DANIA EBONGUE

Pleine lune à la Cathédrale de Chartres

En 1854, Monseigneur Pie déclarait : « J’ose le prédire, Chartres redeviendra plus que jamais le centre de la dévotion à Marie en Occident, et on y affluera comme autre fois de tous les points du monde ». Il avait raison. Moi aussi j’étais à Chartres. J’y ai vécu ma propre guérison.

Une cathédrale millénaire. Plusieurs fois détruite, plusieurs fois conquise, plusieurs fois reconstruite. J’y arrive un soir de pleine lune en ce décembre 2016. Elle se perche majestueusement au milieu de la ville de Chartres. Autour d’elle, se trouve le quartier administratif, mais également des boutiques souvenirs, des cafés, et des restaurants, pour rappeler la couleur touristique et culturelle de la ville.

En 1898, le romancier Joris-Karl Huysmans publiait « La Cathédrale », pour magnifier cet endroit. C’est vrai que personne ne peut venir ici et rester indifférent. Henri IV par exemple, fut sacré et couronné roi de France dans cette cathédrale, le 25 février 1594. C’est d’abord la porte de l’officialité qui me parle. Elle interpelle en moi tout ce qui a pu se faire ici comme rituels et comme cérémonies.

Ensuite les rues nous plongent dans une architecture qui ne date pas d’aujourd’hui, mais qui rappelle aux contemporains que les gens « avaient plus de cœur avant » comme le dit tonton Samuel à côté de moi.

Crèche de Noel à Notre Dame de Chartres

Plusieurs personnes avant moi ont confié leurs vies, leurs enfants, leurs problèmes à Notre Dame du Pilier. Parmi eux, les parents de Sainte Thérèse de Lisieux, qui avaient confié leur enfant à la Vierge ici dans ce temple. Son père, Louis Martin, rend hommage à Chartres, le 27 mai 1873 pour la guérison de Thérèse, née en Janvier. Je ne peux m’empêcher de penser fortement à mon fils de 4 ans, né en Janvier également et habitué aux hôpitaux.  C’est pour lui principalement que je suis venu dans cette cathédrale. Je suis obligé de réveiller ma foi. Et je décide de consacrer cet enfant à Notre Dame du Pilier. A genoux, comme le faisaient  les enfants autrefois qui venaient chanter ici le Salve Regina en période de calamités. Aujourd’hui, Notre Dame écoute les pleurs et les souffrances des enfants du monde entier. J’ai allumé une bougie et j’ai imploré la guérison de mon fils.

Comme une étrange sensation, j’ai obtenu immédiatement la réponse à cette prière. Mais au-delà de mon fils, j’ai eu bien l’impression que c’était ma propre guérison que je venais chercher ici. La paix intérieure qui m’a subitement habitée relevait du miracle. C’était donc important de venir ici. Je dirais comme Francisco ARAYA : « La rencontre physique avec la cathédrale de Chartres me semble une expérience unique et irremplaçable ». Je dirais comme Véronique Bigo : «  Mes ailes pour la cathédrale de Chartres saluent les anges, archanges et chérubins qui peuplent l’univers sacré de la religion ». Je dirais comme Béatrice Casadesus qu’il s’agit d’une « fontaine miraculeuse ». Je dirais comme Philippe Demontaut : « Mon émotion a sans doute été provoquée par la beauté du lieu mais aussi par l’incroyable lumière qui y régnait ». Tous ces artistes (photographe, peintre, sculpteurs et créateurs artistiques) disent en peu de mots, ce qu’est la voie et même la voix subtiles de cette cathédrale de Chartres.

C’était important de venir ici. 

C’était important de rencontrer Isis (Marie) dans ce lieu chargé d’histoire. 

C’était gratifiant de venir là où les rois de France étaient consacrés. 

C’était important de venir dans ce haut lieu mystique (catholique et maçonnique). 

C’était fondamental de venir prier ici, au pied de Notre Dame du Pilier, Notre Dame de Chartres. 

C’était important de venir ici, là où le culte d’Isis se réconcilie avec toute la magie chrétienne. Là où tous les enfants du monde retrouvent la guérison. Là où la religion prend tout son sens. Là où Noël résonne avec des vrais ânes et des vrais moutons venus de Jérusalem. C’était primordial de venir ici, unique lieu au monde où la lune se pose sur la cathédrale. Un soir de pleine lune qui nous guérit de cette difficile année 2016.

Je remercie beaucoup mon oncle (tonton Samuel) et ma tante (tata Hildegarde) grâce à qui ce pèlerinage à Chartres a été rendu possible. Ces deux êtres merveilleux  et mes magnifiques cousins m’ont apporté la chaleur que seule l’hospitalité africaine peut offrir. La disponibilité de mon oncle a été tellement forte qu’il a pris le temps, avec des journées épuisantes de travail, de me permettre dans cette région Centre de la France, de vivre les lumières éternelles d’une ville millénaire.

C’était un jour miracle, jour cénacle, jour tabernacle.


Les sirènes d’Istanbul

Un pays qui se place entre l’Europe et l’Asie. Un pays qui a pour voisins l’Iran, l’Iraq et la Syrie, n’a pas forcément le sommeil facile. Déjà, à votre arrivée à l’aéroport d’Istanbul, il existe un contrôle de police spécialement pour les irakiens. Allez comprendre pourquoi.

Heureusement, à mon arrivée devant l’officier de police qui contrôle mon passeport, les premiers mots qui sortent de sa bouche sont : « Samuel Eto’o, Vincent Aboubakar ».  Pendant que je réfléchis au nom du club de Vincent Aboubakar (Besiktas), le policier ajoute : «  Je suis un supporter d’Antalya Sports ».  Ah, il a repéré que je suis camerounais et ces deux joueurs évoquent en lui le symbole du Cameroun qui gagne.  Grâce à Eto’o et Aboubakar, il ne s’est pas attardé sur les motifs de ma venue ici. Il faut dire que depuis que la Turquie a connu de nombreux attentats ces derniers mois, la sécurité a été renforcée sur ses frontières. Et la montée des extrémistes de l’Etat Islamique n’a pas rendu les choses faciles.

