DANIA EBONGUE

Majestés, reconnaissez vos progénitures !

Oui, j’avoue, nous les mâles, aimons bien les parties de jambes en l’air. Ne nous mentons pas, elles sont délicieuses, mais quand survient le fruit de ces positions et postures, voilà que les dégâts se conjuguent au superlatif. D’abord quand on est monarque (roi, prince, émir, sultan, etc.), il semble que reconnaître un enfant illégitime soit un péché capital. Là c’est la mère ou l’enfant qui doit se battre pour reconnaître que le monarque a trempé son biscuit dans une soupe non autorisée.  Un enfant illégitime serait donc un enfant né hors mariage, et donc…indésirable. Souvenons-nous de 2005, lorsque le prince Albert II de Monaco dût reconnaître Alexandre, l’enfant qu’il a eu avec Nicole Coste, une ancienne hôtesse de l’air d’origine togolaise. L’enfant ne manquera de rien selon ses promesses, même s’il ne pourra jamais prétendre à l’héritage du trône des Grimaldi. Par ailleurs, en 2006, le Prince Albert doit reconnaître un autre enfant illégitime. Elle s’appelle Jazmin Grace, fruit d’une relation avec Tamara Rotolo, une serveuse rencontrée sur la Côte d’Azur durant l’été 1991. Comme son frère Alexandre, Jazmin Grace n’héritera pas du trône de Monaco, parce que née hors mariage. Les vrais héritiers du trône sont donc les jumeaux de Charlène, la femme du Prince Albert II.

Jazmin Grace, fille illégitime d'Albert II de Monaco
Jazmin Grace, fille illégitime d’Albert II de Monaco

Ah, qu’il est beau le mariage ! Il valide une relation à travers le papier et il discrimine tout acte sexuel posé en dehors de cette institution sacrée. Aie ! Pauvres enfants illégitimes que nous sommes (oui, j’en suis un aussi). Il faut attendre un acte, une signature, pour valider notre droit à exister comme enfant de tel ou de tel. Mon père naturel n’était pas un Roi, ni un Prince, pourtant, sur ma carte d’identité, c’est bien écrit PND (Parenté Non Définie).

La paternité doit-elle être génétique ou juridique? C’est la question que se pose le site Internet de la télévision belge. De fait, voilà une dame qui veut à tout prix prouver que son père biologique est l’ancien Roi de Belgique, Albert II. Pour cela, Delphine Boël devrait d’abord passer par plusieurs actions juridiques pour espérer un jour la reconnaissance de sa paternité royale. Quelle histoire ! Quand on s’appelle Albert II (de Belgique ou de Monaco), on est donc champion des frasques sexuelles apparemment.  Mais alors, quel est ce monde dans lequel on sait que quand on est en couple on s’accouple, mais qui oublie aussi qu’on ne s’accouple pas toujours parce qu’on est en couple. Dans ce frottement coupable entre l’arme séminale de l’homme et la l’armure clitoridienne de la femme, naissent donc ces enfants de la honte, dont les rois ne veulent pas.

Majestés, reconnaissez vos enfants ! Ils sont aussi légitimes que ceux que vous auriez avec vos compagnes officielles ! J’accuse ces lois, ces codes et ces règles de succession qui confèrent à l’enfant né du mariage plus de légitimité que l’enfant né hors mariage. L’histoire de dynasties royales nous montre bien que plusieurs enfants nés dans les palais n’étaient pas si légitimes que cela, car souvent fruits de l’indélicatesse de la reine qui allait souvent voir ailleurs, chez ses concubins et ses amants. Passons…

Le monde connait une liste infinie de bâtards royaux, un titre insultant pour ces enfants nés d’un monarque et d’une maîtresse. La dynastie des Bourbons en Europe est réputée pour son nombre incalculable d’enfants illégitimes. Henri IV par exemple, eut au moins 12 enfants illégitimes. Autre exemple, à Monaco, en quoi est-ce que, Oscar-Louis Grimaldi (1814-1894), marquis des Baux, fils du prince Honoré V de Monaco, né d’une relation avec une maîtresse, était-il moins légitime que son Oncle Florestan Ier de Monaco qui hérita du trône ? N’est-ce pas le même sang Grimaldi qui coula dans ses veines ? La vérité est là, implacable ! Les enfants illégitimes n’ont qu’à aller se plaindre ailleurs, revenir même dans leur condition de fœtus et refuser de naître dans ce monde qui leur refuse une identité, une dignité et même une humanité. Roi et Prince Albert II, vous avez des enfants dits bâtards, alors, assumez !


Et vlan ! Le Ministre de la Communication du Cameroun s’en prend à RFI.

Issa Tchiroma, Ministre de la Communication du Cameroun, n’a pas mâché ses mots au journal radio de 13h ce 26 Novembre 2014. Réagissant à l’interview donnée par Germaine Ahidjo (ancienne Première Dame du Cameroun), à RFI,  sur la sempiternelle question du rapatriement  des restes de l’ancien président camerounais.

