DANIA EBONGUE

Me voici donc en Guinée Equatoriale !

Ici chez le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, j’ai vu, ce que l’œil humain peut incroyablement acquiescer sans se demander si ce n’est pas le mirage qui lui joue des tours. Mince ! A quelques jets de pierre du Cameroun, le paysage est le même, le climat est pareil, mais les habitations sont déjà loin de ce qu’on vit à Kye-Ossi dans la partie camerounaise de la frontière.

Entrée du Stade Ebibeyin
Entrée du Stade Ebibeyin

A Ebibeyin, l’une des villes hôtes de la 30ème édition de la CAN 2015, il y’a une preuve de ce que le PIB équato-guinéen est bel et bien à l’image des constructions des bâtisses, des édifices, des logements sociaux, des immeubles administratifs, des routes et des autoroutes.

Autoroute Ebibeyin-Bata
Autoroute Ebibeyin-Bata

L’air qu’on respire sent le neuf, le beau, le propre. Dans ce chef-lieu de la province du Kié-Ntem, il suffit de débourser 3000frs CFA pour vous rendre à Bata, la capitale économique, 221km d’autoroute suffisent alors pour déguster l’air frais du progrès, et déguster la saveur du développement.

Une vue du paysage Equato guinéen
Une vue du paysage Equato guinéen

Le gouvernement a décidé d’initier les chantiers partout, y compris à Mongomo, autre ville hôte de la CAN 2015, ville natale du président Obiang Nguéma. Pour s’y rendre, deux choix de route parfaitement bitumées que l’on se demande pourquoi dans le Cameroun voisin, les marchés publics ne peuvent pas faire aussi bien. C’est sans doute parce que, malgré les accusations de dictature qui lui sont opposées, le président du pays est lui-même architecte et superviseur des travaux. On l’a aperçu récemment à l’hôtel Immaculada (une sorte de Hilton du coin), sans escorte ni fanfare, pour s’assurer du bien-être des sélections nationales qui ont séjourné à Ebibeyin.

Façade de l'hôtel Immaculada
Façade de l’hôtel Immaculada

« Il aime beaucoup cette ville », me confiera Sophia, une camerawoman, chasseuse d’images pour le ministère des affaires étrangères de la Guinée Equatoriale. C’est vrai que quelques mois plus tôt, le 12 Octobre 2014, jour de fête nationale ici, le président avait délocalisé la fête de la capitale, pour y inaugure ici  un nouveau boulevard pour le défilé. Que dire alors de ce stade de football de la CAN, petit certes, mais qui m’a ébloui lorsque j’ai foulé sa merveilleuse pelouse. « Ce stade a été construit aux normes FIFA en deux mois seulement », me dit fièrement Germain Ntchama, le Directeur Général de Radio Ebibeyin ( filiale de la RTVGE-Radio Télévision de Guinée Equatoriale-). Une radio internationale, puisqu’elle est la seule qui arrose les ondes FM des trois frontières : Gabon, Guinée Equatoriale et Cameroun. Du coup, Radio Ebibeyin bat le record d’audience jusqu’à Ebolowa au Cameroun, Oyem au Gabon, et Mongomo, qui se trouve à 73km.

Voiture de la RTVGE
Voiture de la RTVGE

 Il y’a dans cette nouvelle Guinée Equatoriale un message fort à comprendre derrière cette CAN dont personne ne voulait à deux mois de l’échéance et après le forfait marocain, il y’a dans cet investissement, la marque certaine d’une communication internationale là où rien n’est laissé au hasard. La Guinée Equatoriale m’a cloué le bec ! Voilà donc un pays d’à peine un million d’habitant, qui a 6 fois le PIB du Cameroun, et qui donne une claque à ses voisins immédiats (Gabon et Cameroun) qui le narguaient jadis.

Stade d'Ebibeyin
Stade d’Ebibeyin

Pas étonnant donc de voir ces candidats à l’immigration se faire refouler systématiquement d’ici. « La Guinée Equatoriale est jalouse de son succès, et l’étranger n’est pas toujours le bienvenu » me lance Blaise-Désiré Aboudi, un promoteur culturel qui est venu à Ebibeyin, sous invitation d’un équato-guinéen afin d’animer les sélections de football chaque soir avec des concerts. Mais comment peut-il traiter ce pays de xénophobe, si lui-même a pu venir ici avec tout son orchestre et des artistes camerounais tels que Valdez ou Marthe Minko. Mais comment peut-on traiter un pays de xénophobe si 75% de la main d’œuvre est étrangère ? Comment peut-on traiter un pays de xénophobe quand sur les 26000 habitants qui peuplent Ebibeyin, 15000 sont des étrangers ? Comment peut-on traiter ce pays de xénophobe alors que le président, conscient que ses tous voisins sont des francophones, a fait du français la 2ème langue officielle du pays, après l’espagnol, pour mieux communiquer avec ces voisins ? Comment peut-on traiter ce pays de xénophobe quand on décide de construire à Malabo 52 villas pour chacun des 52 Chefs d’Etats africains ?

Parc de la Cathédrale
Parc de la Cathédrale

Non ! La Guinée Equatoriale n’est pas parfaite mais ses populations ont le sourire, du moins, c’est ce que je vois dans la voiture de Germain Ntchama me promenant dans sa « ciudad » avec un air de chant chorale. C’est vrai, dans ce pays, 95% de la population est catholique. Alors, lorsqu’on entre dans la cathédrale d’Ebibeyin, tout autour, ce sont des parcs qui font de ce lieu, un univers sacré, mais une aire d’accueil. A l’intérieur, Jésus et les Saints sont tous noirs. Une autre manière de faire les choses ici en Guinée Equatoriale où on s’approprie les symboles européens avec une touche toute africaine.