Pourtant, la Turquie qui s’offre à mes yeux ne me laisse aucune différence avec les autres capitales européennes. D’abord l’accueil chaleureux du réceptionniste de l’hôtel « Realstar » qui vous offre du thé turc en guise de bienvenue. Dans un anglais audible et surtout dans un chauvinisme exceptionnel qui commence par saluer la compagnie aérienne nationale Turkish Airlines dont le succès est de plus en plus évoqué. C’est vrai que les quatre heures de vol qui nous séparaient de Zurich ont été agrémentées de loisirs et de distractions que seule cette compagnie peut offrir. Le cadre de l’hôtel s’avérera lui aussi être un délice. Je suis dans un univers féerique,  là où la chambre est garnie par un coffre-fort, un réfrigérateur à la disposition du client, et un téléviseur qui diffuse 1400 chaînes de radio et même de télévision. Le zapping ici est une épreuve de combattant. Je n’ai d’ailleurs pas pu retenir les canaux de RFI, France 24 ou encore Medi1, les quelques chaînes francophones que j’ai repérées. Il y a dans ce bouquet exceptionnel de la Turquie, une Fox, une CNN et une BBC turques. Oui, tout est nationalisé ici. Les turcs ont emprunté le meilleur de l’occident pour le localiser chez eux.

Istanbul offre la beauté d’un soleil matinal qui cache bien la température (5°C). Car l’hiver frappe aussi aux portes de la Turquie, malgré la beauté du temps et la présence de la mer autour d’Istanbul. Il y a même un air de Noël dans les magasins pour ce pays à 90% musulman. Istanbul, c’est un bus toutes les 5 minutes et une ligne de tram qui donnent juste à la fenêtre de ma chambre. Ici au No:47, Findikzade, Fatih, Istanbul, on a le plaisir de tous les commerces et de toutes les saveurs. Le petit déjeuner turc est riche et diversifié, mais son goût laisse à désirer. Il y a un véritable problème d’assaisonnement dans la gastronomie turque.

En trois jours ici, j’ai essayé les saucisses, le poulet, le poisson, le riz méditerranéen, et surtout la pâtisserie, rien, mais alors rien n’a pu flatter mon auguste palais. La nourriture d’Istanbul est le seul côté qui donne envie de mal noter cette ville qui pourtant est d’un éclat remarquable. La langue aussi est une barrière brutale. Heureusement, beaucoup s’essayent à la langue de Shakespeare. Cela me rappelle bien Amity International School, basée à Yaoundé au Cameroun. Cette institution éducative turque a formé plusieurs camerounais qui sont devenus imbattables dans leurs domaines respectifs. La Turquie et le Cameroun ont noué des relations bilatérales qui permettent aujourd’hui que plusieurs de mes compatriotes découvrent ce paradis terrestre.

Un paradis qui offre néanmoins un réveil matinal glacial chaque fois que les sirènes de la police retentissent. Ces sirènes rappellent l’heure du suspens des polars américains, comme une course poursuite contre un brigand et un gang. Il y a derrière ces sirènes comme une alerte que tout n’est pas rose à Istanbul. On n’est pas forcément à l’abri d’une mauvaise surprise. Mais l’autre sirène forte d’Istanbul ce sont ces mots prononcés jadis par Napoléon : « Si la Terre était une Nation, Istanbul en serait la capitale ».

Il avait raison. Istanbul montre à l’Union Européenne qu’elle a peut-être tort de retarder son admission depuis des années. Istanbul montre au monde du Football qu’ici, le professionnalisme a déjà pris tout son éclat. Istanbul montre à la face du monde que le développement n’est pas édicté par une philosophie et par une religion particulières, mais juste une humanité travailleuse.


Lausanne a achevé ma CAN 2016.

Je rêvais d’une première victoire des lionnes indomptables du Football à la finale de la Coupe d’Afrique des Nations de Football féminin qui s’organisait pour la première fois au Cameroun. Il a fallu que je secoue toute ma famille camerounaise ici en Suisse, pour un résultat déconcertant.

Je suis arrivé à Lausanne la veille de la finale de la 10ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations de Football Féminin. Lausanne, ville qui est bordée par le Lac Leman, Lac le plus grand d’Europe. Cette partie de la Suisse nous offre une vue paradisiaque depuis le train. Je loue ceux qui ont pu bâtir une si belle ville autour du Lac. Mama Béa vient me récupérer à la gare de Lausanne. Arrivé chez elle à Jouxtens-Mezery, sa demeure et celle de son époux Schito, on a  un aperçu de ce que ce séjour sera inoubliable.

Schito et Mama Béa
Schito et Mama Béa

J’engage tout de suite les hostilités en demandant la CRTV, chaîne nationale du Cameroun. Maman Béa me dit que depuis qu’elle n’aperçoit plus Mireille, Miss Météo sur cette chaîne, la CRTV ne fait plus partie de ses choix de chaînes. Il faut donc rappeler le fournisseur local de la CRTV dans le coin. En vain. Appeler aussi les camerounais de Lausanne. Sans succès. Contrairement à la France, la CRTV est un luxe ici en Suisse Romande, surtout dans le canton de Vaud.

Avec Steve pour chercher une connexion
Avec Steve pour chercher une connexion

Le lendemain, le cousin Steve débarque avec pour mission de fouiller un lien streaming sur Internet. Seule la chaîne privée de Douala, DBS est disponible en ligne. Les images ne sont pas terribles, mais on va faire avec. Steve réussit même à connecter l’ordinateur sur le super écran géant du salon. DBS reprend la CRTV, et nous avons la garantie de la retransmission de la rencontre. Entre temps, Mama Béa et Schito m’emmènent à la découverte d’un magasin de Noel à Lausanne. La veille déjà, nous étions dans un magnifique restaurant. Schito s’avère être un guide touristique efficace. Crissier, Renens, Prilly et Bussigny, ces petites communes autour de Lausanne m’apparaissent désormais comme des réalités palpables.

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C’est l’heure du match. Schito a déjà sorti une bouteille de Champagne en cas de victoire des lionnes. Sa cave à vins est impressionnante. Il y’a là-bas de quoi abreuver tous les épicuriens de la Rome ou de la Grèce antiques. Mais la rencontre devient tendue. Les lionnes dominent mais ne marquent pas. Skito annonce : « Elles vont finir par prendre un but. Une seule occasion des nigérianes, et elles la mettront au fonds ». C’est finalement ce qui se produira. Les lionnes vont perdre devant leur public.