Le Ministre a réitéré que le gouvernement camerounais ne s’oppose nullement au rapatriement de ce corps, et rappelle au passage que les deux enfants du défunt président ( Aminatou et Mohamadou Ahidjo) sont aux côtés du président actuel et soutiennent son action. La première est une militante du parti au pouvoir, le second est ambassadeur itinérant. Fort de cela, le Ministre de la Communication pense que le problème Ahidjo est un non-sens. On lit donc en filigrane dans ses propos, qu’il s’agit ni plus ni moins que d’une manipulation de la radio appartenant au groupe France Médias Monde, surtout lorsqu’il affirme :

« RFI le fait de manière récurrente. Pourquoi RFI ne dit pas du bien de notre armée ? Nos frères et sœurs au front sont en train de sacrifier leur sang et leur vie pour que nous vivions dans des frontières sûres. Pourquoi est-ce que RFI n’en parle pas suffisamment ? »

A en croire Issa Tchiroma, la radio du monde sélectionnerait des informations sur le Cameroun et discriminerait celles qui vont dans le sens de la sécurité du pays de Paul Biya. Dans ce cas, on pourrait se poser la question de savoir si le Ministre s’adresse vraiment à RFI, ou alors indirectement aux autorités françaises.  C’est à la fin de son entretien, dans une formulation dont lui seul a le secret, qu’on comprend la subtilité et la portée de ses propos :

« Il faudrait qu’ils réalisent que le peuple camerounais est suffisamment mûr pour découvrir ces stratagèmes tout à fait cousus de fil blanc et qui ne sauraient nullement induire notre nation dans une quelconque aventure ou encore erreur, (nation) déterminée à soutenir son chef ». 

Voilà qui est donc clair. Le Ministre s’adresse à des vrais ou faux ennemis de la république qu’il croit percevoir derrière le traitement orienté de l’information à RFI. Une chose est certaine, à Yaoundé ce soir, le Ministre a gagné de nouveaux galons de patriotisme.


L’Afrique centrale donne une belle réponse au Maroc

Les 5 Pays d'Afrique Centrale à la CAN 2015
Les 5 pays d’Afrique centrale à la CAN 2015

Pour la première fois de l’histoire, 5 pays d’Afrique centrale participent à la Coupe d’Afrique des Nations de Football. C’est d’abord une victoire sous-régionale pour ce football longtemps titubant au gré des faibles performances et aux antipodes de la seule nation qui portait le flambeau de cette Afrique équatoriale : le Cameroun. Oui, aujourd’hui c’est une autre époque, celle d’un football d’Afrique centrale qui se réveille en Guinée équatoriale 2015. Triple victoire donc pour le pays organisateur, pays du président Obiang Nguéma qui a sauvé la CAF et sa CAN, suite au désistement du Maroc, ce pays qui n’est pas plus africain.

 La victoire institutionnelle de la Guinée équatoriale qui, en trois ans, a le mérite d’organiser deux CAN. Un coup de chapeau pour le courage de ce pays, un coup de pouce à son image, et surtout, toute l’Afrique qui s’incline devant le courage du président équato-guinéen. La victoire sportive, car ces éliminatoires ont été disputées et ont même éliminé deux vainqueurs récents de la CAN : Egypte (champion en 2010) et Nigeria (champion en 2013). La victoire sous-régionale enfin, car la Guinée Equatoriale va accueillir 4 de ses voisins de la CEAC (Communauté des Etats de l’Afrique centrale). Ses voisins Cameroun, RDC, Gabon et Congo sont donc qualifiés pour la CAN 2015. Le reproche qui est souvent fait à la CAN, c’est d’assister à des rencontres aux stades pratiquement vides. Si la CAN 2015 peut avoir un certain succès populaire, ce sera par exemple si le Gabon évolue à Mongomo, stade de 4 000 places pas loin de la frontière gabonaise. De même, si le Cameroun évolue à Ebebiyin ce serait le gage de stades toujours pleins, car il suffit juste de traverser la ville de Kyossi, au sud du Cameroun, et on est au stade. On aurait alors des charters qui partiraient de Yaoundé, et en moins de 3 heures de route, on arrive à Ebebiyin, on assiste au match, et on retourne à Yaoundé dans la nuit.

Ce serait aussi l’image symbole de l’intégration des pays d’Afrique centrale qui est si demandée. On aurait alors, les prémisses de la libre circulation des biens et des personnes. Que dire de ce brassage culturel de ces peuples cousins. Du Cameroun au Congo, en passant par la RDC, le Gabon et la Guinée équatoriale, ce sont les mêmes souches ethniques qui y vivent : Les Fangs (Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon et Congo),  les Batangas (Cameroun et Guinée équatoriale), ou encore les Pygmées (Cameroun, Congo, RDC, Guinée équatoriale et Gabon). Oui, cette Afrique centrale jouera également sa géographie, celle du Bassin du Congo avec ses 4 millions de km² où vivent 93,2 millions d’habitants. Le Gabon, le Cameroun, la RDC et le Congo sont pays membres de ce bassin. Par ailleurs, le Gabon, le Congo, et la République démocratique du Congo sont traversés par l’Equateur. Enfin, le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon sont traversés par le fleuve Ntem, et chacun de ces pays en a fait un département important : la vallée du Ntem au Cameroun, le Woleu Ntem au Cameroun, et le Kié-Ntem en Guinée équatoriale.

Voilà donc notre CAN, cette belle CAN d’Afrique centrale, mieux que celle de 2012 qui n’avait pas tous ces 5 pays. Mieux, je suis sûr aussi, que celle qu’elle aurait été au Maroc avec sans doute plus de restrictions et de barrières. Merci à Issa Hayatou de n’avoir pas abdiqué et cédé au chantage. L’histoire retiendra un jour que ce Monsieur a aimé, protégé et sauvé le football africain. Merci à la Guinée équatoriale de rendre ce rêve possible, de permettre à ces enfants de chanter leur hymne à la joie, celui du football qui nous rappelle que nous sommes une et une seule famille.


Pourquoi je m’appelle DANIA et je ne suis pas une fille.

