureux où l’appareil menaçait même de tomber sur la mer méditerranée qui entoure Barcelone. Cela m’a rappelé le vol Yaoundé-Istanbul effectué quelques jours plus tôt. Oui, j’avoue, la mer me fait flipper quand je suis en l’air. Et du coup, j’ai pensé aux lionnes indomptables, et la Coupe d’Afrique des Nations Féminine qui se déroule en ce moment au pays. Pourquoi ai-je quitté l’ambiance électrique du stade Omnisports de Yaoundé pour me retrouver ici ? Une question qui me taraude l’esprit alors que j’ai hâte qu’on atterrisse.

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Enfin nous sommes à Barcelone. Aimé NTEPPE m’accueille avec la « Sangria », cette boisson bien espagnole surnommée le Saint Graal. Un toast inoubliable devant une hôtesse de l’air russe, amusée par ces deux noirs qui sont contents de se retrouver en Catalogne. Commence alors la visite guidée « Barcelona by night ». Il y’a le match de football qui est en cours, mais Aimé me conduit dans sa belle Audi noire. Il me parle de toutes les places célèbres de Barcelone et est surpris de mon ignorance. « Tout ce que je sais de Barcelone c’est le club de Football », lui dis-je avec une honte camouflée. Souriant, il me rappelle que Barcelone c’est aussi son club de Basketball, mais aussi la région la plus riche d’Espagne, qui revendique fièrement son indépendance avec raison : « Ils ont la mer, la montagne, le soleil et les plages dans une seule région.

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C’est une terre bénie, la Catalogne, et précisément, la Costa Brava » dira-t-il en appuyant sur l’accélérateur. C’est vrai que 24° en Automne, c’est plutôt rare. Ici à Barcelone, selon les termes d’Aimé, « la vie est paisible, la société est accueillante, et c’est le paradis des jeunes européens en Eté ».  Mais, cette région très nationaliste, se démarque surtout par ces drapeaux catalans et non espagnols qui sont brandis sur toutes les terrasses ou presque.

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Aimé semble être comme un poisson dans l’eau ici.  Il me conduit deux heures plus tard vers son domicile, perché sur les hauteurs de la Catalogne, le lieu s’appelle Montjuic, dont la légende raconte même la défaite de Napoléon qui aurait cherché à conquérir cette ville.

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Mais là où Napoléon a échoué, un Camerounais se hisse très haut dans un appartement avec terrasse et une piscine qui semble mettre tous les sceptiques d’accords sur la qualification de « paradis » de ce bout de terre. Et pourtant, malgré cette intégration catalane, Aimé est un camerounais dans l’âme. Il me sert du Ndolè (épinards du Cameroun) avec les miondos (bâtons de manioc), pour marquer son attachement au pays.

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 Sa voiture distille les chansons de Toto Guillaume, Tom Yom’s (son feu  oncle),  Eboa Lottin, et surtout Richard Bona, dont il reprend les refrains comme s’il faisait partie de son orchestre. « Aimé, tu devrais chanter, lui dis-je ». Il répond : « Je sais que je peux chanter ». Demandez-lui de vous chanter « New Bell » de Richard BONA, et il vous la fera de manière impeccable.

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Parlant de Richard BONA, ma rencontre avec lui à l’aéroport de Paris Charles de Gaulle m’a permis de cerner un homme qui aime profondément son pays d’origine, le Cameroun, malgré le fait qu’il porte d’autres nationalités. Richard BONA est un camerounais vivant. Aimé est pareil, refusant même de prendre un passeport européen, car «  je suis camerounais à vie », dira-t-il pour conclure. Lorsque je lui parle de la CAN et des lionnes indomptables, Aimé se rend compte qu’il lui faut rapidement acheter une parabole pour capter les chaînes africaines. « Cameroun O Mulema », traduisez, Cameroun dans le cœur, dira-t-il en langue Duala, une langue que même la Catalogne ne lui fera jamais oublier. L’écouter parler m’a fait oublier les secousses de l’avion et mon séjour à Barcelone sera toujours comme la réponse patriotique à notre beau pays le Cameroun…Comme les lionnes indomptables.

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