Cathédrale d'Ebibeyin
Cathédrale d’Ebibeyin

C’est toute cette ville d’Ebibeyin qui sent la modernité et l’hospitalité. Pas étonnant de constater que le Maire, Melchor Moto passe son deuxième mandat à la tête de l’exécutif communal presqu’en « sifflotant ». Oui, la Guinée Equatoriale m’a cloué le bec ! Non, ce n’est pas un pays xénophobe, parce que Ebibeyin signifie ici en langue fang « la terre qui accueille les étrangers », et ce n’est que trop vrai.


La Région du Centre au Cameroun : Une grande malade de la Polio.

Au Cameroun, la Région du Centre abrite Yaoundé, siège des institutions. Elle s’étend sur une  superficie de 74 054 Km2. Sa population de 2015 est estimée à 4 098 592 habitants (soit 19% de la population nationale). C’est donc le premier poids démographique du pays. Avec une densité de 53 habitants au Km2, 70% de la population vit en zone urbaine La majorité se retrouve à Yaoundé.

Pendant les périodes de braise du Cameroun au début des années 1990, le président Biya avait déclaré : « Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit ». Cette formule était devenue le crédo d’une administration centrale qui prenait les de la capitale comme étant les échantillons de tout le pays. Malheureusement, aujourd’hui on doit très vite déchanter face à cette formule, on doit l’avouer, un peu dépassée. En prenant pour exemple les campagnes de vaccination contre la polio, les chiffres officiels du Cameroun montrent que la Région du Centre qui abrite la capitale Yaoundé, affiche des résultats alarmants quant à la couverture vaccinale, le nombre de parents informés ou encore le nombre d’enfants manqués lors du passage des équipes vaccinales.

Tableau 1 officiel ( Ministère de la Santé Publique).

Taux d'enfants manqués par la vaccination au Centre
Taux d’enfants manqués par la vaccination au Centre

Tableau 2 officiel ( Ministère de la Santé Publique).

Parents informés et Enfants manqués dans le Centre
Parents informés et Enfants manqués dans le Centre

Les responsables d’association, les autorités administratives, municipales et parlementaires se sont donc penchés le 19 Janvier 2015 autour du Gouverneur de la Région du Centre, Otto Joseph Wilson, et Félicité Tchibindat, Représentante de l’Unicef au Cameroun afin de modifier les mauvais indicateurs de la Région du Centre. Parmi les défis relevés, il s’agit principalement de :

  • l’amélioration du niveau d’information des parents en 2015 ;
  • la réduction des cas refus ;
  • la réduction du nombre d’enfants manqués: Adoption des stratégies pour atteindre la cible ou elle se trouve (marchés, champs, églises, mosquées, points de péage, gare routière, etc.)
  • Amélioration de l’implication des autorités a tous les niveaux.

Pour que tout cela ne reste pas qu’un vœu pieux, ce forum des gouverneurs a réuni toutes les forces vives de la Région et toutes les difficultés ont été relevées, notamment l’enclavement de certaines localités, la synergie du niveau d’information entre les acteurs de l’acte vaccinal et les milieux de vaccination (écoles, églises, etc.) et d’autres problèmes spécifiques et pertinents qui ont été mentionnés.

La région du Centre souffre particulièrement d’une mise œuvre faible des campagnes de vaccination comme en témoigne ce tableau:

Tableau 3 officiel ( Ministère de la Santé Publique).

 Districts de Santé et Taux de vaccination dans le Centre.

Districts de Santé et Taux de vaccination dans le Centre.

Les  deux cas de polio recensés dans cette région (à Yoko et à Djoungolo) montrent que l’éradication de la polio dans cette région sera un moteur pour le reste du pays. On dira alors : « Tant qu’il n’y a pas de polio à Yaoundé, le Cameroun n’aura plus de polio ».


De Yaoundé à Ebebiyin, la polio fragilise le Football !

Depuis Octobre 2013, le Cameroun a enregistré 10 cas de polio dans son territoire. Ce virus dangereux et contagieux  paralyse les individus qui n’ont pas été vaccinés. L’attention de toute l’Afrique étant portée en ce moment sur la 30ème édition de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations de Football), les slogans de la CAF (Confédération Africaine de Football) sont orientés essentiellement vers la lutte contre le virus Ebola. Pourtant, la  poliomyélite a été déclarée « Urgence de santé » au niveau mondial depuis 2012 et le Cameroun est, avec la Syrie et le Pakistan, pays exportateur de la poliomyélite depuis la résurgence du poliovirus sauvage au Cameroun, avec une propagation des cas vers les pays voisins notamment la Guinée Equatoriale, pays hôte de cette messe du football. L’enjeu de la polio est donc international, car tant qu’il y’aura un seul cas de polio recensé dans le monde, personne ne sera à l’abri de cette maladie dont l’éradication est capitale pour les enfants de toute la planète. La CAF et la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), s’étaient engagés auprès de l’IMEP (Initiative Mondiale pour l’Eradication de Polio) en mettant en exergue des messages pertinents lors des rencontres de football de la 22ème édition de la CAN co-organisé par le Ghana et le Nigéria en 2000.

Kick Polio out of Africa

 Aujourd’hui, le Nigéria qui est un pays endémique a amélioré ses indicateurs, alors que le Cameroun son voisin est devenu exportateur de la polio. Le virus venant du Cameroun a été également retrouvé à Sao Paolo, pendant la coupe du monde de Football en 2014. Juste à côté de lui, Ebébiyin ville frontalière  de la Guinée-Equatoriale, accueille quelques rencontres de la CAN 2015, et malheureusement, le flux des populations entre les deux pays est une porte ouverte à la circulation du virus. Le Cameroun a aussi exporté son virus en Guinée Equatoriale.