C’est comme un jour où il faut recadrer les choses, car la méprise est souvent de taille dans notre monde. Pas qu’une simple méprise d’un nom, surnom ou prénom, mais la méprise d’une véritable identité remarquable. La mienne d’identité n’est justement pas remarquable. Je suis DANIA, ça sonne comme ça, en majuscule, parce que c’est un nom et c’est un prénom. Beaucoup m’ont posé cette question : « Mais DANIA, ce n’est pas une fille ? Où est-ce que tes parents sont allés chercher cela ? ». Je suis toujours amusé par cette question, comme si je savais ce qui se trimait dans la tête de ma mère, ou plus exactement de ma tante, puisque c’est elle qui était face à l’officier d’état civil. La vérité c’est que j’ai toujours grandi avec ce nom/prénom, fruit de plusieurs versions plus ou moins incohérentes sur l’origine de cette appellation.

Moi, en 1996 au Lycée Bilingue d'Application
Moi, en 1996 au Lycée Bilingue d’Application

1-    DANIA, et non Damien.

Ma tante, le Docteur Ndo Ndiki Régine Marlyse de l’université de Douala, avait regardé un film et s’était éblouie de ce prénom Damien, personnage dudit film qui l’avait marquée. Voilà pourquoi j’aurais porté ce nom, parce que l’officier aurait entendu DANIA et non Damien.

Moi, dans la maison familiale en 1993.
Moi, dans la maison familiale en 1993.

2-    DANIA, et non Dina.

Comme on le sait, je suis Duala, même comme je n’aime pas la ville de Douala. Mon feu grand père m’avait dit une fois : « Pourquoi tu te casses la tête ? Tu es un Prince de Bali, et chez nous, les princes n’ont pas forcément les prénoms judéo-chrétiens. DANIA est une ancienne appellation Sawa de DINA. Tu t’appelles donc DANIA, petit-fils de EBONGUE ». On dirait donc plus exactement, « DINA’A EBONGUE ».

Moi en 2008
Moi en 2000

3-    DANIA, et non Daniel.

Un jour, dans une production à la CRTV, ma collègue a commis l’exploit de faire écrire Daniel EBONGUE sous mon nom alors que j’intervenais dans son émission. A la fin, je lui ai demandé pourquoi une telle méprise et elle a répondu : «  Les téléspectateurs ne comprendront pas que derrière DANIA se trouve un mâle ». Avec le sourire de quelqu’un dont le nom vient d’être dénaturé, je me suis dit qu’elle avait un peu raison. Beaucoup d’auditeurs dans ma radio se trompent chaque jour et me servent du Daniel, Damien ou Danien. Certains, très futés, abrègent et me nomment Dani ou Danny, exactement comme dans ma famille. Mais là où ce n’est plus drôle, c’est lorsque le président de mon jury, lors de ma soutenance de masters m’a dit : « Monsieur Diana EBONGUE, vous avez la parole ! ». J’ai failli lui dire, non ! Je ne suis pas une fille.

Moi, en 2009
Moi, en 2009

Je ne suis pas une fille.

Non ! Je ne suis pas une fille, j’aurais bien aimé, mais je ne le suis pas. C’est vrai, avec un anagrammeur,  vous aurez la possibilité d’avoir 3 prénoms de 5 lettres : NADIA, DIANA, et donc DANIA.

Seulement, DANIA n’est pas seulement un prénom espagnol, mais il est aussi un nom, un nom typiquement africain. Je m’adresse à ce soi-disant patriarche Yabassi qui m’a dit un jour qu’il ignorait que DANIA était un nom africain, pire encore un nom de la culture Sawa. C’est dommage ! Ce nom est tellement courant en Afrique que pendant 7 ans, lorsqu’on voyait ce nom à la télé camerounaise, beaucoup de gens à l’Extrême-Nord du Cameroun s’écriaient : « C’est un Massa ! ». Car DANIA est effectivement un nom répandu au Nord-Cameroun et au Sud-ouest du Tchad. Plus loin, DANIA est un nom hébreu qui signifie « Dieu est mon juge ».

Moi depuis 2010
Moi depuis 2010

Plus loin encore, DANIA est un nom Swahili qui signifie « Homme épicé ». La chercheuse américaine Lisa Aubrey, professeur d’études africaines et africaines-américaines, qui travaille sur le retour des africains-américains en Afrique, m’avait dit un jour : « You are a spice boy, because your name is DANIA ». Elle savait bien de quoi elle parle, puisque toutes ses recherches sur les origines négroïdes et africaines lui avaient permis de décortiquer mon nom en 5 minutes. Elle est même allée jusqu’à me citer les pays où ce nom est courant en Afrique : Ethiopie, Somalie, Djibouti, Ouganda, Kenya, etc. Un nom tant utilisé par les juifs-éthiopiens, les musulmans djiboutiens ou encore les coptes égyptiens. C’est donc bel et bien mon nom : DANIA EBONGUE, tout en majuscule. Mon acte et mes diplômes sont ainsi, point barre. Alors, je vois d’ici la centaine de personnes qui m’ont fait des demandes d’amitié sur Facebook (sans prendre la peine de lire mon profil) se gratter la tête en lisant ces lignes. Beaucoup m’ont envoyé des messages du genre : « Comment vas-tu jeune fille ? », «  Salut beauté, parle-moi de toi! ».  C’est ce que je fais pardi ! Je vous parle de moi là, je ne suis pas une fille.

Moi en 2009
Moi en 2009

 Je suis toi et tu es moi.

