Comment le harcèlement freine les jeunes

Article : Comment le harcèlement freine les jeunes
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12 août 2016

Comment le harcèlement freine les jeunes

On aurait pu parler de sports, des jeux olympiques ou simplement du phénomène « Pokémon Go » qui fait rage dans le monde, ou encore des Journées Mondiales de la Jeunesse récemment tenues en Pologne, pour évoquer cette Journée Internationale de la jeunesse 2016, mais c’est plutôt un phénomène alarmant qui a retenu l’attention de l’UNICEF : le harcèlement.

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Plus de neuf sur 10 jeunes affirment que le harcèlement est un problème omniprésent dans leurs communautés, et les deux tiers disent avoir été victimes d’intimidation de première main. C’est un nouveau sondage réalisé par l’UNICEF qui le révèle à l’occasion de la Journée Internationale de la Jeunesse 2016.

Le sondage a été réalisé par U-Report, un outil de plus en plus rapide de l’engagement des jeunes qui fournit une plate-forme pour plus de 2 millions de jeunes «U-Reporters » de plus de 20 pays. Dans le cadre du sondage, des jeunes ont été invités par SMS, Facebook et Twitter à répondre à une série de questions relatives à l’impact de l’intimidation dans leur communauté, leurs propres expériences personnelles du harcèlement et ce qu’ils pensent peut être fait pour mettre fin à ce type de violence. Plus de 100.000 U-Reporters, recrutés par des partenaires tels que les scouts et les guides, avec un âge estimé de 13 à 30 ans, ont participé au sondage, y compris les jeunes du Sénégal, le Mexique, l’Ouganda, la Sierra Leone, le Libéria, le Mozambique, l’Ukraine, Chili, la Malaisie, le Nigeria, le Swaziland, le Pakistan, l’Irlande, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, l’Indonésie, la Zambie et à travers le U-Report canal global.

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Le cas du Cameroun :

                Même si spécifiquement le Cameroun n’est pas évoqué dans ce sondage 2016, c’est néanmoins un secret de polichinelle de dire que la question du harcèlement est un phénomène sérieux au Cameroun. Anne Lucrèce Ntep, Miss Cameroun 2009 avait publiquement dénoncé les harcèlements dont elle était victime par les membres du Comité Miss Cameroun (COMICA) et par certains hauts cadres du pays. Elle avait également ému le milieu estudiantin en venant témoigner devant eux lors de la cérémonie de dédicace de l’ouvrage de l’illustre Professeur Jean-Emmanuel PONDI. Le livre « Harcèlement sexuel et déontologie en milieu universitaire » n’avait pas que fait des amis à l’enseignant qui s’attaquait ainsi frontalement à un phénomène connu du grand public mais camouflé comme un sujet tabou. Beaucoup de jeunes filles ont été recalées par leurs encadreurs ou enseignants parce qu’elles n’avaient pas voulu céder à leurs avances. D’autres, moins scrupuleuses, ont simplement cédé à ce phénomène désormais appelé au Cameroun, les NST (Notes Sexuellement Transmissibles). Malgré les nombreuses interpellations de la société civile, le harcèlement au Cameroun n’a pas toujours subi le coup de fouet souhaité. Dans le milieu professionnel, dans les concours administratifs, dans le recrutement des hôtesses, dans les lycées et collèges, et même dans les établissements primaires, les jeunes filles subissent de fortes pressions morales et physiques. Il n’est pas rare de trouver au Cameroun des directeurs d’écoles primaires indélicats, surtout dans les zones rurales. Au lycée, certains établissements scolaires ont connu de drôles de fortunes du fait d’enseignants et de chefs d’établissements indélicats. En dehors des jeunes filles, les garçons aussi ont subi la loi du harcèlement. Les enseignants homosexuels et les adeptes des crimes rituels ont déversé leur dévolu sur les garçons et ce phénomène est relayé par les médias depuis des années.

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Au-delà du harcèlement sexuel :

                Mais les enfants et les adolescents ne subissent pas que des harcèlements sexuels. Insultes, humiliations, discriminations, chantages, sont autant de pratiques observées dans le milieu scolaire. Certains enseignants dénigrent les élèves du simple faite de leur précarité ou de leur handicap parfois. Les menaces sont légion, mais les enfants n’ont même pas l’opportunité de dénoncer leurs bourreaux. Parfois, ces pressions sont observées au sein même du milieu familial. Cela peut partir d’un tuteur, d’un oncle, d’un beau-père, d’un répétiteur, ou de toute autre personne qui exerce une forme d’autorité sur les enfants. Dans un tel contexte, l’égalité des chances est biaisée. Beaucoup de jeunes se mésestiment au Cameroun surtout dans leur quête d’un emploi décent. Les discriminations et les exclusions de toutes sortent réduisent une bonne partie de la jeunesse camerounaise à démissionner de ses efforts ou à recourir à des formes d’immigration parfois dangereuses et clandestines pour fuir la pauvreté.  Dans le milieu sportif, les jeunes footballeurs des catégories inférieures (minimes, cadets, juniors, espoirs) sont souvent victimes de harcèlement de la part des encadreurs pour être sélectionnés dans les équipes nationales. Les parents sont malheureusement condamnés à s’endetter pour satisfaire aux exigences des demandeurs afin de permettre à leur progéniture de réaliser leur rêve, synonyme de retour sur investissement un jour dans la famille.

Les alertes du U Report :

                Il faut donc saluer ce rapport de l’U REPORT de l’Unicef. Il met en exergue des propos qui n’auraient sans doute pas été évidents dans un contexte de libre parole. Ceci nous alerte sur la nécessité de protéger les enfants, les adolescents et les jeunes. Car :

  • Un tiers des personnes interrogées pensait qu’être victime d’intimidation était normal de sorte qu’ils ne l’ont jamais dit à personne ;
  • La majorité des répondants qui ont déclaré avoir été victimes de harcèlement ont dit qu’ils ont été victimes en raison de leur apparence physique ;
  • L’intimidation a également été attribuée au sexe ou à l’orientation sexuelle et à l’origine ethnique ;
  • Un quart des victimes ont dit qu’ils ne savaient pas à qui le dire ;
  • Plus de huit répondants sur 10 croient que la sensibilisation, y compris par la formation des enseignants est une façon d’aborder la question dans les écoles.

Dans certains pays, le harcèlement est dénoncé par le biais d’un numéro court et gratuit. Dans certains pays, le silence est brisé. Dans certains pays, le harcèlement n’est pas du tout toléré. Les Jeux Olympiques de Rio 2016 nous ont révélé au moins deux cas de harcèlement sexuel. Ceci est d’autant choquant que ce sont deux athlètes africains, un marocain et un namibien qui en sont les présumés. Ceci doit interpeller la jeunesse mondiale sur ce phénomène.

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Oui, à l’occasion de cette Journée Internationale de la Jeunesse, posons-nous ces questions :

  • Lorsque nous aurions harcelé toutes nos jeunes filles qui vont à l’école, comment ferions-nous pour qu’elles ne désertent pas les bancs pour échouer dans des mariages précoces ?
  • Lorsque nous aurions poussé tous nos jeunes sportifs à la tricherie, comment ferions-nous pour avoir des équipes compétitives et remporter des trophées ?
  • Lorsque nous aurions discriminé nous élèves et nos étudiants, quelle élite bâtirions-nous demain ?
  • Lorsque nous aurions empêché des filles et des garçons méritants à accéder à des emplois ou à des postes décents, du fait de leur origine, de leur handicap, de leur appartenance religieuse ou simplement de leur intégrité, « quel Cameroun voulons-nous pour nos enfants » ?
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