Stade de Football d'Ebebiyin
Stade de Football d’Ebebiyin

C’est à trois heures de route de là, à Yaoundé, capitale du Cameroun que plusieurs leaders, chefs traditionnels, parlementaires, autorités administratives, religieuses et associatives, se concertent à Yaoundé pour lutter contre la poliomyélite. C’est au palais des congrès de Yaoundé à l’occasion de la plateforme « Forum des Gouverneurs », les 19 et 20 Janvier 2015, après la première édition tenue du 18 au 19 décembre 2014 à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord. Sur les 10 cas recensés depuis un an au Cameroun, 2 cas proviennent de la Région siège des institutions au Cameroun(les districts de santé de Yoko et de Djoungolo en l’occurrence). Par ailleurs, pendant les campagnes de vaccination, seulement 90% des parents sont informés. Autres chiffres alarmants, on compte jusqu’à 6% d’enfants manqués dans les ménages et 8% en dehors. C’est dire si les 30 districts de santé, les 275 aires de santé et les 800 formations sanitaires de la Région du Centre nécessitent une surveillance et une vigilance de tous les instants. «  Ce forum est tout simplement la manifestation d’un acte d’amour pour l’enfant camerounais ; pour sa santé et son développement harmonieux » dira Madame Félicité Tchibindat, Représentante de l’UNICEF au Cameroun dans son mot introductif. Elle poursuivra en précisant qu’ « il s’agit aujourd’hui de poursuivre ce plaidoyer pour le renforcement du partenariat et de capacités des acteurs clés de la région. Cette plateforme de l’ensemble des décideurs et leaders, sous l’impulsion du Gouverneur, vise à réaffirmer un des droits fondamentaux de l’enfant, le Droit à la Vaccination ».

Forum Centre

 Le Gouverneur de la Région, Otto Joseph Wilson se montrera ferme pendant son discours pour rappeler à ses collaborateurs, l’importance de se mobiliser et faire vacciner les enfants de leurs localités respectives. « Quand j’étais enfant, les campagnes de vaccination n’étaient pas systématiques, et dans ma famille, on a tous attrapé la rougeole » dira t-il avant de demander à l’assistance du palais des congrès de se mettre à la place d’un enfant qui est paralysé au 21ème siècle alors que la vaccination est devenue systématique. C’est par cette médiation subtile que le 2ème forum des gouverneurs contre la polio s’est ouvert à Yaoundé, afin que plusieurs enfants du Cameroun ne soient pas privés de leurs jambes, et qu’ils puissent les utiliser un jour dans un stade de football et être les futurs buteurs de la CAN.


Boko Haram : pour une fin si tragique ?

Terroristes tués à Kolofata, Janvier 2015
Terroristes tués à Kolofata, janvier 2015

Des morts entassés dans des camions militaires, c’est ce qu’on appelle des « trophées de guerre ». Dans la guerre communicationnelle qui oppose le Cameroun aux djihadistes de la secte Boko Haram, on a parlé de 143 personnes tuées du côté des terroristes, le lundi 12 janvier 2015 à Kolofata (Extrême Nord du Cameroun). On applaudit à Yaoundé et dans les chancelleries, car c’est une riposte à la terreur, et c’est aussi une réponse éloignée géographiquement certes, mais une réponse quand même à ce qui s’est passé quelques jours plus tôt à la rédaction de Charlie Hebdo. Oui, le terrorisme n’a plus de frontières, c’est devenu une nébuleuse contagieuse qui transparait comme une invite à une réponse planétaire. Du coup, dans cette guerre idéologique entre les partisans de la liberté et les partisans de la terreur et de la barbarie, tant de cadavres entassés c’est un message fort, inéluctablement.

 Mais  alors, je ne puis m’empêcher d’exprimer mon indignation face à ces corps, visiblement des corps de jeunes, embrigadés et enfermés (sans doute de bonne foi) dans leur envie de voir un monde différent, un monde dans lequel ils ne se reconnaissent pas ou plus. Alors, ils répandent la terreur et imposent leur loi de la force, et reçoivent l’effet boomerang de la force de la loi. Malheureusement, je pleure sur la dépouille de ces jeunes, et je leur demande : pourquoi tout cela ? Pourquoi finir comme carcasse au nom d’une cause si perdue ? Pourquoi penser que le refus de l’école occidentale « Boko Haram », c’est justement de tuer avec les mêmes armes lourdes de l’occident ? Pourquoi se laisser endoctriner autant ? Quelle fierté laissez-vous à vos parents ? Quel idéal justifie votre fin si pathétique et si tragique ?

Evidemment, aucun de ces 143 cadavres de Boko Haram ne me répondra. Sans doute, en me faisant un peu médium, je devinerais toutes sortes de réponses, mais à toutes, je demanderais simplement pourquoi ne peut pas utiliser l’arme légale pour légitimer son action ? L’arme légale qui est le dialogue, le militantisme pacifique, le débat d’idées, contradictoire sans doute, mais fait du respect de l’autre, des différences et même des différends. La violence engendre la violence, et même si les morts viennent de Boko Haram, j’ai une pensée émue pour chacune de vos mamans qui vous ont porté 9 mois dans leur sein, et qui vous ont toutes accouché dans la douleur, et beaucoup auront un dernier souvenir de vous dans…la douleur.