Je m’appelle donc fièrement DANIA parce que je suis citoyen du monde. Je suis d’ici et de chez vous. Je parle la langue de Molière et la langue de Shakespeare. Je suis Douala, mais aussi Massa. Je suis hébreu et aussi swahili. Je suis moi, et moi c’est tout. Après tout, quelle importance que je sois une fille ou un garçon ? Quelle importance que je sois DANIA le chrétien, ou DANIA le musulman ou DANIA le juif ? Quelle importance que je sois blanc ou noir ? Qui suis-je ? Je suis le DANIA universel, celui dont le sang est rouge, comme le tien.


Le Maroc n’est pas un pays africain.

Oups ! J’aurais pu commenter directement le billet sur le blog de Guillaume Djondo qui du reste est un brillant blogueur, mais là n’est pas la question. Cher Guillaume, je suis choqué et déçu par ton billet intitulé Maroc : tuera ou tuera pas ? . Je suis d’abord surpris par de tels propos : « Eh, bah, messieurs de la CAF, vous êtes des assassins ambulants et déguisés. C’est maintenant clair ! A un crime contre l’humanité, le Maroc dit non. Et non c’est non ! Allez chercher vos complices ailleurs ». Sans me faire l’avocat de la CAF (mon ami Junior Binyam le ferait mille fois mieux que moi), j’aimerais d’emblée te dire que l’assassin c’est le Maroc, et pas la CAF. Oui monsieur ! Le Maroc est en train d’assassiner le football africain et c’est pourquoi je lui offre ce café noir amer.

Crédit Image, www.lemaroc.monipag.com
Crédit Image, www.lemaroc.monipag.com

Vois-tu, je rêvais du Maroc. Je rêvais déjà de me retrouver au Maroc en Janvier 2015. J’ai toujours admiré le royaume chérifien, son histoire, ses rois, ses villes, etc. Pendant des années, les camerounais étaient téléspectateurs de la chaîne de télévision 2M, et on avait déjà remarqué que ce pays là était très avancé en matière de journalisme, de technologie et de divertissement. Mieux, la coopération entre le Maroc et le Cameroun a permis que de milliers de jeunes bacheliers camerounais (notamment Joëlle-Patricia, Mahouvé Yolande, Jonathan Lobè, Baudouin Boanimbek) reçoivent des bourses d’études chaque année au Maroc. De nombreux amis y ont reçu leurs parchemins. Le Maroc a aussi investi dans le secteur bancaire camerounais et est le principal actionnaire de la société des eaux du Cameroun.

Un tel pays ne peut qu’être l’ami du Cameroun, d’autant plus que le Cameroun y a remporté sa deuxième CAN en 1988 et la LG CUP en 2011. Je rêvais donc du Maroc, de revoir mon amie mondoblogueuse AHLEM B et ses cousines nues. J’étais déjà enchanté de la voir devenir mon guide touristique. Je me souviens lui avoir dit : « viens investir au Cameroun, tu ne seras pas déçue ». Je rêvais du Maroc, en pensant à VBH, le rappeur camerounais, finaliste du prix Découvertes RFI en 2008 qui y avait donné un concert à Agadir. Je rêvais d’y retrouver mon ami d’enfance, le chanteur  Eric Berlinger. Je rêvais donc du Maroc, de  ses plages, de ses sardines, du Tajine.

Hélas, le rêve s’arrête là ! Il s’est transformé en cauchemar le weekend dernier. Le Maroc insiste pour le report de la CAN 2015. Pourtant, quelques jours avant, la CAF avait été claire : jamais une CAN n’avait été reportée depuis la création de la CAF, la maladie à virus Ebola ne représente pas une menace pour l’organisation de la CAN selon l’OMS. Par ailleurs :

« La CAF estime que le dispositif sanitaire actuel mis en place au Maroc, et dont l’efficacité a été prouvée, est largement capable de faire face au flux très limité (…)  de respecter le calendrier international tel qu’élaboré par la FIFA, afin de garantir la libération des joueurs évoluant dans les clubs étrangers, ces joueurs représentant une majorité au sein des sélections africaines et permettant le rayonnement du football africain ».

Des pressions sur le Maroc.

Difficile de croire que le Maroc n’a pas cédé à la pression de quelques pays européens pour prendre cette décision. D’abord, les enclaves de Ceuta et Melila sont des portes de sortie d’immigrants africains vers l’Europe. L’Europe craint sans doute un flux d’immigrants pendant la CAN. Et le Maroc, candidat depuis plusieurs années à l’adhésion à l’Union Européenne, se plie aux exigences de l’Union qui lui a du reste attribué un statut avancé en 2008. Oui, le Maroc crée une nouvelle barrière, une de plus, comme le dit Steaves, « les barrières de séparation n’en finissent pas ». Un mur de plus pour le séparer de l’Autre Afrique. Celle qui est indésirable, celle qui est répugnante. N’oublions pas que le Maroc avait quitté l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1984 pour protester contre l’admission en son sein de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le Maroc n’est donc pas membre de l’Union Africaine et veut être membre de l’Union Européenne.