Nigéria Champion
Nigéria Champion

La défaite est amère. Surtout pour moi, car pendant toute la CAN, j’avais porté cette équipe dans mon cœur. J’avais été un influenceur et un motivateur sur les réseaux sociaux. Cette fin est douloureuse.

Avec Philippe
Avec Philippe

Heureusement, Philippe, un ami de longue date est venu de La Chaux-de-Fonds, une autre ville suisse, pour m’emmener dans un restaurant et discuter de nos meilleurs souvenirs, ainsi que de nos aspirations spirituelles. Le lendemain, Schito et Mama Béa m’emmèneront de l’autre côté du Lac Léman, dans la zone française, notamment Evian et Thonon-Les-Bains, où se trouve Doris, une compatriote camerounaise partie du pays depuis 2004. Doris a conservé intacts son accueil et son sourire à l’africaine. Sa table est tellement garnie qu’on ne pourra même pas avaler le 10ème de son offre.

Chez Doris
Chez Doris

Ce dimanche chez elle m’a fait oublier la défaite des lionnes indomptables. C’est vrai que le Football est l’opium du peuple camerounais. Il est le point d’ancrage et de fédération de l’idéal patriotique qui ne se distingue nullement ailleurs. Le Football est la seule chose qui pourrait taire les rivalités ethniques et même les pseudos différences anglo-francophones qui émergent en ce moment au Cameroun. Le foot dans ce pays, reconnaissons-le, cache bien les insuffisances structurelles et infra-structurelles du Cameroun. Le football réconforte la Bayam Sellam (vendeuse à la sauvette), donne du sourire aux wolowoss (prostituées), et sert de camouflage complet au mal vivre et au mal être camerounais.

Au Musée Olympique de Lausanne
Au Musée Olympique de Lausanne

Heureusement ici à Lausanne, j’ai rencontré de vraies lionnes indomptables, notamment Mama Béa et Doris qui portent en elles les meilleures étiquettes de femmes vertueuses, travailleuses et généreuses.

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Lausanne a peut-être achevé ma CAN 2016, mais en visitant le musée olympique ou le siège du CIO (Comité International Olympique), je me suis rappelé que l’idéal olympique a toujours été le suivant : « L’essentiel c’est de participer ».

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Adèle de Zurich

Ma rencontre avec une chienne. Étrange voyage à Zurich, là où la phobie d’un animal peut devenir un atout.

Projekt: Viadukt Zürich Architekt: EM2N, Zürich

Arrivé à l’aéroport de Zurich, c’est la Chienne Adèle qui me souhaite la bienvenue. Accueillante, dressée, propre, elle s’attache très rapidement à moi. Personne jusque-là ne peut s’imaginer que j’ai la phobie des chiens. Mais Adèle voudra que je la caresse, que je la prenne dans mes bras, et même que je la promène le bord du Lac de Zurich. Pour la première fois de ma vie, j’ai dû toucher une crotte de chien que j’ai emballée dans du sac plastique avant de jeter dans une poubelle spécialisée. Sur le chemin du Lac, une dame suisse qui promenait également son chien a immédiatement demandé : « C’est Adèle ? ». Tout de suite, son chien et Adèle se sont mis à s’amuser, tandis moi, tout intrigué, je me trouvais nez à nez avec une dame que je ne connaissais ni d’Adam, ni d’Eve. J’ai alors deviné que ma tante et son compagnon avaient l’habitude de croiser cette dame et son chien sur le chemin du Lac.

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Adèle maîtrise très bien l’itinéraire, et sait même s’arrêter devant le passage clouté. Elle est plus civilisée que beaucoup d’humains.  C’est vrai que dans la gare de Zurich, outre les gens étranges que j’ai croisés et qui prenaient leur dîner dans cette gare, plusieurs personnes promenaient leur chien souvent même dans une poussette pour bébés. Quelqu’un me souffle à côté que ces chiens ont plus de droit que moi, et sont même assurés. Oui, l’Europe est fascinante, il y’a plus chaleur pour les animaux que pour les hommes.

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Mais la Suisse est paisible et belle. Elle est surtout moins stressante que la France ou la Belgique. Ici, dans la place centrale de Zurich, quelqu’un vient d’oublier sa paire de lunettes. Ma tante me dit : « T’en fais pas, personne ne peut la prendre. On ne vole pas en Suisse ». C’est vrai, il y’a un tel code d’honneur dans ce pays qui veut même que le rendez-vous à l’onglerie de Moussa (le camerounais) se fasse avec un strict respect de l’heure. La Suisse est le pays de l’heure. On est « On time » ici. Moussa n’est plus si différent de ces camerounais qui refusent qu’on parle fort, qu’on dise ce qu’on pense et qu’on s’exclame comme au pays, « parce qu’ici on ne parle pas fort  hein » dit-il avec une pointe de moquerie.

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Oui, on ne parle pas fort, mais la station NRJ Zurich se joue à fonds chez Moussa comme dans la plupart des domiciles que j’ai visités ici à Zurich. Froideur, quand tu nous tiens. Zurich est déjà dans des températures hivernales, et le tempérament des gens n’est pas si différent. Sauf, quand même cette congolaise qui s’est approchée de ma tante dans le train et qui lui a demandé : «  C’est votre mari ? ». J’ai répondu « Oui ». Ma tante a voulu très vite corriger cette imposture, mais n’a pas compris que moi je venais de trouver quelqu’un en face de qui je pouvais simplement plaisanter. Dommage, la beauté de Zurich résidera toujours dans la grandeur de son organisation, la multiplicité de ses magasins, les décorations de Noel, ou encore à la beauté de son paysage. Côté humain, même si j’ai toujours peur des chiens, la compagnie d’Adèle m’a finalement consolé. Cette chienne était visiblement la plus humaine de tous les zurichois.


Les camerounais de la Belgique ignorent les lionnes indomptables

Cette Belgique que j’admirais tant. Cette Belgique que je voulais tant découvrir. Mais cette Belgique si froide par le climat et si froide par le manque d’intérêt des camerounais pour leurs lionnes indomptables.

J’étais choqué dans cette voiture qui me ramenait à l’aéroport de Zaventem en Belgique. Après trois jours passés dans le pays siège des institutions européennes, que ne fut pas ma déception lorsque le Camerounais qui me transportait a déclaré : « Toi tu supportes les lionnes indomptables pourquoi ? Tu as une copine ou une sœur parmi elles ? Pourquoi est-ce que tu nous fatigues avec elles ? Elles gagnent leur argent en jouant, et toi tu veux que ça nous dise quoi ? ». Tellement j’ai été refroidi par ses propos que je n’ai plus rien ajouter jusqu’à l’aéroport. La Belgique avait déjà un goût très  amer pour moi. Comment un tel raisonnement pouvait sortir de la bouche d’un compatriote ?

