Et si c’étaient des femmes ?

Article : Et si c’étaient des femmes ?
Crédit:
5 février 2016

Et si c’étaient des femmes ?

Ils sont quatre agents de santé communautaires dans l’aire de santé de Guérémé, dont deux pour le centre de santé intégré de Torock, petite localité située à 12km de Kaélé, dans la région de l’Extrême-Nord. Quatre agents de santé, tous des hommes.

Ndikwa Welba ASC de Torock
Ndikwa Welba ASC de Torock

Ndikwa Welba est un agent de santé communautaire de Torock. Il est en train de sensibiliser une famille à la nécessité de lutter contre la malnutrition des enfants. Il effectue d’ailleurs le geste du périmètre branchial sur le jeune enfant de la famille qui est logée dans un Saré (maison sahélienne), pas loin du centre intégré qui lui, est étrangement vide, à part la présence de Taiwe Jean Baptiste, le Chef de centre, et son aide-soignant, Tinda Pierre.

Périmètre Branchial

Les chiffres qu’ils nous révèlent ici sont alarmants « Parfois zéro visite prénatale par mois, et très souvent, zéro accouchement au sein de notre formation sanitaire », nous dit Tinda Pierre avec amertume. Les habitudes ont la peau dure dans la localité, car fréquenter une formation hospitalière n’est pas du goût de tout le monde, surtout que les accoucheuses traditionnelles ont encore du succès par ici. « Les hommes préfèrent que ce soit les femmes qui s’occupent de leurs femmes. Ils optent donc tous ou presque encore pour l’accouchement à domicile », déplore Tinda Pierre. Pourtant, chose curieuse, lorsque les grossesses et les accouchements se compliquent, ces mêmes hommes accourent dans le centre de santé. C’est le cas d’un habitant de Guérémé, qui a transporté sa femme d’urgence la veille, parce que l’accoucheuse traditionnelle ne réussissait pas à faire sortir le bébé. C’est autour de minuit que l’enfant a été délivré par voie de césarienne, au centre de santé de Guérémé. Un centre qui bénéficie des équipements du projet H4+, notamment des lits, des tables d’accouchement, des outils divers offerts par l’UNICEF.

Causerie sur la Nutrition dans un Saré
Causerie éducative dans un Saré

Toutes choses que l’agent de santé Ndikwa Welba explique aux populations du village. « Emmenez vos femmes à l’hôpital ! », martèle-t-il aux hommes de Torock, mais ceux-ci ont pour argument qu’il faudrait des femmes infirmières et des femmes agents de santé communautaire pour qu’ils soient moins réticents. « C’est vrai que nos cultures n’acceptent pas aisément qu’un homme consulte ou ausculte la femme d’autrui. Mais grâce à nos descentes sur le terrain, beaucoup commencent à comprendre » ajoute Ndikwa Welba. Mais si beaucoup commencent à comprendre, pourquoi le centre médical intégré est si peu fréquenté ? La réponse se trouve peut-être dans l’indice de pauvreté qui est très élevé ici. La région de l’Extrême-Nord compte en effet 80% de taux de pauvreté, ce qui n’aide pas les populations à débourser 500frs pour une consultation. Il reste aussi que la demande en sages-femmes est éloquente dans la mesure où le ratio régional est d’un infirmier pour 7700 habitants, alors que la moyenne nationale est d’un infirmier pour 1023 habitants.

Centre Médical de Guérémé
Centre Médical de Guérémé

Toutes choses qui font dire à Ndikwa Welba que «  si on peut recruter une à deux femmes agents de santé communautaires, et des infirmières à Guérémé et à Torock dans ce projet H4+, je suis certain que les indicateurs vont un peu plus s’améliorer. Les hommes n’auront plus de raison de bloquer leurs épouses à la maison. Le cas d’hier soir à Guérémé est suffisamment clair pour que les hommes comprennent que les accouchements à domicile sont dangereux ». En effet, l’UNFPA appuie le projet H4+ à travers la formation des sages-femmes et l’appui des personnels médicaux à la prise en charge des complications des grossesses. Nul doute que cet aspect viendra changer les choses à Torock et à Guérémé.

Étiquettes
Partagez

Commentaires