Encore des morts, toujours des morts ! Aucune idéologie ne justifie la mort, aucune ! Chantons l’hymne à la vie, jeunes gens, votre place est dans la vie à goûter et à croquer à pleines dents. Votre place est dans la pensée d’un monde meilleur, et qui ne le sera qu’avec des idées et des actions meilleures.


Parce que le dessin peigne les mauvais desseins

« Ce message de liberté, nous continuerons de le défendre en leur nom » dit le président François Hollande dans son allocution de ce 7 janvier de triste mémoire. C’est un jour de Noël, le Noël des églises chrétiennes d’Orient, une fête religieuse obscurcie par un acte pseudo-religieux. La rédaction de Charlie Hebdo décimée de ses génies.

Se joindre à l’émotion collective de la France est un devoir en tant que journaliste. La liberté de la presse est de plus en plus malmenée dans le monde, alors oui, « ce sont aujourd’hui nos héros », pour reprendre l’expression du président français. Je ne suis pas Charlie peut-être, car je n’ai jamais lu cet hebdo, et je n’ai jamais su dessiner à vrai dire. Mais au moins un jour, j’ai lu les œuvres de quelques illustrateurs, caricaturistes et autres dessinateurs de presse. Que serait le marathon des expressions illustrées de Marnie, l’illustratrice que Mondoblog est si fier d’avoir. Que serait la liberté de presse à Abidjan, sans l’humeur nègre de Babeth, elle aussi caricaturiste ?

Alors, qu’on ne nous fasse pas croire que ces gens ont juste payé le prix du terrorisme ou du fondamentalisme. Ils ont payé le prix de ce que nous faisons chaque jour dans nos journaux, télés, radios, blogs, et rédactions web. Je ne suis pas Charlie, car dans mon pays, on s’en fout de Charlie, les autorités du moins. Dans mon pays, ce sont elles, les Charlie . Elles montent au créneau chaque fois que le pays est mal positionné dans un classement international, ou lorsque la presse étrangère ose s’attaquer aux problèmes de fond du pays. Que dire des journalistes qui sont censurés par leurs rédactions, elles-mêmes craignant la répression toujours plus accrue d’un Conseil national de la communication battant les records de suspension de journalistes. Plus grave, l’autocensure de certains journalistes, à la solde du pouvoir et de certains ministres, refusant l’information et privilégiant l’intox. Parfois, j’ai honte de cette presse. Non ! Chez nous, on n’est pas des Charlie. La presse se musèle, car elle a plus peur de la liberté que de ses bourreaux.  Triste pays, ici, ceux qui tirent sur Charlie, c’est le système qui broie toute velléité de dire les choses, de désacraliser les hommes, les institutions, le système. Or, la force de Charlie Hebdo, c’était la désacralisation, l’anticonformisme, l’impertinence. Mettez en avant ces piliers dans mon pays, et vous voilà « guillotiné » par des gens zélés qui vous diront que vous n’êtes pas « un patriote ». La violence d’Etat ou la violence d’une religion, c’est du pareil au même. Les totalitarismes et les fondamentalismes puisent tous à la même source : la terreur.

Alors, oui, nous sommes en#‎solidarité ‪#‎NousSommesCharlie. Nous sommes tous Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, ces quatre dessinateurs qui avaient pour seul but d’informer en amusant. « On veut faire rire, mais on nous menace de mort », déclarait Cabu dans une touche d’humour dont lui seul avait le secret. Mais la mort est bel et bien arrivée, et comme un signe prémonitoire, le dernier dessin de  Charb (Stéphane Charbonnier) parle de lui-même :

Dessin de Charb

Le pire arriva donc cette matinée du 7 janvier 2015. Les images montrent des individus qui prétendent venger le prophète Mahomet. Mais délire ! Mahomet ne leur a rien demandé. Il n’a surtout pas demandé de tuer, car quand Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamiste) et tue au Mali, il y a des musulmans parmi les victimes. Quand Boko Haram pille et massacre à l’extrême nord du Cameroun, plusieurs musulmans et musulmanes perdent la vie. Quand Daech assassine en Irak, les victimes sont avant tout musulmanes.Alors, oui,quand on tue prétendument au nom d’une religion, le dessin de Charlie peut calmer le dessein malveillant de l’intolérance, de la guerre et de la violence. J’ai beaucoup d’amis musulmans, les stigmatiser aujourd’hui est un tort, mais comme dans toutes les religions, le fondamentalisme et l’intégrisme sont inacceptables. Toutes les organisations cultuelles ont des choses à se reprocher, et toutes accouchent malheureusement de ces « fous de Dieu » qui ont oublié que ce Dieu-là habite chez le « prochain ». La seule religion au monde, c’est celle qui met l’homme au centre des préoccupations, et cette religion a désormais un nom : Charlie.


Positive Black Soul: Dakar is Back Again !

Tendez l’oreille à la régénérescence de l’éternel présent, et vous sentirez vibrer en vous, les décibels en provenance d’une des plus belles capitales d’Afrique, Dakar ! Que sais-je de Dakar ? Tout ce qu’on profane devrait savoir sans y avoir foulé le pied que par le biais de son imaginaire, c’est-à-dire pas grand-chose. Je ne connais pas Dakar, même si j’y ai été guidé par les souvenirs prospectifs de William Bahiya, foulant avec lui « les entrailles des quartiers de Ndakaru ». Dakar, c’est aussi, mon devoir de mémoire vis-à-vis de ce site culturel et touristique qu’est l’île de Gorée. « Mais très vite, le silence retombe. Sitôt franchi le seuil de la Maison des esclaves », nous dira la tendre Raphaëlle Constant  qui a passé une journée à Gorée. Enfin, les mondoblogueurs (Ameth, David Kpelly, Baba le blogueur Centro,  m’ont fait découvrir toutes les facettes du riz sénégalais. Le fameux thiébou dieune ou le poulet Yassa sont régulièrement dégustés à Yaoundé, lors des journées gastronomiques des pays francophones. Je ne rate jamais de m’aligner devant le stand de ce Pays, car ces mets sont succulents et délicieux.  Francophonie ? Mais oui, en 2014, c’est Dakar qui a accueilli le sommet de la Francophonie qui a consacré une femme à la tête de son organisation, pour la première fois de son histoire.