Ah j’oubliais ! Ce n’est plus un compatriote. Il a son passeport belge déjà et le Cameroun n’est qu’un territoire qu’on lorgne à distance à travers les réseaux sociaux ou les photos choc sur Internet. Clairement, les lionnes indomptables, ça ne lui dit rien. Lorsque je demande à mon cousin à côté de lui, de me connecter à un réseau Wi-Fi, il semble me donner le même type de réponse, tout en essayant de me relier sans succès à un réseau Internet. La vérité est que la demi-finale opposant le Cameroun au Ghana pour le compte de la CAN 2016 de Football Féminin est déjà en cours. J’espère de tout mon cœur qu’on va au moins arriver à l’aéroport pour que je rattrape le match en cours. Là-bas au  moins, on a la possibilité d’obtenir gratuitement les codes Internet pour tous les voyageurs. Mais ce n’est déjà pas gagné d’y arriver à temps. Bruxelles a des bouchons partout. J’ai le temps de voir au moins la Commission Européenne, et plus loin l’OTAN, pour me rappeler que Bruxelles est une ville internationale comme New York et Genève.

J’ai un avion à prendre mais j’aurais pu rester dans ce restaurant camerounais pour visionner cette rencontre de Football. On m’a soufflé qu’à 16h effectivement, ils allaient mettre le match pour se connecter au pays, mais là encore, ce n’était pas sûr. Les seuls commentaires que j’ai entendus dans la bouche des camerounais vivants en Belgique, c’est «  Carte de séjour », « Passeport belge », « intégration », «  euros », « voitures », etc.

Devant le restaurant "Mboa Mboka" de Bruxelles
Devant le restaurant « Mboa Mboka » de Bruxelles

Dans un français pas toujours correct, ces camerounais-belges sont complètement déconnectés du pays. Est-ce le froid de l’automne et le début de l’hiver qui les rend si déphasés ? Est-ce la vie rude de l’Europe qui les emmène à être si superficiels ? Rien, mais alors ne me rappelle que je suis en face de mes compatriotes. La seule qui m’a donné envie de rester avec elle, c’est Diane, digne fille de Bandjoun, qui m’a accueilli la veille chez elle à Liège avec tous les égards dus à un compatriote. Sa chaleur et sa simplicité m’ont ébloui.

Diane et moi, à Liège
Diane et moi, à Liège

C’est une authentique africaine encore celle-là. C’est la seule qui m’a demandé à quelle heure se déroulerait le match des lionnes indomptables ce mardi 29 novembre 2016 et comment ferait-elle pour le regarder. Il a fallu qu’elle m’explique comment depuis le début de la compétition, elle a tout fait pour regarder la CRTV à travers CRTVWEB, ou encore à travers les relais de certains camerounais via les réseaux sociaux. Pourtant en Belgique, un opérateur de téléphonie (que la plupart des africains utilisent) offre une option de chaînes de télévisions africaines. C’est étonnant, mais la plupart n’y accourent pas. J’ai expliqué à Diane qu’elle pouvait également s’abonner à une chaîne privée camerounaise qui prend en relais la télévision nationale.

Club de Sport à Liège
Club de Sport à Liège

Mon cousin quant à lui n’en a cure. Il m’a plutôt proposé des activités ailleurs. Une séance complète dans une salle de sports, une invitation au Cinéma à Liège, un tour de ville, et surtout ce succulent rôti de porc qu’il cuisinait lui-même tous les soirs. Que dire de cette bouteille de champagne ouverte en mon honneur, de ce vin rouge débouché pour accompagner ce geste d’amour et du cœur que de recevoir un aîné chez soi. Mon cousin et moi avons beaucoup discuté de la famille, surtout le jour de mon arrivée, lorsque sa voiture est tombée en panne et qu’il a dû payer le train de Bruxelles à Liège. Sur le quai de la correspondance de Liège, à Louvain, il m’a entretenu sur sa vie de foi, une spiritualité qui le guide désormais dans ses actions quotidiennes. Il m’a révélé ces « miracles »  qui ont opéré en lui, et comment chaque jour qui passe est le témoignage de l’amour divin pour lui. Mon cousin évidemment, ne voulait pas me voir partir : « Danny, ne viens plus jamais me goutter ta présence ici. Deux nuits jours avec toi, c’est trop peu », m’a-t-il dit, dans une dernière étreinte.  Il me manque déjà, mais je lui en veux quand même de ne pas accorder tant d’importance que ça à nos chères lionnes indomptables.

Raissa Feudjio, buteuse face au Ghana
Raissa Feudjio, buteuse face au Ghana

Sur mon mobile, à l’aéroport de Bruxelles, je peux vivre les 4 dernières minutes de la rencontre. Les lionnes mènent par un but à zéro, grâce à Raïssa Feudjio . Les Lionnes sont en finale. Diane m’a envoyé un message et a déjà calé le rendez-vous de sa finale. C’est elle l’unique lionne indomptable que j’en rencontrée en Belgique. C’est déjà ça.

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Le lion de Lyon

Villeurbanne est une banlieue de Lyon. Elle aurait même pu être un arrondissement de la ville. Mais les villeurbannais avaient dit non par référendum (1903). C’est dans ce coin de la région Auvergne-Rhône-Alpes que je suis venu retrouver Jean-Robert Chauvin.

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JR (Jean Robert) et moi nous sommes rencontrés à Abidjan, lors du monde des blogs là-bas en 2014. C’était le blogueur le plus attendu, le populaire et le plus demandé de la bande. C’est aussi devenu mon ami. Nous sommes restés en contact tout ce temps, et j’ai même eu l’honneur de figurer dans les billets écrits par sa brillante plume.