Crédit Image, www.tanargan.com
Crédit Image,
www.tanargan.com

L’autre paradoxe marocain dans le refus d’organiser la CAN en 2015, c’est la demande de report au mois de Juin 2015, puis à Janvier 2016. Question simple : Comment le Maroc est-il certain qu’à ces dates là, le virus Ebola ne sévira plus en Afrique ? Comment expliquer que le Maroc maintienne l’organisation de la Coupe du Monde des Clubs en Décembre 2014 avec un club espagnol ? l’Espagne qui a connu un cas d’Ebola, y participe, mais le Maroc refuse à plus de 15 pays africains sans Ebola, de venir jouer sur son territoire. C’est pourtant ce même  Maroc qui a permis à la Guinée, pays durement touché par Ebola, d’y livrer ses matchs éliminatoires. Le Maroc permet également à deux clubs guinéens de s’entraîner sur le sol marocain. Soyons donc francs ! Il ne s’agit nullement d’éviter Ebola, mais de céder à la pression et aux intérêts cachés des lobbys et des influences invisibles. On le sait tous, les clubs européens estiment que les joueurs africains qui se déplacent au mois de janvier sont un handicap pour leurs championnats. Donc, on comprend pourquoi beaucoup de médias européens se font les avocats de ce caprice marocain.

Le Maroc n’est pas un pays africain.

Désolé de le dire, mais le Royaume chérifien n’est plus un pays africain. Il veut adhérer à l’UE, est-ce pour qu’on l’appelle encore pays africain ? Il refuse l’Ebola de l’Afrique subsaharienne mais tolère l’Ebola de son voisin espagnol. Est-ce pour qu’on l’appelle encore pays africain ? Il dicte sa loi à la CAF, car la CAN peut bien attendre, mais la coupe du monde des clubs de la FIFA est prioritaire. Est-ce pour qu’on l’appelle encore pays africain ? Le Maroc a-t-il mesuré que le report de cette CAN est un suicide sportif pour le football africain ? Le Maroc a-t-il mesuré que le report de cette CAN est même un aveu d’échec face à Ebola ? Ce n’est pas en fuyant une maladie qu’on la combat, au contraire, on lui attribue un pouvoir que seul le sport peut vaincre par sa faculté de rassemblement. Le Maroc a-t-il conscience qu’il fragilise la CAF ? A-t-il conscience que 6 mois ou un an c’est trop long déjà pour des jeunes talents qui pouvaient briller à la face du monde en janvier ? C’est un crime contre des centaines de joueurs qui misent sur cette CAN pour se valoriser devant des recruteurs. Le Maroc oublie que les jeunes africains sont déjà absorbés par les images des championnats européens, colonisés par les paris sportifs de ces championnats, phagocytés par une ligue des champions de l’UEFA multi-médiatisée, un Euro qui est déjà un mini mondial, et une coupe du monde qui n’a pas encore vu un pays africain dans le carré d’as. Si le Maroc a oublié cela, c’est parce que ce n’est plus un pays africain.


La riposte contre la polio, un impératif pour l’Unicef au Cameroun.

Le blogueur Wonk, par ailleurs défenseur des enfants disait récemment à Abidjan : «  c’est une sale maladie qui refait son retour ». L’expression sale maladie peut sembler grossière, mais il s’agit bien d’une maladie de la honte, une maladie de la saleté.  Lorsqu’on replonge quelques années en arrière, en 1988, on était à 350 000 cas de polio cette année là. Aujourd’hui, on n’est qu’autour de 243, soit 99% de chute.

Il faut donc saluer les efforts qui ont permis cette chute, c’est-à-dire les campagnes de vaccination contre la poliomyélite. A cet effet, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), achète chaque année 1,7 milliard de doses de vaccin antipoliomyélitique oral à destination de 500 millions d’enfants dans le monde. Le Cameroun est un pays bénéficiaire de ce programme, pays prioritaire devrait-on dire,  depuis que des cas de polio virus sauvage ont été confirmés depuis Octobre 2013. Neuf cas de polio confirmés sur le territoire camerounais depuis lors, et pire, le Cameroun est devenu exportateur du polio virus sauvage, tandis que le Nigéria voisin, pays endémique pourtant n’a affiché que 6 cas de polio cette année, contre 49 en 2013.

femme paralysée par le virus de la polio à Garoua
femme paralysée par le virus de la polio à Garoua

Le Cameroun, vitrine mondiale de la lutte anti-polio.

Le Cameroun est donc l’objet d’une véritable mobilisation des partenaires internationaux pour accompagner la lutte gouvernementale contre la polio. Le 31 Octobre dernier, le Ministre de la Santé Publique, André Mama Fouda a lancé le deuxième tour de la Semaine d’Actions de Santé et de Nutrition Infantile et Maternelle (SASNIM), couplée au 9ème tour des journées nationales de vaccination de riposte contre la poliomyélite.

Lancement des JNV Octobre 2014 à Efoulan
Lancement des JNV Octobre 2014 à Efoulan

Un lancement avec un haut niveau de représentativité, notamment l’Ambassadeur John Lange de la Fondation des Nations Unies, le Docteur Hamid Jafari, Chef polio de l’OMS à Genève, son homologue Peter Crowley de l’Unicef, le Docteur Braid Amstrong, chef polio de Center for Desease Control and Prevention (CDC) aux Etats-Unis, autant de personnalités de haut rang, luttant contre la polio au niveau mondial, et déterminés à accompagner le Cameroun vers l’éradication de cette maladie. Les propos d’Anthony Lake, Directeur Général de l’Unicef vont dans ce sens «  le monde n’a jamais été aussi proche de la possibilité sans d’éradiquer la polio ».

Alors, pour y arriver, Peter Crowley se sert de l’exemple de l’Inde qui a réussi à éliminer la polio de son territoire, alors qu’elleconcentrait en 2009 encore, la moitié des cas mondiaux de polio. Le responsable polio de l’Unicef demande « le même engagement » de l’Etat Camerounais pour stopper cette maladie à l’horizon 2015, car, poursuit-il « L’engagement du Cameroun est capital non seulement pour lui, mais également pour la sous-région Afrique Centrale et pour le monde ». Il faut donc comprendre derrière tout cela que le Cameroun est devenu une vitrine mondiale de la lutte contre la polio.