Voilà pour le Dakar institutionnel, j’ai envie de dire. Le Dakar des clichés, auxquels j’ajouterais sa solide force de revendication. Vu d’Afrique Centrale, un tel mouvement serait un blasphème, car au Gabon comme au Cameroun, celui qui dit « y’en a marre » subira certainement la force répressive de l’armée. Du coup, on salue le courage de ces journalistes, rappeurs et étudiants sénégalais, qui ont permis l’alternance démocratique entre le président Wade et son successeur Macky Sall. C’est bien connu, Dakar est une des rares capitales francophones dans lesquelles la démocratie se conjugue à l’éternel présent. Il faut saluer ainsi le courage de deux figures emblématiques de la musique sénégalaise, Youssou N’dour et Didier Awadi qui avaient sorti chacun le même jour, une chanson contre les délestages à Dakar. Le titre Dafa Doy, (« Y’en a marre ») de Didier Awadi sera le symbole de cette jeunesse Dakaroise qui crie son ras-le-bol.

Mouvement-Yen-a-marre

Pourtant, Didier Awadi n’est pas né avec ses courants de revendication. Il a plutôt navigué dans un courant qui imposait à son statut d’artiste, de prendre sa responsabilité d’être engagé. Cet ancien Dj, animateur, et danseur de smurf dans les années 1984, fondera avec Doug E Tee, le PBS ( Positive Black Soul), groupe de hip hop qui germera dans les années 1990 à Dakar, avant d’attendre l’apogée en 1994, où les villes comme Zurich, Bourges et Lausanne, ainsi que des maisons d’éditions comme EMI, VIRGIN, DELABEL, chantent les louanges de ces nouveaux philosophes sociaux qui empruntent au panafricanisme. Leur titre  Boul Falé, titre de leur premier EP sera récupéré par la jeunesse du pays et même par les lutteurs, célèbres sportifs adulés du pays, pour en faire un slogan de conscience nationale. Même si le PBS va souffrir de la concurrence des groupes comme comme Daara J,Pee Froiss, Rap Adio, BMG 44, Da Brains…le groupe restera solide au début des années 2002 avec l’album de 16 titres, « Run Cool ».

PBS Les Fondateurs

  La suite est un délice. Didier Awadi dans sa carrière solo, nous dit dans ses chansons « qu’un autre monde est possible » titre de son deuxième album paru en 2005. Comment voir en cet enfant né en 1969 d’un père béninois et d’une mère capverdienne, sa citoyenneté dakaroise ? C’est que, dans son quartier si bien nommé « Amitié », Didier prouvera qu’être Dakarois, c’est avant tout aimé la cité dans laquelle on est né. Lorsqu’en 2002, il sort son premier album solo Kaddu Gor, il sera lauréat du prix RFI Musiques du Monde en 2003.  Quand en 2010, il sort l’album « Présidents d’Afrique », dans lequel son titre « Dans mon rêve » fera de lui certainement, le Martin Luther King africain. Son 4ème album, «  Ma révolution » c’est une dédicace à tous les combattants et ses frères qui « luttent ».  Merci Didier Awadi, merci à toi, Dakar, d’avoir fait naitre un tel génie. Réalises-tu la chance que tu as d’avoir Didier Awadi ? Oui, Dakar, danse le Mbalax, chante le Wolof et le Toucouleur, par une un zeste d’anglais, sur un français limpide signé PBS. Le groupe est de retour en 2015, et le titre : « Back Again » (de retour) marque les 25 ans d’un groupe mythique, dont les fondateurs ont décidé de se réconcilier pour notre plus grand bonheur. Pour sûr, Dakar is back again, alors, dégustez le clip !


Gâchis de Noel à Yaoundé !

Oh, fête de Noel si puérile à Yaoundé ! Une fête qui fait descendre sur l’esprit des citadins de la capitale camerounaise, une odeur pestilentielle d’empressement, de surexcitation et surtout de profusion.

C’est le Noel des mondanités, là où toutes les chapelles (religieuses, commerciales, politiques, médiatiques) sortent le grand jeu pour appâter des adeptes de plus en plus incrédules. Le mois de Décembre dans la capitale du Cameroun c’est la course à un poulet plus cher, mais qui ne pèse pas plus grand qu’un pigeon. C’est le fameux mois du double salaire gouvernemental. Mais, attention ! Il ne s’agit pas du 13ème mois, mais bel et bien du 12ème mois par anticipation, pour 10 jours sans plus de dépenses toujours incontrôlées. Des gens qui crient, d’autres qui courent et ceux qui attendent la moindre occasion pour arracher un sac, ou agresser un passant nocturne et lui soutirer son maigre salaire pris au distributeur. La rue a un parfum de marché partout dans la ville. Coiffeurs, couturiers, vendeurs de vivres, brasseurs, taximen, décorateurs, boutiques de jouets, tous émettent des aimants qui provoquent la ruine prochaine de nos maigres porte-monnaie. Chaque voix qu’on entend à l’intérieur des gens c’est « dépense ! Dépense ! »

Marché de Noel à Acacias, Yaoundé
Marché de Noel à Acacias, Yaoundé

Oui, dans une radio de la place, un panéliste d’une émission spirituelle nous annonce que la fête de Noel est «  une occasion pour la hiérarchie de l’au-delà de se nourrir de nos éthers. Nos éthers ce sont les émotions, les chants, les animations, et toute l’effervescence autour de la fête de Noel. Ces êtres désincarnés de l’au-delà sont des voleurs de nos énergies et profite de l’esprit de Noel pour plonger l’humanité dans une exagération tout azimuts ».  Si on fait un peu attention aux propos de ce monsieur, peut-être a-t-il raison au fonds. Car, qu’est-ce qui peut justifier tant de débauche d’énergie ? Qu’est-ce qui peut expliquer tant de bousculade, tant d’excitation, tant de klaxons, tant de bouchons ?