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Ce billet « C’est comment » me rappelle l’expression camerounaise que ce français pure souche avait retenu de notre rencontre abidjanaise. Cette fois-ci, le Lion de Lyon va certainement retenir « Assia », expression camerounaise qui veut dire « courage », car depuis mon arrivée à l’aéroport de Lyon-Saint Exupéry, JR traîne un rhume rebelle. Cela ne l’a pas empêché de se plier en quatre pour m’accueillir, me recevoir, me donner sa chambre « des parents » tandis que lui, occupait sa chambre d’ami. Il est comme cela, JR, il a les défauts de ses qualités : direct, sincère, sensible. JR m’a fait découvrir les gratte-ciel de Villeurbanne, l’endroit mythique qui parle de sa ville, et du Rize, le lieu où il travaille. JR est connecté sur sa ville, mais également sur le monde. C’est d’ailleurs lui qui m’a annoncé fidèlement, le décès de Fidel Castro. Je disais qu’il a les défauts de ses qualités : tellement sensible que plusieurs fois, je n’ai pas levé la tête alors qu’il me parlait, me servait un verre ou un café. Il m’a simplement dit : « Tu es plus occidental que moi ». C’est vrai…

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JR m’a arraché des larmes, tellement il a su lire ouvertement en moi, cet être qui fuit les autres, qui a peur et qui cache sa timidité derrière un costaud physique et pas plus que cela. Oui, sa générosité m’a refroidi, comme de voir une espèce en voie de disparation dans ce monde. Sa culture générale m’a ébloui, comme de constater qu’il suit la CAN de Football féminin. Il n’a pas de télévision (ça ne l’intéresse pas), mais c’est lui qui me dit : « Bien avant ce troisième match gagné contre le Zimbabwe, les lionnes indomptables sont déjà qualifiées pour les demi-finales ». Comment le sait-il ? C’est que JR est au fait de tout. Il m’avait déjà envoyé un message lors du match amical France-Cameroun :

« Dania, une pensée pour toi ce jour ». Je me suis alors dit que je ne méritais pas tant d’attention d’un cœur si ouvert, d’un esprit si chaleureux. JR m’a promené dans ce Lyon qui parle comme un livre de l’époque de la révolution industrielle, notamment, le quartier de la Croix-Rousse qui est devenu un quartier de bourgeois, là où on descend les pentes pour se retrouver au Vieux Lyon, en traversant un pont sur la Saône. Tout ceci fait partie du périmètre UNESCO de la ville, car le Lyon touristique donne à voir et à comprendre pourquoi cette ville est très attachée à son histoire. L’Amphithéâtre des Trois Gaules sera un moment d’arrêt, là où la parole s’évapore dans un imaginaire que seuls ces vestiges savent conter.

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Que dire alors de la visite de la cathédrale de Lyon, à l’intérieur de laquelle un seul message peut être retenu :

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A l’extérieur, on aperçoit la basilique de la ville, ainsi que la forme miniature de la Tour Eiffel (La tour métallique de Fourvière) qui racontent la bataille musclée entre laïcs et religieux pour imposer chacun ses symboles sur cette ville. Dans la cour de la cathédrale, entre l’afflux et le flux des touristes, JR s’arrête devant des militants de Greenpeace venus rappeler à la France que l’énergie nucléaire est dangereuse. Dans ce débat de savants entre JR et son interlocuteur, je n’ai qu’une pensée en tête, celle des multiples délestages que nous vivons au Cameroun, alors qu’ici ils ont même le luxe de discuter de la qualité de l’énergie. Entre deux arrêts pour croquer une crêpe ou boire une bière blonde, JR me fait découvrir la rue de la République, cet endroit où le lèche-vitrine est interdit aux poches vides comme la mienne, là où surtout, se trouvent de nombreux sans-abri pour lesquels quelques centimes d’euros récoltés sont la garantie de leur survie et celle de leur chiens de compagnie. Là encore, JR a la réponse à tout : «  Ils ont besoin d’un chien parce que ça leur fait de la compagnie, parce que le chien attire plus la générosité des passants, parce que le chien les protège dans la jungle qu’est la rue ». Oui, le système capitaliste produit de plus en plus de victimes dans ce monde, et JR ne peut s’empêcher de rappeler que seul Cuba représentait encore un rempart fort contre le capitalisme occidental. Ce virus sévère qui donne naissance aux sans-abri, aux HLM (Habitations à Loyer Modérés) qui valent quand même 600 Euros (394.000 FCFA) par mois. Oui, à Lyon comme à Villeurbanne, les loyers, ça ne rigole pas, y compris chez Gladys MAHOUVE, cette vaillante lionne du Cameroun qui travaille dans l’humanitaire dans cette ville, mais qui a conservé intacts, ses réflexes de bonne cuisinière africaine.

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Dans le Grand Lyon, les transports urbains sont plus confortables que ceux de Paris, mais plus fréquentés encore malheureusement. Au moins ici, les trams, les bus et les métros ne sont pas aussi stressants à prendre qu’à Paris. C’est que Lyon est vraiment une « ville lumières ». Le nouveau stade de Football de l’Olympique Lyonnais porte d’ailleurs ce nom de « Stade des Lumières ». Le club n’évolue plus au stade Gerland, là où un autre lion de Lyon, Marc Vivien Foe, s’éteignit le 26 Juin 2003. Depuis sa mort, les lions indomptables du Football ont du mal à retrouver leur puissance d’antan.

Henriette Michele Akaba Edoa, double buteuse du Cameroun face au Zimbabwe
Henriette Michele Akaba Edoa, double buteuse du Cameroun face au Zimbabwe

Aujourd’hui, ce sont les lionnes indomptables qui font parler d’elles, et ce n’est pas étonnant que JR soit au fait de leur actualité. Il a même fouillé le lien streaming de la télévision nationale du Cameroun pour regarder le match des lionnes. « Mais ça ne marche pas ce lien », me dit-il avec une pointe de dépit. Je ne puis m’empêcher de sourire, car au fonds, les choses du pays font toujours sourire. Autant mieux se rabattre sur une radio locale. « La radio qui se revendique meilleure de Lyon » me crie JR. Il s’agit de «  Radio Scoop » dont la boutique était fermée, mais dont les ondes se captent sur la fréquence 92FM. JR préfère écouter son jazz malgré tout. Il aurait souhaité m’emmener regarder un match de Basketball, car l’ASVEL, équipe locale, est championne en titre de France. JR m’a fait verser une larme ce soir. Seul un vrai lion peut réussir à le faire.

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Zones de turbulence à Barcelone.