Déroulement de la campagne au Nord Cameroun
Déroulement de la campagne au Nord Cameroun

Corriger le pourcentage d’enfants manqués.

Sur le terrain, d’Octobre 2013 à Octobre 2014, un an de lutte contre la polio à travers diverses campagnes de vaccination. Parmi les indicateurs encourageants, la moyenne nationale d’enfants manqués (ou loupés lors du passage des équipes vaccinales) est passée de 7% en mai 2014, 4,6% en Juin et 3,2% en septembre 2014. Certains districts de santé par contre affichent des pourcentages élevés d’enfants manqués, ce qui est de nature à ralentir l’efficacité de la lutte, surtout face à ce polio virus sauvage qui peut résister plus de 10 jours dans la nature. Le Ministre et ses partenaires ont donc lancé la campagne dans l’arrondissement de Yaoundé 3ème à Efoulan et au marché de Mvog-Bétsi, dans l’arrondissement de Yaoundé 6ème. Il était question de cibler les mamans qui se rendent au marché avec les enfants, afin qu’aucun enfant ne soit oublié. Ce marché de Mvog-Bétsi est d’autant plus stratégique que selon les enquêtes menées, 15% des raisons du non vaccin sont dues à la présence des mamans au marché. Par ailleurs, ce marché se trouve être le carrefour de deux autres districts de santé : celui de Nkolbisson qui compte 10% d’enfants manqués, et celui de la cité verte qui n’enregistre que 82% de couverture vaccinale entre janvier et juillet 2014.

Le Ministre Camerounais de la Santé et les partenaires.
Le Ministre Camerounais de la Santé et les partenaires.

L’impulsion de l’Unicef.

C’est donc pour corriger ces insuffisances que plusieurs régions du pays comme celle du Nord se sont mises au travail, avec l’aide des autorités traditionnelles pour encourager les communautés à présenter leurs enfants à la vaccination, sous l’impulsion du Gouverneur de la région.

31 Octobre 2014, le Gouverneur du Nord administre la goutte qui sauve.
31 Octobre 2014, le Gouverneur du Nord administre la goutte qui sauve.

Le travail de mobilisation sociale accompli par l’UNICEF a contribué à persuader les familles d’accepter le vaccin lorsqu’on le leur présente. De plus, dans le district de santé de Lagdo, à 70km du chef-lieu de la région (Garoua), le Directeur de l’hôpital de District, le Docteur Dipanda Désiré parle de « matériel informatique, de voitures, 12 motos, et 107 vélos » qui ont été offerts par l’Unicef pour faciliter les déplacements et le travail des agents de santé.

Equipe Unicef à Langui au Nord-Cameroun pendant la vaccination
Equipe Unicef à Langui au Nord-Cameroun pendant la vaccination

La coopération de l’Unicef a permis aussi de réduire les carences des enfants en vitamine A, raison pour laquelle, cette SASNIM a été un véritable succès dans l’aire de santé de Djippordé, toujours dans la région du Nord. Ici, 7276 âgés de 0 à 59 mois, ont tous reçu cette dose. Selon l’infirmier-chef de cette aire de santé, Monsieur Ngodwé André : « Les parents sont déjà conscients que prendre le vaccin et la vitamine, sauvent la vie de leurs enfants. C’est pour cela qu’ici, on n’observe plus aucun de refus du vaccin ». Imaginons donc le Cameroun de demain, grâce à cette goutte qui sauve des vies, et avec la collaboration des populations agissant comme celles de Djippordé, alors certainement, en 2015, la polio sera définitivement éradiquée au Cameroun.


Plus de Choléra à Moutourwa !

De passage à Ngoumlaye, nous avons été spectateurs de ce phénomène étrange et moyenâgeux qu’est l’école sous le hangar. Cette école qui n’a pas encore la chance, comme plusieurs écoles de la région de l’Extrême Nord au Cameroun, d’être aux normes sanitaires pour les enfants, à savoir des latrines et de l’eau potable. Il a donc fallu l’intervention de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance), afin que 60 écoles de la région puissent bénéficier d’eau potable en quantité et en qualité, et surtout des latrines.

Pont de Maroua, l'eau se fait rare
Pont de Maroua, l’eau qui perturbe

Jusqu’ici, les enfants observaient le rituel semblable à celui de leur bétail, à savoir, soulager leurs besoins en plein air, à côté des Mayo (rivières et cours d’eau en langue locale), cette même eau des Mayo qui sera utilisée comme eau de toilette, de breuvage ou encore pour le linge et la vaisselle. Pire, cette eau lavait également les bébés. Aux dires de Alifa Salleh, délégué régional du Ministère des Mines et de l’Energie : « La région de l’Extrême Nord c’est la région des Extrêmes. Nous ne sommes pas du tout favorisés par la nature. Parce qu’il ne pleut beaucoup et nous sommes seulement à 40% d’accès à l’eau potable ». Ce chiffre montre bien que la situation est alarmante, et le ministère s’est donc associé à l’UNICEF pour construire deux blocs de latrines dans plusieurs écoles. Le délégué ira même plus loin en précisant que ces forages et ces latrines seraient un facteur motivant de la hausse de fréquentation des écoles primaires qui ont bénéficié de cet appui du gouvernement japonais. Evidemment les habitudes ayant la peau dure, les populations qui refusent d’utiliser les latrines s’exposent et exposent leurs enfants au Choléra et aux autres maladies. Ici à 30 minutes de Maroua, nous sommes à Moutourwa dans le Mayo-Kani, région de l’Extrême Nord. Voilà pourquoi l’hôpital de district de Moutourwa et les agents de relais dans les communautés ne se découragent pas et continuent de sensibiliser les familles aux nombreux dangers qui les guettent. Le surveillant général de l’hôpital est serein : « Plus de choléra à Moutourwa ! », lance t-il, fier du combat mené depuis deux ans pour venir à bout de cette épidémie qui a trouvé en cette région, un épicentre important. Il nous explique que les kits WASH ( Water, Sanitation and Hygiene), composé de savons, de bouilloires, de seaux et de purificateurs d’eau ont permis aujourd’hui d’éradiquer le choléra dans son district de santé.