Accident de Noel, quartier Biyemassi, Yaoundé
Accident de Noel, quartier Biyemassi, Yaoundé

C’est un Yaoundé qui siffle le début d’une rencontre sportive dans laquelle les gens usent et abusent de leur force mentale, physique et émotionnelle pour commémorer disent-ils, l’anniversaire d’un être qui serait né le 25 Décembre d’il y’a plus de deux mille ans. C’est ce que dit la légende chrétienne, mais on le sait très bien, le 25 Décembre est la naissance de tous les dieux solaires, dans toutes les mythologies du monde : hindou, assyrienne, babylonienne, grecque, romaine, etc. Tous les panthéons religieux nous montrent que les divinités solaires sont plus ou moins apparentées à ce 24 Décembre à minuit. Alors, il est évident qu’une force spéciale descend à Yaoundé dans cette période et puise dans l’imaginaire de ses habitants, au profit de tous les excès. C’est le mois de la débauche féminine, embrigadée par cette mauvaise mode qui veut qu’une fille qui n’est pas accompagnée en Décembre, n’est pas une vraie panthère camerounaise. Chacune veut son histoire à raconter à la rentrée en janvier. Et toutes rigoleront des mêmes concerts, des mêmes mets dégustés, des mêmes avenues empruntées, des mêmes sms échangés et des mêmes émissions regardées. Et le Noel d’après ? Rebelote ! En somme, rien de nouveau sous le soleil, mis à part cet acharnement chaque année à s’appauvrir un peu plus dans le pays de Paul Biya. Il y’a dans cet éternel recommencement un moutonnement incompréhensible. La fête de Noel c’est la grande kermesse à Yaoundé, dans laquelle le Père Noel est chinois avec ses bibelots, ses guirlandes et ses choix. Le styliste est arabe, car ses marques de chaussures ont transité par Dubaï. Le riz est thaïlandais ou indien, et le sapin est européen. Vous l’avez deviné, ce n’est pas une fête africaine, mais si bouddhistes, hindouistes et musulmans s’y impliquent (au moins économiquement), c’est que dans ces carillons, chacun chante sa partition d’une fête universelle aux forts accents galvaudés. J’ai regardé et observé le mouvement des pickpockets au marché Acacias. Ici, dans le  6ème arrondissement de Yaoundé, même la friperie a un goût de luxe, pourvu que les jeunes filles qui bataillent ici trouvent un string ou un soutien-gorge convenable à … la fête ! Plus loin, la vendeuse de tomate hurle pour rappeler que la tomate de Noel a une saveur particulière.

Accident de Noel, copyrights-DANIA EBONGUE
Accident de Noel, copyrights-DANIA EBONGUE

En traversant la route, j’assiste bouche bée à cet incroyable dépassement d’une moto devant un taxi, lui aussi déchaîné par la vitesse. Il faut faire vite car la recette de Noel elle aussi doit doubler ou tripler, au profit des prochains litres d’alcools qui seront ingurgités ou urinés.Malheureusement, le motard et le chauffard entrent en collision : Du sang par terre, la tête du motard tombe avec violence sur le bitume chaud de Yaoundé. Il est inconscient et directement évacué aux urgences. Son Noel se passera au mieux en réanimation, au pire à la morgue. Là bas aussi, la fête bat son plein à Yaoundé, au nom du gâchis !


Hé, Camair-Co ! Trop c’est trop !

J’ai pourtant appelé le call center de la compagnie nationale aérienne du Cameroun hier. On m’a dit : « Tous les vols de cette semaine seront à l’heure ». J’aurais dû pourtant croire cet autre agent de Camair-Co, un interlocuteur secret, qui lui, m’a parlé de « légers retards à prévoir »  sur les vols de cette semaine. Mais alors, quand on envisage un « léger retard », ne serait-ce pas plus simple d’informer la clientèle ? A Camair-Co, on n’y a pas pensé. La compagnie aérienne camerounaise, née des cendres de sa défunte aînée la Camair, est une étoile qui ne brille plus. D’ailleurs, a-t-elle jamais brillé ?