Aimé Nteppe est parti du Cameroun il y a plus de 12 ans. Aujourd’hui, cet ami de longue date est devenu catalan. Il parle son Duala maternel, mais aussi le français, l’anglais, l’allemand, le castillan, et bien entendu, le catalan. Ayant appris que je séjournais en Europe en ce moment, il m’envoie un billet d’avion dans mon adresse électronique, se charge même de l’enregistrement en ligne, et me dit : « Rends toi à l’aéroport d’Orly demain et prends le vol de Transavia pour Barcelone ».

Aimé NTEPPE
Aimé NTEPPE

Transavia est une compagnie low cost d’Air France KLM. C’est vrai que ça faisait bizarre dans l’avion de devoir payer pour la collation, la preuve que c’est un vol particulier dans lequel la plupart des passagers avaient uniquement des bagages en main comme moi. Mais le vol pour Barcelone va s’avérer compliqué pour mon cœur si fragile. D’émotions en émotions, entre ma voisine catalane qui répétait les devoirs de sa fille à côté de moi, l’équipage français qui nous racontait que le vol serait retardé à cause des orages à Barcelone, il fallait encore subir les secousses des zones de turbulence. Jamais un voyage n’avait était aussi stressant. Le pilote a dû éviter les nuages rebelles pendant tout le trajet qu’il nous avoue avoir même modifié. Je pense à Aimé qui m’attend à l’aéroport. Heureusement que je lui avais déjà envoyé une photo au moment de l’embarquement. Je l’imagine néanmoins impatient, car il souhaitait que nous regardions ensemble le match de Barcelone. Oui, l’équipe de foot locale est considérée par les catalans comme leur équipe « nationale ».

Nous sommes enfin arrivés sur la piste mouillée de l’aéroport de Barcelone. Le cœur soulagé, j’ai hâte de sortir et d’oublier ces moments douloureux où l’appareil menaçait même de tomber sur la mer méditerranée qui entoure Barcelone. Cela m’a rappelé le vol Yaoundé-Istanbul effectué quelques jours plus tôt. Oui, j’avoue, la mer me fait flipper quand je suis en l’air. Et du coup, j’ai pensé aux lionnes indomptables, et la Coupe d’Afrique des Nations Féminine qui se déroule en ce moment au pays. Pourquoi ai-je quitté l’ambiance électrique du stade Omnisports de Yaoundé pour me retrouver ici ? Une question qui me taraude l’esprit alors que j’ai hâte qu’on atterrisse.

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Enfin nous sommes à Barcelone. Aimé NTEPPE m’accueille avec la « Sangria », cette boisson bien espagnole surnommée le Saint Graal. Un toast inoubliable devant une hôtesse de l’air russe, amusée par ces deux noirs qui sont contents de se retrouver en Catalogne. Commence alors la visite guidée « Barcelona by night ». Il y’a le match de football qui est en cours, mais Aimé me conduit dans sa belle Audi noire. Il me parle de toutes les places célèbres de Barcelone et est surpris de mon ignorance. « Tout ce que je sais de Barcelone c’est le club de Football », lui dis-je avec une honte camouflée. Souriant, il me rappelle que Barcelone c’est aussi son club de Basketball, mais aussi la région la plus riche d’Espagne, qui revendique fièrement son indépendance avec raison : « Ils ont la mer, la montagne, le soleil et les plages dans une seule région.

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C’est une terre bénie, la Catalogne, et précisément, la Costa Brava » dira-t-il en appuyant sur l’accélérateur. C’est vrai que 24° en Automne, c’est plutôt rare. Ici à Barcelone, selon les termes d’Aimé, « la vie est paisible, la société est accueillante, et c’est le paradis des jeunes européens en Eté ».  Mais, cette région très nationaliste, se démarque surtout par ces drapeaux catalans et non espagnols qui sont brandis sur toutes les terrasses ou presque.

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Aimé semble être comme un poisson dans l’eau ici.  Il me conduit deux heures plus tard vers son domicile, perché sur les hauteurs de la Catalogne, le lieu s’appelle Montjuic, dont la légende raconte même la défaite de Napoléon qui aurait cherché à conquérir cette ville.

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Mais là où Napoléon a échoué, un Camerounais se hisse très haut dans un appartement avec terrasse et une piscine qui semble mettre tous les sceptiques d’accords sur la qualification de « paradis » de ce bout de terre. Et pourtant, malgré cette intégration catalane, Aimé est un camerounais dans l’âme. Il me sert du Ndolè (épinards du Cameroun) avec les miondos (bâtons de manioc), pour marquer son attachement au pays.

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 Sa voiture distille les chansons de Toto Guillaume, Tom Yom’s (son feu  oncle),  Eboa Lottin, et surtout Richard Bona, dont il reprend les refrains comme s’il faisait partie de son orchestre. « Aimé, tu devrais chanter, lui dis-je ». Il répond : « Je sais que je peux chanter ». Demandez-lui de vous chanter « New Bell » de Richard BONA, et il vous la fera de manière impeccable.

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Parlant de Richard BONA, ma rencontre avec lui à l’aéroport de Paris Charles de Gaulle m’a permis de cerner un homme qui aime profondément son pays d’origine, le Cameroun, malgré le fait qu’il porte d’autres nationalités. Richard BONA est un camerounais vivant. Aimé est pareil, refusant même de prendre un passeport européen, car «  je suis camerounais à vie », dira-t-il pour conclure. Lorsque je lui parle de la CAN et des lionnes indomptables, Aimé se rend compte qu’il lui faut rapidement acheter une parabole pour capter les chaînes africaines. « Cameroun O Mulema », traduisez, Cameroun dans le cœur, dira-t-il en langue Duala, une langue que même la Catalogne ne lui fera jamais oublier. L’écouter parler m’a fait oublier les secousses de l’avion et mon séjour à Barcelone sera toujours comme la réponse patriotique à notre beau pays le Cameroun…Comme les lionnes indomptables.

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Les colombes du Stade Omnisports de Yaoundé.

La 10ème édition de la  Coupe d’Afrique des Nations de Football Féminin se déroule du 19 Novembre au 3 Décembre. Coup d’œil sur une cérémonie d’ouverture riche en éclats.

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En lisant la publication de Laure Anny Atangana Bassek sur son profil Facebook, on pourrait dire qu’il s’agit là d’un résumé succinct du lancement de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de Football au Cameroun. En  1972, date de la première et dernière compétition similaire au Cameroun, bon nombre d’entre nous n’étions pas nés. Il n’y a que les souvenirs racontés par nos aînés de l’époque qui nous rappellent ce qui s’est passé en 1972, et le drame de l’échec du Cameroun lors de la demi-finale perdue face au Congo.