Purificateur d'eau 2

Il loue ce don du Japon via UNICEF et se demande combien de morts chez les enfants serait-il en train de compter aujourd’hui. Si on peut se féliciter de ce bilan flatteur, il reste quand que la vigilance est de mise. Le combat contre le choléra n’est pas terminé.


Malgré Boko Haram, des enfants sont sauvés à Minauwao

Réfugies nigérians à Minauwao
Réfugies nigérians à Minauwao

Mokolo, Chef lieu du département du Mayo Tsanaga, c’est la région de l’Extrême-Nord au Cameroun. Ici, le sceptre de la secte islamiste Boko Haram est visible par ce contingent de 15 000 réfugiés nigérians ayant fui les assaillants de l’autre côté de la frontière, pour se retrouver en terre camerounaise. Le camp des réfugiés de Minauwao est à 10 km de la ville et depuis trois mois, les organisations humanitaires n’ont pas eu de répit dans la zone.

Les besoins sont énormes en termes de santé, nutrition, eau potable, sécurité et surtout vaccination des enfants. C’est ainsi que le système des Nations Unies, constitué du HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés), de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), du PAM (Programme Alimentaire Mondial) et de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance), qu’accompagnent plusieurs ONG comme PLAN ou encore International Medical Corps.

Forage Unicef à Minauwao
Forage Unicef à Minauwao

Les défis sont donc majeurs ici à Minauwao, parmi lesquels un seul moulin à écraser pour ces 15 000 âmes. Faire la queue pour moudre le maïs est le détestable exercice auquel se livrent, non sans une certaine tension, ces dames déjà perdues par le déracinement et la peur au ventre d’une éventuelle récidive de la secte en ces lieux.  Ajoutez à cela, un seul point d’eau fonctionnel à l’intérieur du camp des réfugiés. Pour réussir à combler cette sois justifiée par ce soleil de plomb, 6 points d’eau ont été installés par l’UNICEF à la lisière du camp.

Minauwao, on mange comme on peut
Minauwao, on mange comme on peut

Comme dans plusieurs localités de la région, la malnutrition est au rendez-vous ici. Plusieurs cas sont recensés chaque jour, rappelant au passage que le gouvernement japonais, via UNICEF, a lancé en 2013 et 2014, un vaste projet pour lutter contre la malnutrition, la carence en eau potable, et le paludisme chez les enfants de la région. Les enfants réfugiés de ce camp n’échappent pas à ces maux. Tuberculose, diarrhées, paludisme et même VIH/SIDA sont au compteur des maladies recensées. Autre cas alarmant, 45 cas de rougeole et déjà un cas de décès. Il s’agit d’une épidémie qui surgit avec l’arrivée d’une vague de réfugies il y’a une semaine.

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Le nouveau combat pour UNICEF est de vite lancer une journée de vaccination contre la rougeole, qui heureusement a connu du succès, quand on connait les réticences et les tabous culturels et traditionnels en la matière au Nigéria et au septentrion du Cameroun. Les enfants se font donc vacciner par deux médecins et dix-sept infirmiers qui quadrillent le camp. L’urgence du vaccin est d’autant plus signalée qu’on nous annonce une nouvelle naissance chaque jour dans le camp.

Le personnel médical est à l'oeuvre.
Le personnel médical est à l’oeuvre.

L’aide humanitaire doit donc augmenter, des vies en dépendent, des efforts doivent être maintenus. Car, selon l’OMS dans son rapport de Septembre 2014, « Fin 2013, 84% des enfants avaient reçu une dose du vaccin antirougeoleux à leur deuxième anniversaire et 148 pays avaient inclus une seconde dose dans leur programme de vaccination systématique ». Ces réfugiés nigérians entreront dans les statistiques 2014, et c’est déjà une victoire quand on sait que «  21,8 millions de nourrissons dans le monde ne bénéficient toujours pas des vaccins de base ».

 


Eau Secours ! Les enfants de Moulvoudaye sont malnutris.

Le Docteur Kemekong Arnold a beau être jeune, mais les réalités qu’il vit comme chef de ce district de santé de Moulvoudaye, sont celles d’un professionnel qui a emmagasiné de l’expérience depuis des lustres. C’est que, dans cette bourgade perdue dans le département du Mayo Kani, région de l’Extrême Nord au Cameroun, chaque jour qui passe est un jour qui lasse.

De choléra en malaria, de malaria en tuberculose, il ne manque plus qu’Ebola pour afficher complet. Mais entre temps, dans cette zone semi-désertique, la céréale de mil se consomme au superlatif tous les jours de l’année. La faute à pas de chance, à la rareté des récoltes agricoles, mais surtout à la pauvreté criarde de ce coin, lisible et visible dans le regard hagard de ces femmes assises sur leurs nattes, portant des enfants de 3 à 4 ans, tellement chétifs qu’on dirait des nouveaux nés. Le diagnostic est clair, il s’agit d’enfants victimes de MAS (Malnutrition Aigue Sévère).