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Souvenez-vous de mon billet de mai 2014, à mon retour d’Abidjan, lorsque je disais comment cette compagnie justifie sa réputation d’Air Peut-être. Un agent du service de la communication de cette compagnie ayant lu mon billet, m’avait alors envoyé un tweet pour s’excuser au nom de la compagnie et m’avait même promis un dédommagement pour les misères causées par ce vol incroyablement horrible. Quelques mois plus tard, je n’ai plus eu de nouvelle de ce correspondant étrange, qui m’a bien berné alors. Il ignore que depuis lors, j’ai fait 7 autres voyages avec cette même compagnie, mais rien n’a changé. La dernière fois à Garoua, le vol a été carrément reporté de 24 heures, sans dédommagement, sans excuse officielle de la compagnie. « On est au Cameroun », me souffle quelqu’un. Ici, les choses normales sont anormalement rares. Entre-temps, un nouveau directeur général a été nommé à la tête de la compagnie. C’est le troisième en 5 ans. A croire que celui qui les nomme ne sait pas qu’il ne suffit pas de nommer un DG pour que les choses bougent. Le problème de Camair-Co est systémique. Cette compagnie est à l’image de l’administration camerounaise tout entière. Elle est gérée par embuscades et ses agents trouvent des excuses pour valider leur amateurisme. Mon interlocuteur de la compagnie me disait hier que « Camair Co souffre de son manque de moyens et de l’absence d’une flotte suffisante ». C’est vrai qu’une compagnie qui n’a que trois avions (et dont un seul qui fait toutes les destinations domestiques et africaines), ne peut que mettre ses nombreux clients dans l’embarras. Tant pis pour vous si vous avez un rendez-vous important, une réunion, un forum ou quelque autre urgence. C’est le vrai taxi-brousse je vous dis.

C’est vrai que Camair-Co attend désespérément aussi les nouveaux avions tant promis à grand renfort de publicité par le gouvernement. Après avoir loué et salué les acquis des avions chinois, un ministre camerounais a couru dans tous les médias pour claironner le salut prochain de la compagnie nationale.

Aujourd’hui, ce ministre ne dit mot. Il semble même absent des ondes. La honte n’existe pas dans l’administration Biya, encore moins la notion de démission. La rumeur ne parle plus des avions chinois, mais plutôt brésiliens. En attendant peut-être un jour des avions slovaques ou tibétains, que sais-je, tout semble aller dans le sens de la cacophonie, preuve que certains de nos dirigeants n’ont rien à branler de ce pays. Ce qui est importe ce sont les avantages de leurs postes et de leurs fonctions. Camair-Co est donc, à l’image de ce Cameroun moribond. J’ai demandé à mon interlocuteur de dire aux dirigeants de sa compagnie de réduire leurs avantages, leurs primes et leur train de vie. Il m’a répondu que c’est l’Etat qui n’honore pas ses engagements vis-à-vis de la compagnie. Soit ! Mais est-ce à l’Etat de programmer les avions à l’heure ou de prévenir les passagers à temps quand un avion aura du retard ? Est-ce l’Etat qui améliorera la qualité du service à bord ? Est-ce l’Etat qui va professionnaliser l’attitude des agents de la compagnie ?

 A toutes ces questions, il ne m’a pas répondu et je crois qu’il a bien fait. Car, ce mardi matin, c’était la catastrophe à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen. Le vol prévu à 8 h 25 a décollé finalement à 10 h 35. Une fois dans l’avion, une simple annonce nous dit que « le retard a été causé par notre escale à Lagos », comme si on ignorait que c’est un seul avion qui assure les vols Camair-Co et que fatalement, des retards sont observés ici et là. Par contre, que des gens soient là depuis 5 h du matin, et que dans le vol conduisant à Douala, même pas un café n’est servi, la surprise est totale, mais loin d’être aussi grande que celle du trajet Douala-Maroua, pendant lequel on a encore observé une rupture de sandwichs. Je pensais être le seul à m’en offusquer, mais visiblement, de nombreux passagers étaient courroucés, surtout ceux qui attendaient à Yaoundé depuis le petit matin. Quand je regarde le prix de mon billet d’avion (233 000 FCFA), je me demande comment un sandwich qui n’a pas la taille de mon orteil ne peut être servi. A Camair-Co, la notion de service n’est visiblement pas la priorité. Je ne vous parle même pas de l’absence d’un journal à lire dans l’avion, ni d’un divertissement (film, musique ou jeu). Non ! A Camair-Co, les vols sont pleins, les billets sont chers, mais on vous raconte qu’on attend les subventions de l’Etat pour avoir un sandwich convenable, un service de qualité et un plan de navigation impeccable. Non ! A Camair-Co, le professionnalisme est une denrée rare. La communication, les relations publiques et le marketing sont à fouiller dans les poubelles. Le suivi de la clientèle est inexistant. Mais ce qui me choque, c’est qu’il s’agit là d’une compagnie nationale et publique, vitrine du Cameroun. Que pensent ces passagers de Cotonou, Libreville, Brazzaville, Lagos, etc. de cette compagnie ? Que pensent-ils simplement du Cameroun ? Cela apparemment ne gêne pas les autorités du Cameroun, cela ne gêne pas les ministres en charge du transport et du tourisme. C’est dommage ! Nous sommes finalement arrivés à Maroua autour de 14 h. Aucune excuse officielle. Le retour à Yaoundé me fait déjà frémir.

 


Léonora Miano, la plume que j’ignorais, Chapitre II.

Le 7 Novembre 2013, j’écrivais un  billet intitulé Léonora Miano, la plume que j’ignorais. C’était au lendemain de son prestigieux prix, le Fémina, pour son roman,  la saison de l’ombre. Je t’ai donc rencontrée aujourd’hui, pour la première de ma vie, ce matin du 8 Décembre 2014. Ton regard en disait long, plus long que ta simple production littéraire de onze ouvrages en 10 ans. Je t’ai demandée si avec une telle consécration, tu pouvais prendre déjà ta retraite, tu m’as répondu : « il faudra que j’y songe à un moment de prendre ma retraite ».