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Depuis lors, seuls nos écrans de télévision étaient témoins de ce qui se vivait ailleurs en termes d’organisation des compétitions sportives et surtout le football. Les camerounais étaient tellement demandeurs d’une telle animation chez eux que lorsque le voisin équato-guinéen a organisé la CAN masculine de  2015, des milliers de camerounais ont traversé la frontière de kye-Ossi pour aller vivre les rencontres qui se disputaient au stade d’Ebibeyin.

Stade d'Ebibeyin
Stade d’Ebibeyin

On avait compris alors que le pays de Roger Milla, Patrick Mboma et Samuel Eto’o avait soif d’abriter une CAN sur ses terres. Le Cameroun s’est donc investi pour accueillir la CAN féminine 2016 et la CAN masculine 2019. Les stades de Limbé et de Bafoussam ont été construits, et le mythique stade Omnisports de Yaoundé a été rénové.

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C’est donc ce stade qui accueille la cérémonie d’ouverture ainsi que le premier match qui oppose les lionnes indomptables aux égyptiennes. Jamais le stade Ahmadou Ahidjo n’avait aussi bien porté son nom. Le premier Président du Cameroun a reçu un vibrant hommage lors de la parade culture d’avant-match. C’est bien la première fois dans mes souvenirs que ce Monsieur est mis en valeur dans une cérémonie où se trouve son successeur actuellement au pouvoir.

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Et Paul Biya aura aussi son heure de gloire lorsque tout le stade scandera « Paul Biya, notre Président, père de la Nation ». Oui, l’Afrique du football a été témoin de cette particularité camerounaise qui veut que lorsque le président se déplace les grands moyens de sécurité sont mobilisés. La parade militaire qui a précédé la culturelle était la démonstration que la République est solidement enracinée sur la force de son Chef Suprême. L’Afrique du football a vu un stade qui clamait et acclamait son chef, comme si les invectives contre lui dans les journaux et sur les réseaux sociaux ne sont que pure comédie. Oui, au Cameroun, on fait les choses comme ça. On tait les querelles et les clivages politiques le temps d’une grande fête du football.

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Oui, au Cameroun on est comme ça. Pendant que les gens combattent et insultent le système, déclarent en avoir marre du régime politique, le football est là pour mettre tout le monde d’accord. Le football, c’est la religion officielle du Cameroun. On y chante l’évangile selon Saint Ballon Rond. La preuve, il a fallu que les caméras se braquent sur Samuel Eto’o qui était l’invité spécial de cette cérémonie d’ouverture, pour que tout le stade chante les louanges de ce demi-dieu du football africain. La religion du football au Cameroun, c’est un stade plein même quand les femmes jouent. Pas de sexisme, pas de discrimination de genre, c’est le football, un point c’est tout. Dans la religion du football au Cameroun, telle le symbole du dimanche dans les églises catholiques romaines,  on se donne « un signe de paix », dans les gradins où les ethnies, les langues, les antagonismes se taisent devant le spectacle football.  Le signe de paix du stade Omnisports ce 19 Novembre 2016, c’était la cohésion des joueuses camerounaises, développant un jeu châtié, une démonstration technique incroyable, et un score deux buts à zéro, venu valider une journée inoubliable au Cameroun. Au début de la rencontre, un spectateur hurlait « Donnez-nous du sourire ».

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C’était donc chose faite à la fin du match.  Ce jour nous aura montré comment des Aboudi Onguene Gabrielle, Ngo Mbeleck, Ngock Yango Jeannette Grace, et la divine Nchout Njoya Ajara dont je suis définitivement tombé amoureux, font la fierté du Cameroun. Oui,  Nchout à elle seule,  m’a donné envie d’aller découvrir le peuple Bamoun à Foumban.  La messe est dite, le football a repris l’espace de ce moment, sa sacralisation légendaire au Cameroun. Au-dessus de la cuvette du stade Omnisports de Yaoundé, j’aperçois une colonie de colombes qui traverse le stade. Une semaine plus tôt, en match amical Cameroun-Tanzanie préparatif de cette CAN 2016, les mêmes colombes avaient déjà traversé le stade. Plus qu’un signe, c’était la validation certaine que le Cameroun est un pays de contradictions, un pays de particularismes plus ou moins bizarres, mais avant tout, et surtout, un pays… de paix.

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A propos des ex…

A propos des ex…

Les ex sont-elles encore exploitables ? Vous me diriez certainement : « Tais-toi DANIA, es-tu toi-même un exemple » ?

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Mais ai-je besoin d’être exemplaire pour partager mon expérience ? De fait, l’expression de mon excitation à parler de mes ex, n’a rien à voir avec le titre mon ex du groupe X (se lit ex en anglais) Maléya qui du reste est une bonne chanson qui rappelait que « je rappelle souvent mon ex ». Mais pourquoi la rappeler, son ex ?  A-t-elle fini avec ses excentricités ? A-t-elle fait son examen de conscience sur notre vie à deux ? A-t-elle compris pourquoi nous avons tous appuyé sur le bouton Exit ?

C’est vrai, les ex ne sont pas très explicites sur les raisons d’une séparation. Parce que les ex se présentent toujours comme victimes expiatoires du machisme des hommes. Les ex sont toujours extraordinaires, dans leur faculté à relater des situations qui ne nécessitent pas tant d’exacerbation.  Mais les ex sont toujours très excitées, quand il s’agit d’exagérer sur les exactions de nous, les ex chéris, devenus exécrables. Oui, l’exagération des ex est telle qu’elles savent exceller dans l’art de : cet ex ne valait rien . Oui, les ex sont exceptionnelles. Elles savent même attirer la malédiction sur vous, surtout lorsqu’elles affirment sur un ton exclamatif que leur chéri d’hier est pire qu’un excrément aujourd’hui. Oui, les ex sont les exégètes de la langue vipérine. Elles oublient tous les bons moments et se concentrent avec une haute exergie sur ce qui s’apparente à un vrai exercice de sabotage, exhumant même ta façon de hurler dans un lit, te réduisant désormais à un simple exarque de la sexualité, un nouvel infortuné du sexe, une victime d’excoriose là où le nouvel amant est devenu un  exorciste de sa condition amoureuse.