District de Santé de Moulvoudaye, enfants malnutris couchés sur des nattes
District de Santé de Moulvoudaye, enfants malnutris couchés sur des nattes

Il y’a encore deux ans, 14 enfants souffrant de cette maladie étaient transportés dans ce district de santé chaque semaine, soit 10% des enfants recensés dans la zone, selon le Docteur Kemekong.  Alors, pour faciliter la prise en charge de ces enfants âgés de 0 à 5 ans, le Gouvernement du Japon a offert une subvention conséquente à l’Unicef-Cameroun pour offrir un kit WASH (Water and Sanitation Hygiene), c’est-à-dire Eau Assainissement et Hygiène, contre le choléra et toutes les maladies de l’eau comme les diarrhées et les typhoïdes qui sévissent en ce moment. Le kit se compose d’un seau, cinq morceaux de savon, une bouilloire, deux gobelets et une plaquette de 50 comprimés pour traiter l’eau.

Don Japonais 2

C’est bien connu, l’eau c’est la vie. Mais ici, l’eau cause la mort. Elle est sale quand elle existe, et elle est insuffisante si elle est potable. La course à la montre est désormais lancée. En langues Foufouldé et Toupouri, les 34 personnels de santé des neuf formations sanitaires de l’agglomération s’attèlent à offrir ces kits de sauvetage à ces enfants qui, osons le dire, sont entre deux mondes. Une dose de vitamine A, et des aliments thérapeutiques ont déjà permis de régler 97% des cas de MAS dans tout l’Extrême Nord.

Don Japonais

 

 

Dans ce combat, UNICEF nous annonce la mise en place de 60 forages dans 60 écoles primaires, et 180 latrines dans ces écoles. Cela peut prêter à sourire, mais jusqu’ici, déféquer dans un WC était un luxe pour la plupart des enfants de la région qui partagent encore pour beaucoup leur toilette et leur beuverie avec le bétail du coin. Conséquence immédiate, le choléra cause à l’Extrême Nord, 52% des décès nationaux, et 5680 enfants souffrent de MAS dans cette région.  Pour le moment, seulement 26,9% des écoles de la région ont de l’eau potable, une aubaine pour ces enfants, futurs leaders de demain, qui ont faim et qui ont soif. Eau secours !


L’école sous le hangar

Salle du Cours Moyen, Ecole Publique de Ngoumlaye
Salle du cours moyen, école publique de Ngoumlaye, Dania Ebongue pour Unicef

Ce que vous voyez n’est pas une hutte, une case de repos au village, mais bel et bien une salle de classe en 2014 au Cameroun.  A qui doit-on cet exotisme ?

À dame pauvreté qui a visiblement décidé de s’installer ici à Ngoumlaye. Nous sommes à 1 h 30 de route de Maroua, chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, dans l’arrondissement de Moulvoudaye, département du Mayo Kani. Le spectacle est d’autant plus pathétique qu’insolite, qu’il faut lui ajouter la saveur harassante d’un soleil oppressant. Même les pailles si finement entrelacées ne réussissent pas à bloquer sa température qui marque tout net 33 °C à l’ombre. S’il pleut ici, c’est la débandade.

Salle du CP, Ecole Publique de Ngoumlaye
Salle du CP, école publique de Ngoumlaye, Dania Ebongue pour Unicef

C’est qu’ici, au-delà du spectre des artisans de la secte islamiste Boko Haram, de l’épidémie de choléra qui se réveille en ces lieux,  il faut encore fouler du pied la dure réalité d’un système éducatif basique qui affiche toutes ses limites infrastructurelles. On a donc vite fait le tour, côté cour et côté jardin et on s’efforce de retenir ses larmes à la vue de ces enfants, 300 élèves, entassés dans deux hangars. Des espaces où seuls les tables bancs, les ardoises et ce qui sert de tableau, donnent le signe qu’il y a une école par ici.

Ecole en paille 3

L’école sous l’arbre pourrait renaître de ses cendres ici, mais il s’agit bel et bien d’une école publique avec un directeur intérimaire soit, mais directeur quand même. Ce dernier est obligé de composer avec quatre enseignants, dont le qualificatif épouse bien l’ère du temps au Cameroun : « On parle beaucoup des « maîtres des parents », entendez ces enseignants vacataires salariés par les efforts des parents. Ceux-ci perçoivent ici entre 8 000frs et 10 000frs C fa mensue . C’est déjà cela, le salaire à la mesure d’une école qu’il faut sauver à tout prix, même au prix d’un exploit tonitruant, celui de jumeler la SIL et le CP, le CE1 et le CE2, et enfin le CM1 et CM2.

Salle du Cours Elémentaire, Ecole Publique de Ngoumlaye
Salle du cours élémentaire, école publique de Ngoumlaye, Dania Ebongue pour Unicef

 

Cela s’appelle, faire en trois classes, un cycle primaire complet. Pal mal, car les plus jeunes ici entrent dans cette galaxie scolaire à l’âge de 6 ans. Il y a donc de quoi rattraper le retard cumulé et sortir quand on peut, de ce système scolaire, avec un diplôme à peu équivalent au niveau élémentaire. Dans cette crise, chacun ici lorgne du côté de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’Enfance), afin que le projet de construction de salles de classe dans cette région du pays, passe aussi par cette école  « Une honte, quand on sait que plusieurs élites gouvernementales sont de cette région » remarque une journaliste, spectatrice de ce choc institutionnel et émotionnel.