Léonora Miano
Léonora Miano

En fait, au-delà de la fascination et de l’admiration que je peux avoir pour toi, c’est surtout ta trajectoire afro-diasporique que tu revendiques qui m’a ébloui ce matin. Tu dis « je ne suis pas une afropéenne, mais une immigrée qui a eu des problèmes de papier en France ».  Tu ne fais pas dans la langue de bois, et tu es loin du politiquement correct, sans compter les répliques quelque peu désobligeantes que tu as lancées aux journalistes qui sont venus te voir ce matin. C’est là que le côté star est visible, avec tout ce qu’il possède d’arrogeant, de détestable et de répulsif. Mais cela n’a pas altéré pour autant la grandeur de l’écrivaine que tu es. Tout d’abord par la panoplie de tes prix reçus, une reconnaissance internationale avérée sans doute. Il y’a aussi la reconnaissance du gouvernement camerounais, ton pays d’origine, qui a mis ton œuvre L’intérieur de la nuit  au programme des classes de seconde. Il y’a enfin ta parfaite connaissance des sujets que tu abordes, notamment la traite transatlantique, dans l’œuvre La saison de l’ombre , dans laquelle tu nous plonges dans la réalité des conséquences de la traite au sein de ceux qui sont restés dans le continent.

Tu me combles plus loin, lorsque tu m’avoueras que ce roman a été le résultat de plusieurs recherches documentaires, notamment quand tu as approché un Roi du peuple Sawa au Cameroun, le PRINCE DIKA AKWA NYA BONAMBELA à travers son ouvrage LES DESCENDANTS des PHARAONS à travers l’AFRIQUE. Pour sûr que tu es une inspirée africaine, une initiée même, bien que tu aies refusé sèchement de me parler de ton ascendance spirituelle. « C’est du domaine privé, la spiritualité », m’as-tu dit avec un sourire tout à fait moqueur.

Dania et Léonora
Dania et Léonora

Mais tout cela c’est toi, une vraie Duala que tes 22 ans passés à l’hexagone n’ont pas altérés. D’ailleurs tu sais toujours dire « Ayo Mba ndé ! » comme pour marquer ton désarroi comme on sait le dire à la côte camerounaise. Et ton nom est si évocateur, Miano en Duala veut dire « Organisation, Planification, Programmation ». On lit et on voit en toi ces obsessions mémorielles de quelqu’un qui a cherché et trouvé ses racines identitaires, et qui vit dans la contemporanéité avec une aisance subliminale.  Tu es encore une fois la plume que j’ignorais, même si c’est difficile de lire en toi, comme dans un livre.


Amazing Anne Nsang!

Je ne suis pas de ceux qui font des oraisons funèbres pour se faire remarquer, surtout lorsqu’il s’agit de quelqu’un comme toi. Tu sais à quel point notre relation professionnelle était devenue si intime que ce jour-là, tu t’es longuement confiée à moi dans ta voiture. Je n’avais malheureusement pas le troisième œil pour percevoir tes adieux, il y a un an. Anne, où es tu ?

Anne Nsang
Anne Nsang

On me dit que tu es partie dans un aller simple entre Yaoundé et New-York. On me dit que tu es…décédée. Incroyable ! Toi si dynamique, si forte, si entreprenante, si innovante dans ce système des Nations Unies que tu as sorti de sa froideur protocolaire, pour lui insuffler à chaque fois cette dose d’humanité et de simplicité. Grâce à toi, les représentants-résidents des agences onusiennes de Yaoundé ont dansé, chanté et joué devant des élèves. Tu as humanisé le concept UN4U.

Anne Nsang dans une opération UN4U
Anne Nsang dans une opération UN4U

Et à chaque fois, tu m’associais. Je t’en voulais déjà de ne m’avoir pas associé à l’édition 2014, mais c’est là que j’apprends que tu étais en arrêt maladie depuis 6 mois. Je m’en voulais donc de ne t’avoir pas contactée depuis ce temps. Je comprenais dès lors pourquoi je ne recevais plus tes coups de fils, ni tes nombreux mails pour m’inviter à tel ou tel événement onusien, ou à telle animation dans un lycée ou dans un collège. Tout devenait clair dans ma tête. Ton silence était simplement évocateur de la maladie qui te rongeait. Maudit cancer ! Encore toi !

Anne Nsang en bleu dans une animation scolaire
Anne Nsang en bleu dans une animation scolaire

            Anne, on me dit que tu es partie ? L’histoire sait être cruelle. Tu viens pourtant d’enterrer ton papa et dans l’avion qui te ramène à poursuivre ton traitement, tu t’éteins paisiblement. Je guettais les images des obsèques de ton sénateur de père, et je cherchais ta silhouette sur laquelle on lisait ta tristesse mais aussi, beaucoup de dignité. Savais-tu seulement que tu allais le rejoindre moins d’un mois après ?  Ah, tu m’as bien eu hein Anne ? Tu m’as tant apporté comme grande sœur, amie, aînée journaliste et surtout, tu m’as forcé à améliorer mon anglais.

            You made me feel so proud to wear often the blue color of UN system. You brought me your experience and your leadership. You proved me that the world in a feminine line could be a beautiful and wonderful one. This evening, after the announcement of your death, I revise the memories of our common operations: cups, pens, shirts, exercise books, etc. All this has a perfume, a great fragrance of…you.

Comment pourrais-je vivre sans toi ? Comment pourrais-je oublier toute ta passion lorsque tu parlais des Objectifs du Millénaire pour le Développement ? Comment pourrais-je oublier quand tu m’as saisi d’urgence pour mobiliser la jeunesse camerounaise autour du sommet de RIO +20 ? Comment pourrais-je oublier ton caractère, ton perfectionnisme, ton abnégation. Tu étais toi, juste toi, une… Âme d’Anne.

Tu aimais les jeunes, et le choix de l’émission LES COPS D’ABORD pour tes opérations de communication n’était pas un hasard.

Merci Anne ! Merci Anne ! Merci Anne !