Oui, parler des ex est un exercice pénible. C’est comme si je la voulais subitement exorable, alors que tout notre trajet de couple n’a été qu’une perpétuelle exosphère qui embrumait nos éternelles discussions et querelles. Les ex sont vraiment dangereuses. Elles prétendent même que sortir avec vous était de la véritable exogamie. Elles diront qu’elles regrettent amèrement le jour de votre rencontre, qu’elles détestent la première fois que vous les ayez touchées, et que vous n’êtes qu’une exacte erreur de la nature.

Bref, les ex sont rancunières. Elles vous excommunient même de leurs souvenirs. Les ex font exonder en elles, la conviction que vous n’êtes qu’une monstruosité. Oui, faites attention aux ex ! Sinon, vous ne serez qu’une simple expectoration de leur vie déjà bien agitée. Vous serez une simple exponction, un simple épisode, un flash, un éclair. Triste vraiment, quand une ex déclare que vous êtes « un ex ».  Ça y est ! Game over ! Vous êtes exproprié de votre droit jouissif qui faisait de vous, l’homme extasié du quartier.

C’est du passé en tout cas. Adieu, mon ex.


Tout ça pour Sa’a ?

Des drapeaux blanc-bleu aux couleurs de l’UNESCO, brandis par des élèves du primaire et du secondaire, rassemblés ce mercredi 12 Octobre 2016 dans la cour de la mairie de l’Arrondissement de Sa’a, département de la Lékié au Cameroun. Au rythme des groupes de danses, des chants des associations féminines et des clameurs des populations riveraines, les sonorités perçues annoncent déjà un événement d’une grande envergure.

Il s’agit en effet de l’inauguration d’une radio communautaire, la radio baptisée « M’Mali FM ». On ne s’y trompe pas, la tribune officielle est suffisamment garnie par le ministre de la Communication (Issa Tchiroma Bakary), le ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Abdoulaye Yaouba), et la ministre de l’Education de Base, Présidente de la Commission Nationale de l’Unesco (Madame Youssouf née Hadidja Alim), venus présider la cérémonie de visite de la radio communautaire de Sa’a, en compagnie d’un hôte de marque, le Président de la 38ème session de la Conférence Générale de l’Organisation des Nations Unies, pour la Science, l’Education et la Culture, le namibien Stanley Mutumba Simataa.

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Ici à Sa’a, les ondes radio ne sont pas aussi fournies en fréquences qu’à Yaoundé, la capitale, qui n’est pourtant qu’à 60 minutes de route. Seuls le Poste National (88.8 FM)  et CRTV Centre (101.9FM) émettent ici. L’avènement d’une radio rurale « apporte une alternative à ces populations qui ne savent pas parler anglais ou français », dira le ministre Tchiroma. Il est 10h du matin, et sur la fréquence 99.0 FM, le jingle de la chaîne tonne.

De la musique et des effets sonores en guise de bienvenue se distillent depuis Radio M’Mali. Une radio qui existe depuis 2002 par la volonté des femmes de la localité, réunies en association pour apporter leur touche au développement communautaire. Ayant fait du chemin, la radio a perdu de son éclat avec un outil de production qui devenait inadéquat et vétuste. Il devenait urgent de la réhabiliter et de la rénover. Une fierté pour le maire Jean Blaise Messina Noah, qui rappela que la radio « est rénovée et équipée grâce au partenariat avec l’Unesco ». L’organisation onusienne ne fournira pas seulement le matériel de production, mais ouvrira également un centre multimédia pour les jeunes, une bibliothèque et un centre d’archivage à l’intérieur de la radio. Un chèque de deux millions de FCFA sera remis d’ailleurs à la responsable de la chaîne comme frais de fonctionnement.

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Coupure du Ruban de Radio M’Mali entre Issa Tchiroma et Stanley Mutumba Simataa.

Des locaux qui seront visités par Stanley Mutumba Simataa et les ministres, non sans une satisfaction certaine devant ce joyau flambant neuf perché sur une des collines de Sa’a. Le défi sera désormais celui de la maintenance de ces équipements. Une inquiétude vite balayée dans le discours du ministre de la Communication qui dira « toute la disponibilité » de son département ministériel qui vient de se doter d’un comité en charge des radios communautaires. Toute la cérémonie protocolaire sera retransmise en direct sur M’Mali FM, notamment le discours de Charles Assamba, représentant les élites de la localité.

Mais pourquoi M’Mali au juste ? « Parce que M’Mali signifie Tam Tam et Tambour en langue locale », nous explique l’une des femmes dynamiques à l’origine de ce projet de radio communautaire. La radio M’Mali est un appel, un appel au rassemblement, aux valeurs de paix, de partage et de vivre ensemble. Pour ce faire, Le ministre de la Communication et son hôte de marque sont même aller jusque répondre aux questions de l’animateur de service, Max Ayissi, un peu impressionné par ses interlocuteurs, mais qui fini quand même par relever le défi de sa toute première interview institutionnelle. C’est aussi cela, l’apprentissage.

En 2010, c’était à Mbalmayo, une autre localité du Cameroun, que le Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Ban Ki Moon, s’était livré au jeu des interviews dans la radio communautaire « Radio Femmes ». Son passage a laissé une empreinte indélébile sur cette station, puisque Radio Femmes est restée jusqu’à lors, une référence dans cette ville. Il est vrai que les radios communautaires font de plus en plus l’objet d’une préoccupation attentive de la part du gouvernement Camerounais et des différents partenaires. C’est avant tout une question de rapprocher les populations des enjeux du développement, notamment les ODD (Objectifs du Développement Durable), affichés dans toutes les cabines de M’Mali FM pour rappeler que c’est le cap à franchir par la localité et le pays.

Centre Multimédia de la Radio de Sa'a
Centre Multimédia de la Radio de Sa’a

Comme nous le disions déjà, quand les radios communautaires militent pour le développement, elles provoquent le changement de comportement des populations. Pour cela, Sa’a méritait bien « tout ça ». Ce balai de diplomates, ces représentants de l’Unesco du Cameroun et des pays voisins, ces ministres de la Républiques, ces élites, ce cortège et ses sirènes impressionnantes, et surtout, cette radio qui tonne déjà dans tous les ménages de Sa’a. Car, dira finalement Stanley Mutumba Simataa, « la plus grande pauvreté est la pauvreté de l’information ».